PARIS - