PARIS - Complice et ami de Lance Armstrong, Johan Bruyneel, ex-manageur de RadioShack depuis vendredi, a tenu un rôle essentiel, selon l'agence antidopage américaine (USADA), dans le système organisé autour du septuple vainqueur du Tour, « le plus sophistiqué de l'histoire du sport ».

Pour le Belge de 48 ans, la chute s'est accélérée. D'autant qu'il doit encore comparaître devant la chambre d'arbitrage américaine chargée de décider de son cas. Avec le risque d'une très lourde sanction, qui peut aller jusqu'à la radiation à vie.

« Seule la victoire compte », la traduction en néerlandais de son autobiographie parue en 2008, résume bien l'état d'esprit de Bruyneel, qui a cherché à réussir dans le monde des affaires sans abandonner pour autant son sport d'origine.

Avant de devenir l'un des acteurs les plus influents du cyclisme, « Le grand manitour » selon le titre d'un portrait paru dans l'Equipe Magazine, a accompli une carrière de coureur significative. Débutant en 1989 dans la modeste équipe wallonne SEFB, le Flamand polyglotte, fils d'un horloger-bijoutier, a atteint son sommet durant les années 1990 au sein de la formation espagnole Once.

Sous la direction de Manolo Saiz, le gourou du cyclisme espagnol emporté depuis par la tourmente de l'affaire Puerto, il gagne deux étapes dans le Tour de France, en 1993 (à Amiens) puis en 1995 quand il devance à Liège (Belgique) l'Espagnol Miguel Indurain et porte une journée le maillot jaune. Il se classe aussi troisième de la Vuelta 1995.

Trois ans plus tard, le Belge décide de raccrocher le vélo à l'âge de 34 ans. Il commente la Vuelta pour la télévision et répond favorablement à la demande d'Armstrong, guéri du cancer, pour devenir directeur sportif de l'US Postal. Le Texan a pu apprécier en course son habileté tactique, son sens de l'organisation, son sang-froid.

Machiavélisme

« J'avais le mental et le coeur d'un champion, pas le moteur », écrira plus tard Bruyneel dans son autobiographie. Son associé, l'un des plus jeunes champions du monde de l'histoire, dispose des qualités nécessaires. Surtout si s'y ajoute l'apport pharmaceutique souligné par plusieurs de ses ex-coéquipiers, suivant le rapport publié par l'USADA.

Le duo va faire main basse sur le Tour, sept fois de suite. En utilisant, avec machiavélisme, toutes les armes, jusqu'à écouter les consignes données en course par d'autres directeurs sportifs à leurs meneurs respectifs, selon le témoignage d'un ancien de son équipe.

Si la première retraite d'Armstrong le prive fin 2005 de sa meilleure arme, il repart avec le même groupe et voit l'Espagnol Alberto Contador gagner le Tour 2007. En 2008, les Kazakhs d'Astana l'appellent à la rescousse. La cohabitation houleuse, surtout après le retour sur le vélo d'Armstrong, se termine fin 2009, après un nouveau succès de Contador dans le Tour.

Bruyneel trouve ensuite la firme RadioShack pour appuyer les dernières apparitions d'Armstrong (2010 et 2011) avant de faire affaire avec le milliardaire luxembourgeois Flavio Becca pour reprendre l'équipe Leopard devenue RadioShack en 2012. Sans connaître la même réussite avec les frères Schleck, qui lui battent froid.

Diplômé en marketing, Bruyneel n'a jamais caché son intérêt pour les affaires. Il a milité pour un financement différent des équipes et une redistribution des droits TV, il a envisagé aussi de monter un circuit parallèle.

« J'ai adopté la mentalité américaine, apprenant à vivre autrement, à penser différemment, a-t-il reconnu un jour. Je suis devenu plus ambitieux, plus dur, plus froid avec l'entourage extérieur de l'équipe ».

Clin d'oeil de l'histoire, c'est aux États-Unis, le pays d'Armstrong, que le déclin de la maison Bruyneel s'est précipité.