Un journaliste qui suit les séries NASCAR, Lewis Franck, est aussi avocat qualifié à la retraite dans l’état de New York et au courant des faits et des lois locales.

Je l’ai rejoint afin de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la tornade provoquée par l’accident qui a provoqué la mort de Kevin Ward, un pilote de 20 ans, lors d’une course de Sprint car au Canadaigua Motor Speedway, une piste en terre de 0,8 km, le 9 août dernier.

Tony Stewart a heurté Ward, qui se trouvait sur la piste après être sorti de sa voiture immédiatement après un incident avec Stewart qui avait envoyé sa voiture contre le mur extérieur de la piste. Ward s’était alors approché du bas de la piste où les voitures roulaient maintenant plus lentement et a été mortellement happé par la voiture de Stewart. Le jeune pilote voulait montrer son mécontentement à Stewart et s’était retrouvé trop près des voitures en mouvement. On peut voir l’incident au http://digg.com/video/tony-stewart-video-kevin-ward-accident.

La police du comté d’Ontario dans le nord-ouest de l’état de New York a alors procédé à une enquête poussée de l’accident mortel, sous la direction du « District Attorney », le procureur local. Les policiers ont fait appel à divers outils pour analyser une vidéo de l’accident et, selon la rumeur,  une seconde vidéo qui n’a pas été diffusée au public.

Après une enquête poussée d’environ huit semaines, le DA a annoncé qu’il a décidé de passer le dossier à un « Grand Jury » qui décidera si l’ensemble de la preuve qu’il y présentera justifiera de passer à une ou des accusations criminelles à l’endroit de Tony Stewart et ensuite à un procès.

Seulement une partie de la preuve est connue du public. Les faits laissent cependant beaucoup d’inconnus. Voyons un peu les dessous légaux et politiques de l’affaire :

Le « District Attorney » est élu par les citoyens aux États-Unis, ce qui introduit un souci de réélection dans toutes ses décisions. Devant une telle priorité, le DA se doit d’exhiber au grand jour le résultat de l’enquête policière afin de démontrer son bon jugement et ainsi apaiser l’opinion publique, même s’il était convaincu qu’il s’agissait d’un incident de course déclenché par le jeune Ward en sortant de sa voiture avant l’arrivée des secours.

Le « Grand Jury » entendra donc les résultats de l’enquête policière et verra toute la preuve, telle que présentée par le DA afin de se faire une idée claire basée sur toute la preuve. Stewart et ses avocats ne participeront pas à cet exercice. Les 23 membres du jury décideront ensuite par simple majorité (12) s’il y a assez de preuve ou d’indéterminé pour passer aux accusations formelles qui mèneront à un procès. Quelle que soit la décision du Grand Jury, le DA pourra dire qu’il a fait son travail, du bon pour la prochaine élection. Dans les faits, plus de 90% des cas de décès passent au Grand Jury, donc rien d’inattendu dans le cas de Stewart.

Le Grand Jury peut trouver un non-lieu ou recommander au DA d’accuser Stewart de « Criminally Negligent Homicide » (notre négligence criminelle), de « Manslaughter » (notre homicide involontaire), ou aller jusqu’à une accusation de meurtre.

Selon la loi de l’état de New York, le Grand Jury doit aussi évaluer la part de responsabilité du jeune Ward dans l’accident. Il était d’âge adulte et devait donc comprendre la nature dangereuse de la course. Sortir de sa voiture avant que la situation ne soit stabilisée sur la piste et s’approcher des voitures qui roulaient encore au bas de la piste sont des actes qui ont déclenché l’accident et la loi prévoit qu’il pourrait porter une partie de la responsabilité, réduisant possiblement la responsabilité de Stewart. NASCAR a d’ailleurs clarifié ses règlements dans de tels cas, interdisant au pilote de sortir de la voiture avant l’arrivée des secours, à moins de circonstances extraordinaires comme un incendie par exemple.

À un autre niveau, l’accident est vu par le monde de la course comme de nature isolée, ne partageant rien en commun avec les responsabilités de divers sport professionnel dans les cas de commotion cérébrale, d’usage de drogue ou de comportements inacceptables. On ne craint pas pour le moment l’arrivée généralisée du système juridique dans le déroulement des courses aux États-Unis.  Toujours selon ces sources, la participation de Stewart a transformé un grave accident local en un cirque médiatique malgré les efforts des participants de garder l’affaire sous couvert le plus possible.

On suit les développements et on s’en reparle.