SILVERSTONE - Dans les coulisses du duel que se livrent Ferrari et McLaren pour la suprématie en F1, une étrange affaire mêlant espionnage, trahison et sabotage secoue le paddock et pourrait coûter cher, au moins sportivement, à l'écurie britannique et à ses pilotes.

La Scuderia a annoncé le 22 juin avoir saisi la justice italienne à l'encontre d'un de ses employés, Nigel Stepney, remercié depuis, à la suite de ce qui ressemblait à une tentative de sabotage avant le GP de Monaco.

Mais l'histoire s'est emballée et la justice britannique a été saisie à son tour, un haut responsable technique de McLaren, identifié comme étant Michael Coughlan le concepteur des MP4-22 de Fernando Alonso et Lewis Hamilton, ayant prétendument reçu des mains de Stepney des documents confidentiels concernant Ferrari.

"Je démens catégoriquement avoir copié (des documents confidentiels) ou les avoir envoyés à Mike Coughlan, s'est défendu Stepney. Je savais que j'étais observé en permanence à l'usine et que tout ce que je disais ou faisais était rapporté."

La F1 étant un sport de haute technologie, l'espionnage industriel est inévitable, voire acceptable dans certaines mesures.

Ainsi, chaque équipe utilise les 30 minutes précédant le départ d'un GP pour scruter les monoplaces concurrentes installées en grille. "C'est le seul moment où elles sont arrêtées et où on peut les voir de près", explique le directeur technique châssis de Toyota, Pascal Vasselon.

Photos

Il y a également des photographes accrédités et dont une partie au moins du travail consiste à photographier des éléments précis des voitures au profit d'une équipe.

Il y a encore bien évidemment transfert de technologie par le recrutement de personnel, malgré les clauses de confidentialité qui interdisent en principe la divulgation de certains secrets.

Même un pilote qui passe d'une équipe à une autre ne peut oublier sur décret ce qu'il a vu, développé, utilisé pendant des mois, des courses et des kilomètres.

Mais dans ce que le milieu de la F1 appelle désormais le "Stepneygate", il semble que l'on soit allé plus loin, trop loin.

Alors que la Haute cour de justice de Londres a convoqué une audience mardi, Stepney a affirmé avoir fui l'Italie "pour des raisons de sécurité" après avoir été persécuté par des inconnus et il a estimé dans le Sunday Times du 8 juillet avoir attiré cette ire parce qu'après 14 années de collaboration, il sait "dans quels placards sont cachés les cadavres" chez Ferrari.

Autrement dit, il considère que Ferrari craint qu'il révèle des agissements peu réglementaires ou légaux... en plus de secrets technologiques.

"Ca me fait bien rire", a rétorqué le patron de la Scuderia, Jean Todt, sans vouloir aller plus avant dans ses commentaires.

Il reste que Stepney est désormais, avec ces casseroles, persona non grata dans le paddock où il cherchait du travail. Tout comme Coughlan qui a été suspendu par son écurie.

"Intégrité"

Car le patron de McLaren, Ron Dennis, a assuré que son équipe n'était pas impliquée dans cette affaire, et qu'étant extrêmement "attaché à (son) intégrité et à celle de (son) équipe", il était prêt à coopérer totalement à l'enquête, au point de laisser la Fédération internationale de l'automobile (FIA) décortiquer les MP4-22 pour constater qu'elles ne recelaient aucune "propriété intellectuelle venant d'une autre écurie".

Mais le président de la FIA, Max Mosley, a souligné que la Fédération enquêtait sur l'affaire sur le strict plan de l'équité sportive et que, dans ce domaine, elle allait aussi prendre en compte les informations que McLaren aurait pu recevoir sur le simple fonctionnement des monoplaces ou de l'écurie Ferrari.

"Cela constituerait un avantage" et donc une infraction à l'équité sportive, selon Mosley. Une telle infraction semble cependant bien difficile à prouver.