MAGNY-COURS (AFP) - Les jambes flageolantes, le cou, les reins et les abdominaux douloureux, encore tout secoué de la violence de l'expérience, le passager s'extirpe du baquet, ravi mais toujours incrédule: il vient de vivre son baptême de Formule 1 à bord d'une F1 triplace.

Ancien pilote d'essais en F1, puis recrue de l'année en IRL (aujourd'hui IndyCar) aux Etats-Unis, Laurent Redon, 32 ans, dirige désormais l'école de pilotage LRS (Laurent Redon Sport) à Magny-Cours (centre). Il propose également aux amateurs de vivre sur la piste du Grand Prix de France les sensations d'un pilote de F1 grâce à une voiture triplace qu'il a développée sur la base d'une Larousse 1994: la LR3S.

Les F1 biplaces existaient déjà (AGS, Oreca, Minardi, McLaren), le passager étant placé derrière le pilote, légèrement surélevé et gêné par le casque devant lui. L'avantage de la triplace est que les passagers sont au ras du sol, un peu en retrait mais à côté du pilote dont ils peuvent voir les gestes et le tableau de bord au fur et à mesure que le ruban de goudron défile sous leurs yeux à une vitesse vertigineuse.

Nettement plus lourde qu'une F1 de course, la LR3S accélère moins fort mais "son freinage est aussi agressif". En outre, elle "colle à la route car nous n'avions aucune restriction réglementaire, ce qui nous a permis d'utiliser tous les moyens pour augmenter l'appui au sol", explique Redon. Selon lui, sur un tour, la LR3S est plus lente de 6 à 7 secondes qu'une F1 de course.

Cataclysme

Vêtu des chaussons et de la combinaison ignifugée, le passager enfile la cagoule, le casque et les gants, avant de s'engoncer dans un des baquets latéraux de la LR3S et de se faire sangler par des mécaniciens. Comme en vrai... mais sans le volant.

Alors, tandis que seuls la tête et les membres ont encore un peu de mobilité, il découvre devant lui la longue ligne droite et se prend à rêver, non sans une appréhension grandissante, qu'il est sur la grille de départ du GP de F1.

Le rêve ne dure que peu de temps car le pilote fait alors signe de démarrer le moteur. Un bruit cataclysmique déchire les tympans tandis que des vibrations insupportables envahissent les baquets et se propagent dans tout le corps. Le passager cherche alors une position où les jambes et les bras seraient le moins possible en contact avec l'habitacle... quand la LR3S décolle dans le déchaînement foudroyant des 700 chevaux de son moteur Cosworth.

Dès lors, oubliés le bruit, les vibrations, le confort, le décors.

La première accélération arrache un cri de plaisir, mais la ligne droite est avalée étonnamment vite et déjà arrive la première courbe.

Freine Laurent, freine, mais freine ! Ca y est, il a perdu le contrôle, les freins ne fonctionnent pas... Mais non, après avoir soulagé l'accélérateur pour inscrire sa voiture dans la courbe, Laurent Redon appuie de nouveau sur la pédale de droite et, défiant les lois de la physique du conducteur du dimanche, la LR3S sort du virage et accélère de plus belle.

Apnée

L'accélération semble sans fin, jusqu'à ce que soudain le harnais n'empêche le passager d'être éjecté vers l'avant. En 150 m, la voiture est passée de près de 300 km/h à 60 km/h pour prendre un virage en épingle avant de se jeter sur l'enchaînement de virages suivant, bondissant de vibreur en vibreur.

Le passager est en apnée, les muscles du corps tout crispés. Très vite, son cou est incapable de tenir sa tête, ballottée inexorablement de gauche à droite et d'avant en arrière au gré des virages, des accélérations et des décélérations. A chaque virage, la tête est de plus en plus emportée par la force centrifuge.

Une dernière chicane et revoilà le LR3S dans la ligne droite des stands, accélérateur à fond et de nouveau cette courbe qui ne devrait pas passer à cette vitesse, et qui pourtant passe...

Et lorsque enfin la voiture rentre au stand après quatre tours, que Laurent Redon coupe le moteur, alors seulement le passager se souvient qu'il y avait des vibrations et du bruit, mais ce n'est plus qu'un... bon souvenir.