Le circuit où sera présentée la course des 500 milles d'Indianapolis dimanche est extrêmement rapide, tout comme les voitures qui sont redevenues très rapides avec des vitesses frisant les 230 m/h, ce qui est quasiment trop vite.

Heureusement, les organisateurs ont réussi à améliorer la sécurité des bolides depuis la mort de Dan Wheldon à Las Vegas. Cette sécurité accrue est essentielle parce qu'il s'agit du circuit de course le plus rapide du championnat. Tout le monde parle d'une piste ovale, mais dans le fond, ce n'est pas le cas puisqu'on retrouve quatre coins à 90 degrés. Les pilotes font face à un mur de béton à la fin d'une ligne droite. Comme pilote, je dirais que c'est ce qu'il y a de plus épeurant sur le circuit parce que tu arrives en ligne droite et tout ce que tu vois, c'est un mur perpendiculaire à ta voiture. C'est intimidant de courir sur cette piste.

Pour éviter de perdre sa concentration à Indy, il faut se donner un rythme, le maintenir et avoir l'impression d'entrer dans une danse. C'est tellement rapide et il se passe tellement de choses qu'il faut trouver le moyen de rester concentré surtout au Indy 500 où les pulsations cardiaques sont pas mal élevées à plus de 130.

Je dirais que la piste est parfaite pour ceux qui n'ont pas froid aux yeux. Les pilotes sont des gladiateurs des temps modernes. Les risques sont très élevés et les courses sont souvent marquées par des accidents spectaculaires. Sur un grand circuit, et ce, peu importe la division de la course, le châssis est tellement important, surtout pour les virages. La tenue de route est vraiment importante, car si tu manques ton entrée de virage, tu vas manquer de place à la sortie. Sur un ovale régulier, tu peux te permettre de lever le pied et ça va passer pareil. Ça veut dire que chaque pilote a intérêt à bien faire ses calculs.

Pour gagner cette course, ça prend une vraie stratégie et un peu chance. Cette chance, il ne faut pas la minimiser, car son apport est très important. Si un drapeau jaune est agité pendant que tu es aux puits par exemple, tu risques de perdre des places à ton retour en piste. Tu peux passer de la première place à la 20e d'un seul coup de drapeau jaune.

Alexandre Tagliani partira 11e

Je pensais qu'Alex allait gagner l'épreuve en 2011 alors qu'il avait obtenu la position de tête en qualifications. Il avait dominé l'épreuve pendant longtemps, mais il avait connu des ennuis avec sa voiture lors d'une visite aux puits. Il avait finalement terminé sa course dans un muret.

Cette année, les voitures propulsées par des moteurs Chevrolet ont pris les dix premières places en qualifications. Arrive ensuite en onzième place la voiture de Tagliani qui est mue par un moteur Honda. Honda a besoin de plus de puissance pour la course alors que normalement, Chevrolet monte plus sa puissance pour les qualifications, mais habituellement, Honda est plus rapide en course.

Outre Tagliani, il y aura un autre Canadien en piste avec James Hinchcliffe, qui a déjà deux victoires à son palmarès cette saison. Il est un pilote dominant et extrêmement rapide.

En qualifications, Alexandre est à plus d'une seconde du détenteur de la position de tête au départ Ed Carpenter. Plus d'une seconde d'écart, c'est beaucoup en course. Souvent, une seconde à peine sépare le premier du 25e en qualifications. Mais une fois la course commencée, cet écart ne veut plus rien dire. Il n'est pas impossible que Carpenter, qui détient la première place, se retrouve 18e au 22e tour. Il se passe tellement de choses en piste que les choses changent rapidement. Les ajustements seront très importants.

C'est une course tellement plaisante à faire. On ressent beaucoup de turbulence. Vous savez, c'est la seule course où les pilotes s'élancent par groupe de trois. Quand le départ est donné, les pilotes n'ont même pas besoin d'appuyer sur l'accélérateur qu'ils ont déjà atteint les 200 m/h. Cette turbulence traîne vraiment les voitures vers le premier coin. Après ça, tu n'as plus le choix!

C'est très difficile de prévoir qui gagnera la course. Je vous dirais qu'Alex Tagliani a autant de chances que les autres. Hinchcliffe aussi peut croire en ses chances. Les voitures de l'équipe Andretti sont aux avant-plans cette année avec les bons ajustements qui les rendent rapides. Ma déception, ce sont les voitures Ganassi, qui sont loin derrière contrairement à d'habitude. Habituellement, Dario Franchitti et Scott Dixon sont en avant. Cette fois, ils n'ont pas été dans le coup en qualifications.

