La série Sprint de NASCAR a vu l’arrivée en masse d’ingénieurs chez les trois équipes dominantes (Hendrick, Penske, Stewart-Haas), qui récoltent le fruit de cette transition, avec 27 victoires sur les 36 courses en 2014 et une nette prépondérance après cinq courses cette année.

Toutes le plus grosses équipes disposent aujourd’hui d’assez d’ingénieurs et de technologies (conception assistée par ordinateur, usinage informatisé, analyse de flux, outils de simulation) pour concevoir des voitures proches des meilleures. Mais « proche » ne fait pas l’affaire si vous comptez jouer pour la victoire à armes égales avec les meilleurs. Voilà pourquoi les trois meilleures équipes recrutent de plus en plus d’ingénieurs pour tous les postes techniques, même chef d’équipe, et ont mis en place des méthodologies venues directement de l’ingénierie.

Les plus importants bénéfices de ces ajouts se trouve au niveau des méthodes de travail. Commençons par une bonne définition de l’ingénierie : « L’application de solutions bien connues à des problèmes bien compris ». On commence donc par analyser à fond ce qui se passe et ce que l’on veut améliorer sans se laisser leurrer par les symptômes (les manifestations externes du vrai problème), cherchant plutôt les sources réelles du problème. Par exemple, un mal de tête est un symptôme causé par un problème plus profond. L’aspirine peut réduire le symptôme momentanément, mais n’attaque que rarement la vraie source, le vrai problème.

Les ingénieurs vont chercher les vraies causes et mettent des solutions connues et éprouvées en place, puis font des essais systématiques pour valider les résultats. Ils changent les méthodes de travail traditionnelles des équipes, basées sur l’expérience : si « A » se produit, fais « B » que dicte ton expérience, sans vraiment comprendre à fond ce qui se passe, comme toutes les équipes partout au monde faisaient à la belle époque.

Aujourd’hui, la concurrence est trop serrée. Il suffisait qu’une équipe NASCAR Sprint amorce un premier virage techno pour que tout le monde soit forcé d’emboîter le pas afin de rester dans le coup. Plus de monde dans les équipes veut dire plus de coûts, l’autre partie de cette escalade qui date d’au moins 10 ans en NASCAR et continue à s’intensifier. En passant, cette méthode de travail s’apprend, car certains chefs d’équipes non ingénieurs, comme Chad Knaus ou Todd Gordon et toute la vieille garde, ont appris sur le tas, et très bien merci. Mais cette marée techno est irrésistible, et de plus en plus de jeunes ingénieurs occupent aujourd’hui des postes de chefs d’équipes.

L’usage de méthodes d’analyse continue à augmenter, car ces mêmes grandes équipes ont maintenant établi des groupes d’ingénieurs et mathématiciens qui analysent de plus en plus de données collectées lors d’essais, de courses, sur les simulateurs et banc d’essais, et en soufflerie. Je parle ici de mesurer et enregistrer de 100 à 1 000 variables sur la voiture, à chaque centième de seconde ou plus fréquemment. Il s’agit du « Big Data Analysis », la plus récente coqueluche des grandes entreprises de toutes sortes à travers le monde et qui fait son entrée en NASCAR depuis quelques années, et que les équipes gardent bien secret.