MONTRÉAL – « N’importe où, n’importe quand ». Dans l’univers machiste des arts martiaux mixtes, ces quatre mots forment la règle d’or du combattant typique, un mâle alpha sans complexe qui prétend à qui veut l’entendre n’avoir peur de rien ni personne.

Dans un monde, donc, où l’admission d’une préférence personnelle peut rapidement être perçue comme un signe de faiblesse, Olivier Aubin-Mercier continue de faire une clé de bras aux clichés.

Aubin-Mercier était emballé quand on lui a proposé d’affronter Leonardo Santos pour son retour dans l’octogone. Comme le nom lui avait déjà été soumis dans le passé, le Brésilien était depuis quelque temps sur son radar. Un vétéran en vogue, invaincu en sept ans, classé favorablement. Le défi était stimulant pour le « Québec Kid ».

Il n’y avait qu’un problème. Le combat, officiellement ajouté à la carte de l’UFC 212 plus tôt cette semaine, devait avoir lieu à Rio de Janeiro. Vous n’entendrez pas ça souvent, mais Aubin-Mercier aurait sincèrement préféré Buffalo.

« Je vais te le dire, je n’étais pas content d’aller au Brésil, admet sans détour l’athlète de 28 ans. Quand mon gérant m’a fait part de l’offre de l’UFC, je lui ai dit de leur répondre que je ne voulais pas me battre là-bas. Il m’a demandé si j’étais sérieux, j’ai dit oui. Cinq minutes plus tard, je me suis trouvé un peu ‘princesse’ et je l’ai texté pour lui dire que j’allais prendre le combat. Il avait déjà fait le message, mais bon, ça a bien fini! »    

Plutôt casanier, Aubin-Mercier a été gâté depuis le début de sa carrière. Son parcours l’a amené à Québec, Halifax, Montréal, Saskatoon, Ottawa et Toronto, autant d’endroits où il a été acclamé sans réserve, adopté aveuglément comme le favori de la foule. Son plus gros dépaysement, il l’a vécu quand il a été battu par Carlos Diego Ferreira à Newark, au New Jersey. 

Mais le natif de Saint-Bruno-de-Montarville assure qu’il n’a rien contre le fait de combattre en territoire hostile. Au contraire, « je pense que j’aime mieux quand la foule hue. C’est plus facile de dealer avec ça », affirme-t-il. L’irritant se trouve plutôt dans un paquet de petits détails qui entourent la préparation au combat et qui le forcent à réfléchir à des trucs dont il n’avait jamais eu à se soucier auparavant.

D’entrée de jeu, Aubin-Mercier admet entretenir un petit préjugé négatif envers le Brésil. Un séjour avec l’équipe canadienne de judo, il y a plusieurs années, lui a laissé une étrange impression.

« Tous les centres sportifs étaient barricadés avec des barbelés. On avait toujours l’impression d’être en prison. Et à moment donné, un gars déguisé avec un masque à gaz était entré dans notre dortoir. Il ne s’était absolument rien passé, mais c’est le genre d’affaire que je n’avais vraiment pas aimée. C’est vrai, je suis un peu chochotte. »

L’alimentation au centre des préoccupations

Il y a toutefois plus que quelques souvenirs désagréables qui rendent l’idée de changer de continent déplaisante aux yeux d’Aubin-Mercier.

« Oui, j’ai eu une mauvaise expérience là-bas, mais en réalité, c’est vraiment l’aspect de la logistique qui est tannant, résume-t-il. Il y a beaucoup de choses auxquelles je dois penser. Parfois, ce sont des petits détails qui peuvent s’avérer très importants rendu là-bas. »

Au centre des préoccupations du jeune poids léger : l’alimentation. Pour un athlète qui termine une coupe de poids, débarquer dans un pays étranger peut engendrer d’indésirables surprises. Des produits difficiles à trouver, des installations inadéquates, des restos peu recommandables... Voilà autant de scénarios hypothétiques pour lesquels le membre de l’équipe Tristar pense déjà à des solutions.

« Quand j’avais fait une compétition là-bas, j’avais eu beaucoup de problème à trouver de la bouffe que mon corps pouvait prendre, se souvient-il en riant. On avait par contre trouvé des très bons restos, avec des bonnes grillades, mais la prochaine fois, est-ce que je vais prendre le risque d’espérer qu’il y en ait proche de mon hôtel? Je ne sais pas... »

Aubin-Mercier a l’intention de tâter le terrain avant d’y atterrir. Ses amis Bruno Fernandes, un entraîneur de Jiu-Jitsu brésilien au gymnase Gracie Barra à Montréal, et Frédéric Morin, du restaurant Joe Beef, font partie des ressources qui pourraient utiliser leurs contacts pour faciliter son adaptation. Il envisage aussi la possibilité de se doter d’un chef privé pour l’occasion, mais d’autres contraintes entrent ici dans l’équation.    

« Ça coûte assez cher de faire voyager du monde avec moi. L’UFC défraie les coûts pour un seul entraîneur, le reste doit venir de ma poche. C’est quand même 1300$ pour un billet... »

« C’est une grosse dépense, plus de 10% de ma paye qui partirait. Donc je suis encore en méditation. Je vais essayer de trouver un moyen, mais je ne l’ai pas encore trouvé », conclut-il.

À défaut d’Holbrook...

Après sa victoire contre Drew Dober à l’UFC 206, en décembre, Aubin-Mercier avait pour une rare fois estampé une cible sur le dos d’un adversaire qu’il souhaitait affronter, en l’occurrence Andrew Holbrook. « Ça serait vraiment un adversaire différent de tous mes autres et ça, c’est quelque chose de motivant pour un athlète », avait à l’époque expliqué le Québécois dans les coulisses du Centre Air Canada.

La demande spéciale a été ignorée. Aubin-Mercier a dû attendre quatre mois pour savoir qu’on voulait finalement le confronter à Leonardo Santos. Ironiquement, Holbrook renouera quant à lui avec l’action cette fin de semaine sur le gala auquel Aubin-Mercier aurait aimé participer... à Buffalo!

« Il me motive, mais différemment, explique le Québécois au sujet de son prochain rival. Holbrook, c’était vraiment pour le style. J’aurais trouvé ça nice d’affronter un gars comme lui qui fait beaucoup de clés de jambes. Ça m’intéressait d’aller faire une guerre de leglocks. Avec Santos, c’est différent. C’est mon meilleur adversaire à date. Je pense qu’il est classé dans les 20 premiers à l’UFC et il est sur une lancée assez incroyable avec dix victoires de suite. Il a passé le K.-O. à Kevin Lee, qui vient d’entrer dans le top-10. Je pense que c’est plus pour ça que ce combat est intéressant. C’est un gros défi. »

Un certain parallèle peut être dressé entre les carrières des deux combattants. Un septuple champion du monde de jiu-jitsu, Santos (16-3) est un grappler né qui a grandement peaufiné sa maîtrise des techniques du combat debout depuis son arrivée à l’UFC. Aubin-Mercier (9-2), un ancien judoka, a longtemps été plus à l’aise au tapis, mais a lui aussi développé une belle aisance sur ses pieds au cours des dernières années.

Du haut de ses 6 pieds et aidé par une portée de 75 pouces, Santos présente un profil inconnu pour Aubin-Mercier, autant par son gabarit que sa présentation.

« Il est très unique dans ce qu’il fait. En le regardant, son style me fait un peu penser à celui de Jason Saggo, un bon ami à moi. D’ailleurs, je vais peut-être essayer de le contacter pour voir s’il ne voudrait pas venir m’aider au Tristar. »