VALENCE (Espagne) (AFP) - Dix-sept ans après sa retraite sportive, le triple champion du monde et actuel directeur de l'écurie Jaguar, l'Autrichien Niki Lauda, a repris place dimanche dans une Formule 1 pour comprendre les sensations de ses pilotes et s'est par deux fois retrouvé dans le bac à sable.

"Il a fait un tête-à-queue?", interroge le pilote de Jaguar, Eddie Irvine, sur le bord de piste, en n'entendant plus le bruit de la Jaguar R2, le prototyope de la saison dernière, piloté par son patron. Le Britannique, ancien vice-champion du monde, glisse alors une blague à l'oreille de deux de ses mécaniciens et déclenche l'hilarité générale.

Les places dans les baquets de la Jaguar d'Irvine et de son coéquipier espagnol Pedro Martinez de La Rosa sont sauves: Niki Lauda ne va pas signer à 52 ans un troisième retour à la Formule 1 après son dramatique retour de 1976 et l'accident qui l'a défiguré, ou celui de 1982 pour renflouer les caisses de sa compagnie aérienne Lauda Air.

L'Autrichien voulait essayer la Jaguar, pour "se rapprocher de ses pilotes et comprendre de quoi il parlent quand ils utilisent des mots comme pilotage assisté, antipatinage, freinage pied gauche ou changements de vitesse au volant qui n'existaient pas à mon époque". La leçon a été cinglante: il a perdu le contrôle de son bolide à deux reprises et a dû regagner les stands tracté par une voiture d'assistance.

Expérience sans lendemain

Gardant le sourire, Lauda, qui estimait il y quelques mois encore que "même un singe pouvait piloter une F1 moderne", a pu mesurer la difficulté qu'il y a à les garder sur la piste: "Les ingénieurs m'ont montré les relevés. Je suis rentré dans la courbe à la même vitesse que Pedro (De la Rosa), simplement, je n'ai pas réussi à en sortir".

"Je m'étais dit avant, 'va lentement et droit', mais dès que tu es dans la voiture, il y a un bouton dans ton cerveau qui te fait oublier la peur et tu mets plein gaz. C'est intéressant de comprendre qu'aussi futé et âgé que tu puisses être, tu redeviens stupide en rentrant dans la voiture".

Considéré comme ayant un sang-froid hors du commun lorsqu'il était coureur, Lauda conserve aussi son orgueil. Malgré ses deux petites frayeurs, celui qui avait repris la compétition six semaines après avoir reçu l'extrême onction à la suite de son accident au Nurburgring, n'a pas eu de mal à reprendre la piste à Valence pour accomplir une demi-douzaine de tours.... dont les données chronométriques ont été soigneusement tenues secrètes par son écurie.

Le patron prévient toutefois: "Parmi les patrons de la F1, il n'y a que Gerhard (Berger, ancien coureur et travaillant pour BMW chez Williams) et Alain (Prost, ancien quadruple champion du monde et directeur de Prost) qui puissent faire ce que j'ai fait. Je vois mal Ron Dennis (directeur de McLaren) se mettre au volant. Il a déjà essayé quelques fois et s'est crashé avec des Procars (voitures de course de série des années 1980)".

Lauda, qui affirme ne pas avoir suivi de préparation sportive avant ses essais, a en tout cas assuré qu'il ne renouvelerait plus l'expérience: "L'intéressant pour moi c'était de comprendre ce que ressentent les pilotes. Je l'ai compris et ce serait idiot de continuer".