Ma participation en 2005

J'ai eu la chance de vivre l'expérience du Indy 500 en 2005 alors que j'avais pris la 21e place après une qualification en 25e position. La voiture que j'avais utilisée avec l'équipe Eddie Cheever à l'époque n'a plus rien à voir avec les voitures utilisées de nos jours. Je pilotais l'ancienne version des voitures IRL, qui étaient très dangereuses et moins rapides par rapport aux bolides modernes.

Cette année, les temps sont très rapides. Il y a huit ans, j'avais roulé aux alentours des 222 m/h, soit environ sept secondes moins vites que Carpenter, qui a obtenu la tête pour la course de dimanche.

Lors de ma participation, ma course s'était terminée quand un morceau de la voiture de Danica Patrick s'était infiltré là où se faisait l'aspiration de mon moteur, ce qui avait mis fin à mon expérience.

Terminer de cette façon n'était pas plaisant, mais je vous dirais que c'était toute une expérience que tous les pilotes automobiles doivent vivre au moins une fois dans leur carrière. Je n'oublierai jamais le départ où je me sentais transporté par la turbulence et l'aspiration. C'est un événement unique que je n'oublierai jamais. La foule est impressionnante aussi. Il y a des spectateurs partout et ils sont tellement nombreux qu'en 2005, quand j'y ai participé, je m'étais rendu sur le site en hélicoptère sinon j'aurais dû partir à cinq heures le matin.

J'ai eu une deuxième chance de participer au Indy 500 il y a deux ans quand j'ai accepté de remplacer au pied levé le pilote Scott Speed. Relever ce défi à la dernière minute était plutôt une idée folle. Je me souviens, Penske m'avait téléphoné et sur un coup de tête j'avais accepté de participer aux qualifications. Je me disais que si je ne le faisais pas, j'allais le regretter.

J'ai fait un tour de qualification avec des pneus usagés et ça n'a pas fonctionné, car j'avais échappé la voiture. Avec des pneus neufs, je pense qu'on aurait pu faire mieux. L'équipe voulait surtout savoir si on pouvait tenir la voiture à fond pendant un tour et la réponse était non.

Après avoir dit oui, j'ai presque regretté, mais je peux vous confirmer qu'on ne peut pas s'improviser coureur automobile. J'ai compris que pour avoir du succès, il faut courir régulièrement. Tu ne peux pas te pointer derrière un volant une fois de temps en temps et penser que tu vas avoir du succès. C'est un peu pour cette raison que j'ai abandonné le NASCAR, car c'était devenu ardu de piloter à temps partiel. Tu ne parviens plus à être à la hauteur des autres. Ça devient difficile d'aller chercher les dernières fractions de seconde quand le stress monte, que tu es plus tendu et que c'est moins naturel. Ça devient plus risqué parce que tu n'as plus les bons repères. Quand tu es un pilote régulier, ces repères te viennent naturellement sans même y penser.

Le Coca-Cola 600

Cette épreuve est un marathon de 600 milles qui dure plus de six heures. C'est la course la plus longue de la saison que j'ai eu la chance de faire. La dernière fois, c'était en 2009. À un moment donné, je regardais les spectateurs et je me disais qu'ils devaient vraiment aimer la course pour regarder l'épreuve d'un bout à l'autre. Vers la fin de la course, j'avais tellement faim que je ne pensais plus à la course. Vous imaginez, quand un pilote pense plus à manger qu'à courir, c'est le signe que c'est long.

Une longue course force les équipes à établir une stratégie pour ce marathon. Jimmie Johnson est dans une classe à part cette saison. Matt Kenseth et Kyle Busch vont lui donner du fil à retordre. Joey Logano, un pilote très talentueux, pourrait causer la surprise.

Au-delà des stratégies, moi je crois que l'important est de rallier le fil d'arrivée en un seul morceau. C'est une course qui sera dominée par la patience et où tous les pilotes vont s'étudier. La force de Johnson est de cacher ses cartes jusqu'en fin de course pour apparaître dans les dix derniers tours.

La course sera particulière aussi par le fait qu'elle débutera sous le soleil et se terminera à la noirceur. La température de la piste va donc changer constamment, ce qui obligera les équipes à adapter leurs stratégies continuellement. Il faudra être aux aguets au niveau des ajustements qui vont survenir à tout moment. Il sera intéressant aussi de suivre la complicité entre les chefs mécanos et les pilotes.

Mais s'il fallait qu'il mouille, là ce serait long.

*propos recueillis par Robert Latendresse