Demetrious Johnson : Un champion incompris
UFC jeudi, 26 févr. 2015. 09:00 jeudi, 12 déc. 2024. 16:35MONTRÉAL – Il n’a pas perdu depuis des lunes et on peine à imaginer qui sera le prochain à le faire tomber. Son trône semble imprenable, sa domination est incontestable.
Mais sa feuille de route presque sans tache ne lui vaut pas que des accolades. Son style efficace et sa technique presque sans faille lui permettent d’accumuler les victoires, mais pas de rallier les fidèles. Il a éclipsé trois de ses quatre plus récents adversaires avant la limite, mais on dit pourtant de lui qu’il est ennuyant.
À l’extérieur de l’octogone, on l’accuse d’un calme qui ne rend pas service à son sport. On lui tend des pièges, mais il ne mord pas. On tente de le faire sortir de ses gonds, mais il refuse de flancher. Ses principes ont une plus grande valeur à ses yeux qu’une poignée de faussetés galvaudées pour attirer l’attention. Ses déclarations les plus fracassantes, il entend les faire avec ses poings, une fois la cloche sonnée.
La différence entre Demetrious Johnson et Georges St-Pierre?
« C’est bien évident que je ne parle pas français, mais je vais travailler là-dessus. Quand je reviendrai, je pourrai vous impressionner avec ça! », promettait le champion des poids mouches mercredi lors d’un passage éclair au Centre Bell pour promouvoir sa participation à l’UFC 186, qui aura lieu le 25 avril à Montréal. Il y défendra alors sa ceinture pour la sixième fois, cette fois contre le Japonais Kyoji Horiguchi.
Johnson (21-2-1), un bon vivant qui ne se prend pas trop au sérieux, n’a pas l’air trop affecté par tous ceux qui se permettent d’émettre une opinion sur la qualité de son travail.
« Je crois que tout le monde, peu importe ce qu’il fait dans la vie, est critiqué. Personnellement, je fais mon travail du mieux que je le peux et mes récents accomplissements me permettent de croire que je le fais plutôt bien. Alors quand j’entends ce genre de chose, je les balaie simplement sous le tapis. Il y aura toujours des trolls sur internet, mais il y a aussi beaucoup de gens qui comprennent le sport et qui voient la valeur de ce que je fais. C’est la vie. »
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Le truc, c’est qu’une partie des critiques dirigées à l’endroit de « Mighty Mouse » proviennent de ses pairs. John Dodson a récemment dit de lui que son incapacité à attirer l’attention « ruinait » la division des 125 livres. Plus imagé, Ian McCall a déjà affirmé que les poids mouches ne recevaient aucune attention parce que le champion avait « la personnalité d’une tasse de café ».
« Si vous lisez bien l’article, (Dodson) dit qu’il revient ultimement à chaque combattant de faire en sorte que notre travail soit reconnu. Et moi, je le fais mon travail. Je le fais en leur bottant tous le derrière, se défend Johnson. J’ai battu Dodson, j’ai battu Ali Bagautinov, j’ai battu Joseph Benavidez. Qui d’autre dois-je battre pour "faire mon travail"? »
Sans hésiter, Johnson admet que son sport évolue dans une direction qui ne l’emballe pas. Les arts martiaux mixtes, avec l’UFC comme figure de proue, semblent plus que jamais en dérive vers un rivage où règnent le spectacle et le divertissement au détriment de l’aspect sportif des disciplines qui y sont intégrées.
