Collaboration spéciale, David Boutin - L'horreur est enfin terminée!! Six longues années de conflit armé ont laissé l'Europe toute entière en piètre condition. Cependant, les mesures prévues au «Plan Marshall» viendront aider le vieux-continent à se rebâtir. Les bruits des pelles mécaniques et des camions remplacent rapidement ceux des tanks et des grenades.

Le sport automobile quant à lui, ne tardera pas à renaître de ses cendres puisque c'est le 9 septembre 1945, en bordure de Paris, que la première épreuve «post-guerre» aura lieu. Un circuit de 2.8 km est aménagé dans le Bois-de-Boulogne. Trois courses distinctes sont organisées en fonction de la cylindrée: La Coupe Robert Benois, La Coupe de la Libération et La Coupe des Prisonniers. De grands noms des courses d'avant-guerre prirent part à la compétition, surtout à la Coupe des Prisonniers: Jean-Pierre Wimille (1er), Raymond Sommer (2e), Philippe Etancelin (Ab), Maurice Trintignant (Ab) et un autre moins connu pourtant porteur d'un nom qui deviendra plus tard célèbre Louis Villeneuve (7e).

L'enthousiasme de la foule est symbole que la mémoire collective n'a pas oublié les grands moments que peuvent faire vivre les as du volant. Le rondement des moteurs, le crissement des pneus, l'odeur de l'huile et d'essence enchantent les spectateurs venus en grand nombre célébrer le retour tant attendu de cette chorégraphie mécanique.

Bientôt, différents clubs automobile vinrent imiter l'initiative française en organisant des courses ou étaient engagés certains vestiges des années trente aussi bien au niveau des voitures que des pilotes. (Annexe 1)


1950 se révèlera une année «charnière» puisque pour la première fois, un véritable championnat du monde est organisé. Trop longtemps; des courses fûrent organisées sans quelles fassent partie d'un ensemble permettant de couronner un champion du monde officiel. Toujours, un doute subsistait quand à savoir lequel des pilotes ayant remporté le plus de courses ou tout simplement de places d'honneur pouvait se vanter d'être le meilleur au cours d'une saison entière. On remedie à la situation avec un calendrier de 7 courses nationales:
GP de Grande Bretagne, Silverstone (aussi nommé GP d'Europe)
GP de Monaco
500 Miles d'Indianapolis
GP de Suisse, Berne
GP de Belgique, Spa
GP de France, Rheims
GP d'Italie, Monza

Attribution des points de 1950 à 59:
8 points
6
4
3
2

Note: 1 point pour le meilleur tour, jusqu'en 1957 les points étaient partagés entre les pilotes qui s'étaient relayés au volant d'un même voiture, seulement 4 des meilleurs résultats seront pris en considération en fin de saison.

Les premières saisons seront l'apanage des voitures italiennes remportant les quatre premières éditions et pour cause:

(les statistiques ne tiennent pas compte des 500 miles)
1950: Alfa Romeo remporte toutes les courses ainsi que les 3 premières places du championnat

1951: Alfa Romeo et Ferrari les remportent toutes ainsi que les 7 premières places du championnat

1952: Ferrari écrase la compétition, 7 victoires sur 7 courses avec 6 consécutivement pour Alberto Ascari!

1953: Les Italiennes sont les seules à marquer des points à l'exception d'une française (Gordini en 9e place) avec en tête de liste 3 victoires pour Ascari en début de saison portant ainsi à 9 sa série consécutive si l'on tient compte des 6 dernières courses de 1952!

Les deux saisons suivantes verront encore les Italiennes tenir le haut du pavé mais le retour des Mercedes leur rendra la vie fort difficile. En effet, cette mise en scène ressemble étrangement à la situation qui prévalait avant la deuxième Grande Guerre. Paradoxalement, les deux pays européens ayant perdu le conflit qu'ils créerent sont ceux là qui produiront les premières voitures dominantes du championnat du monde. En effet, entre 1950 et 55, les 41 GP comptant pour le championnat du monde seront tous remportés par des voitures italiennes ou allemandes!

