PLATEAU DE BEILLE, France (AP) - Lance Armstrong a remporté en solitaire, vendredi, au sommet du Plateau de Beille sa deuxième victoire d'étape consécutive en haute montagne, assommant le Tour de France par sa puissance et sa domination.

Déjà victorieux à La Mongie jeudi, l'Américain a devancé de 1:04 minute son principal adversaire, l'Espagnol Joseba Beloki (Once), qui a pris la troisième place dans le même temps que le deuxième, Roberto Heras, le coéquipier d'Armstrong, une nouvelle fois décisif dans la dernière ascension de cette 12e étape longue de 199,5 km.

L'US Postal 2002 a confirmé qu'elle est bien l'équipe "la plus forte" jamais mise au service d'Armstrong, puisque la fusée bleue a satellisé vers un Plateau de Beille écrasé par le soleil le Texan, qui peut désormais rêver de façon réaliste à une quatrième victoire consécutive dans le Tour de France.

"Encore une fois, mon équipe a été merveilleuse. On était neuf, tous ensemble, au pied du Plateau de Beille", a déclaré Armstrong, venu reconnaître avec minutie les deux étapes pyrénéennes, qui se situent à environ "deux heures et demie seulement" de son domicile de Giron en Espagne. C'est à sept kilomètres du sommet, qu'il a "déposé" Beloki, le dernier rival encore dans sa roue, après avoir été tracté par Heras, avant-dernier étage de la fusée des "postiers".

Au classement général, Armstrong a doublé son avantage sur ses principaux rivaux, qui à l'exception de Beloki ont vite cédé dans la dernière ascension. L'Espagnol est deuxième à 2:28 minutes, devant l'ex-maillot jaune, l'autre Espagnol de la Once Igor Gonzalez de Galdeano, troisième à 3:19 minutes.

Le Lituanien Raimondas Rumsas (Lampre), qui découvre à 30 ans le Tour de France, fait un beau quatrième, à 5:15 minutes.

Arrivé quatrième vendredi à 1:11 minute du vainqueur, Santiago Botero, le Colombien de la Kelme, qui avait battu Armstrong dans le contre-la-montre de Lorient, a concédé 5:44 minutes après ces deux journées en haute montagne.

Comme la veille, le podium de la journée a sacré les trois mêmes champions, comme la veille Laurent Jalabert a été rejoint dans la dernière montée du jour, après un périple entamé au Col de Menté, la première des cinq difficultés du jour. Jalabert, qui a complètement craqué dans le final pour terminer 49e à 11:36 d'Armstrong, endosse le maillot à pois de meilleur grimpeur, alors que David Moncoutié (Cofidis), monté à son train vers Beille, est désormais le premier Français au classement général, à 11:10 minutes d'Armstrong.

L'Américain refuse pourtant d'envisager la victoire finale.

"Le Tour n'est jamais fini", a-t-il dit. Il y a encore de nombreux cols à franchir, dont le Ventoux, les Deux Alpes, et d'autres encore. Il peut encore y avoir un problème, un accident..."

L'an dernier, il avait procédé de même pour bâtir son succès final, en s'adjugeant les deux premières étapes de montagne, à l'Alpe d'Huez et à Chamrousse (contre-la-montre).

Vendredi, l'étape au départ de Lannemezan était empreinte de dramaturgie: le col de Menté avait été le théâtre en 1971 de la chute et de l'abandon de Luis Ocana, maillot jaune pratiquement assuré de la victoire finale; celui du Portet-d'Aspet avait été marqué par la mort en 1995 de Fabio Casartelli, coéquipier d'Armstrong chez Motorola; et encore Tarascon-d'Ariège, où en 1808 on avait découvert une femme nue dans les montagnes, immédiatement qualifiée de "folle des Pyrénées", et dont les seuls mots avant d'être enfermée à jamais dans un asile avaient été: "les ours étaient mes amis".

Jalabert décidait d'ajouter son chapitre à l'épique. Vexé d'avoir été rejoint la veille à trois kilomètres du sommet à La Mongie après un numéro de 120 km passés au commandement, le Mazametain sortait au 47e kilomètre, au pied du col de Menté, à la poursuite du Lyonnais Christophe Oriol (AG2R), court éclaireur.

"Jaja" rattrapait Oriol, franchissait en tête le sommet de Menté pour déposséder Patrice Halgand de son maillot à pois. Il était rejoint dans la descente par le Suisse Laurent Dufaux (Alessio) et l'Espagnol Isidro Nozal, membre de la Once.

A la zone de ravitaillement d'Argein, située presque à mi-parcours après la descente du Portet-d'Aspet, les trois fuyards comptaient 1:40 d'avance sur un groupe de sept hommes dont Richard Virenque, alors que le peloton des favoris pointait à 3:40.

Jalabert passait en tête des deux difficultés suivantes.

Le trio devait compter jusqu'à 5:40 d'avance. Mais il arrivait au pied du Plateau de Beille pour la terrible explication finale - près de 16 km de montée à 7,8 pour cent de moyenne -, avec seulement trois minutes d'avance sur le peloton. Beaucoup et rien à la fois...

Marcos Serrano, coéquipier de Beloki, était le premier à sortir d'un peloton fatigué, Richard Virenque et Laurent Brochard lâchant prise dans les premiers kilomètres.

Devant, Jalabert décidait d'attaquer et lâchait ses deux compagnons d'échappée car il savait les contre-attaquants revenus à 1:50 à 12 kilomètres de l'arrivée.

Derrière, la fusée bleue de l'US Postal était entrée en action. D'abord par José Luis Rubiera qui haussait le rythme, puis par Roberto Heras qui faisait exploser le peloton. L'Italien Ivan Basso, le maillot blanc du meilleur jeune, était décramponné, puis les deux Américains Levi Leipheimer, vainqueur de la Route du Sud, et Tyler Hamilton, deuxième du récent Giro. L'Espagnol Oscar Sevilla, le meilleur jeune du Tour 2002 lâchait prise à son tour.

Heras et Armstrong, seulement suivis par Beloki, reprenaient Jalabert, puis le Texan attaquait seul. Personne ne devait le revoir.

"Je suis satisfait, a déclaré Jalabert. Mon objectif était de prendre la première échappée pour marquer des points dans la montagne. J'ai produit mon effort dans Menté, j'ai le maillot à pois. C'est génial, car c'était mes dernières Pyrénées", a ajouté le Français, qui a annoncé sa retraite pour la fin de saison.

Samedi, le peloton soufflera lors de la 13e étape longue de 171 km entre Lavelanet et Béziers. En attendant la redoutable 14e étape qui s'achèvera dimanche au sommet du Mont Ventoux, la montagne "la plus dure du Tour de France", selon Armstrong.