« Je le crois réellement, déplore l’Américain de 28 ans. Quand j’ai commencé à pratiquer ce sport, je n’étais pas attiré par les guerres de mots et les histoires de haine entre deux combattants. Je n’étais pas intéressé à foutre une raclée à qui que ce soit. J’admirais les qualités athlétiques et l’éthique de travail qui étaient nécessaires pour y réussir. J’ai gravi les échelons, débuté chez les amateurs, fait le saut chez les pros… »
« Maintenant, je suis invité à des rencontres dans lesquelles on nous dit : "Vous voyez ce gars-là? C’est une personne très importante pour nous parce qu’on essaie présentement de percer dans ce marché. Alors si vous trouvez une façon de vous rendre aussi utile que lui, vous allez faire beaucoup d’argent!" Je me demande vraiment comment je devrais me sentir quand j’entends des choses pareilles. »
Johnson refuse d’associer des noms au problème qu’il décrie et lorsqu’on le fait à sa place, il désamorce avec beaucoup de prudence.
Au sujet de Conor McGregor, ce raz-de-marée irlandais qui déferle sur l’UFC depuis deux ans, un aspirant aspiré vers une chance au titre de sa division par ses performances à l’intérieur de la cage, mais surtout à cause de sa grande gueule : « Il est bon, fantastique. Il parle beaucoup, mais il se bat aussi très bien. La première fois que je l’ai vu, j’ai été impressionné par sa capacité à contrôler la distance et à contre-attaquer. Je le trouve formidable. »
Au sujet de Phil Brooks, alias CM Punk, un ancien lutteur professionnel sans aucune expérience en arts martiaux mixtes que l’UFC tente de convertir en machine à faire du fric : « On verra ce qui arrivera. Si les gens veulent le voir se battre, c’est merveilleux, je n’ai rien contre ça. L’UFC, c’est une business qui essaie d’élargir sa clientèle. »
Mais si Johnson était à la tête d’une compagnie, il n’y aurait pas de place pour les CM Punk de ce monde. Ça, il n’est pas gêné de le dire.
« J’ai entendu d’autres combattants plaider qu’ils n’avaient rien contre son arrivée parce qu’il ne prenait pas la place d’un autre combattant au sein de l’effectif, ce qui est absolument vrai. Mais personnellement, si je dirigeais la meilleure organisation de MMA au monde, j’investirais mon argent pour mettre la main sur un talent exceptionnel, explique Johnson, qui tient à préciser qu’il ne souhaite aucun malheur à son nouveau confrère. J’aurais fait signer un gars qui fait partie de la crème à 135 livres, par exemple. Les autres promoteurs m’auraient sûrement dit que c’est une décision stupide, mais à mes yeux, si j’étais président de ma compagnie, je trouverais difficile de justifier l’embauche d’un gars qui n’a même pas un combat amateur à son actif. »
Si Diaz et Silva valent trois millions…
Johnson posait lui-même la question un peu plus tôt. « Qui d’autre dois-je battre pour "faire mon travail"? »
Devant la minceur des options de qualité qui sont offertes aux champions chez les poids mouches et les poids coqs, certains commencent à se demander si un choc entre les deux ne serait pas la solution la plus intéressante. Johnson s’est fait questionner sur la possibilité récemment et sa réponse, à l’origine lancée sur un ton badin et provocateur, ne cesse de faire jaser depuis.
Johnson a persisté et signé, mercredi, cette fois sur un ton plus sérieux. Si les circonstances s’y prêtent toujours, en temps et lieu, il serait prêt à affronter T.J. Dillashaw... si le combat est accompagné d’une bourse de 2 M$.
« Si Anderson Silva et Nick Diaz peuvent sortir d’une pause de trois ans et se faire offrir un pont d’or pour le genre de spectacle qu’ils ont offert, je m’excuse, mais je crois que je mérite d’être payé à ma juste valeur considérant tout ce que j’amène dans l’octogone », calcule « DJ ».
« Deux millions de dollars, c’est beaucoup d’argent aux yeux de bien du monde. Mais à ce que je sache, jamais deux champions ne se sont affrontés dans l’octogone (N.D.L.R. : Johnson oublie le deuxième duel entre Georges St-Pierre et B.J. Penn). Alors faisons de ce combat une réalité. Je suis sûr que T.J. serait partant. En tout cas moi je le suis. »