C'est en 1954 que Mercedes, sous la direction d'Alfred Neubauer, revient à la compétition active au GP de France y remportant les deux premières places d'entrée de jeu et dominant ainsi jusqu'en 1955. La voiture qu'engagea Mercedes en France était la W196, la seule F1 à carrosserie, en effet, le règlement n'obligeait pas encore les constructeurs à dessiner des voitures à roues découvertes.

Bien que lourdes et proportionnellement peu puissantes leur mécanique était néanmoins fiable et leur profilement un atout aérodynamique sur circuit rapide.

1955 fût l'année de tous les succès avec 5 victoires en 6 courses. Au volant: le duo de pilotes Juan Manuel Fangio et Stirling Moss reste à ce jour l'un des plus célèbres de l'histoire de la F1. (Annexe 11)

L'année 1956 pû être encore l'apanage des allemandes puisque plusieurs innovations techniques telle une voiture à traction intégrale lui aurait conféré un avantage considérable. Malheureusement, c'est une tragédie aux 24 heures du Mans tuant 83 spectateurs qui influença grandement la direction de Mercedes de se retirer de la F1.

Une cérémonie touchante, empreinte d'une grande simplicité, à l'usine de la marque, symbolisa ce retrait. Un drap blanc apposé doucement sur la voiture et un M. Neubauer asséchant ses yeux noyés de larmes ne pouvait mieux démontrer la fin d ‘une époque, d'un rêve, d'une symphonie inachevée.

Les italiennes se retrouveront encore une fois sans partenaires, seules invitées de la grande danse pour encore quelques années.

Annexe 1

1948 - Grand Prix de Suisse, Bremgarten

Le premier Grand Prix de la saison est disputé sur l'ultra rapide circuit de Berne en Suisse. Au volant d'une des Alfa Romeo se trouve une légende d'avant-guerre le célèbre pilote italien Achille Varzi. Reconnu pour la précision de son pilotage Varzi est en effet un véritable métronome, ses temps au tour sont généralement dans le même dixième de seconde tous après tours. Longtemps confronté et comparé à son compatriote Tazio Nuvolari; Varzi est un individu introverti, au regard mélancolique et sombre mais malgré celà, et surtout à l'aide de ses nombreuses courses contre son rival au style et à la personnalité flamboyante, il fait figure de héros national. Dans les années trente, Varzi a tout aussi bien connu l'ivresse et la gloire rattachées au succès que la déchéance la plus incroyable puisque sous l‘emprise de la morphine. A partir de 1936 il disparaît complètement de la scène pour ne revenir quand 1946 complètement guéri. Son retour est couronné de succès avec quelques victoires et plusieurs places sur le podium. Au soir du Grand Prix de Suisse 1948 il entreprend des tours de reconnaissance sur un tracé rendu humide par de fréquents orages. Peut être aveuglé par des gerbes d'eau soulevées par la voiture de Jean-Pierre Wimille il perd le contrôle de sa monoplace et frappe un mur de plein fouet avant qu'il soit éjecté hors du véhicule. Son compagnon d'écurie, Louis Chiron le suit de près et est le premier à constater le décès d'Achille. Alfa Romeo voudra retirer ses voitures du Grand Prix par respect; mais la veuve de Varzi s'obstinera et gagnera sa cause. En l'honneur d'Achille, Alfa Romeo finira premier et deuxième.

Annexe 11

Un petit cadeau pour M. Moss?

Grand Prix d'Angleterre, 1955, Aintree.
Encore une domination outrageuse des flêches d'argent. A ce moment de la saison Fangio est presque assuré du titre mondial. Dans le dernier tour de piste, il se fait doubler par son coéquipier Moss qui remporte ainsi son premier Grand Prix. Les récits des témoins et confidents, et les images vidéos semblent donner raison à la théorie que Fangio a délibérément laisser passer Moss. Le doute subsistera toujours, Fangio emportera le secret dans sa tombe en 1994.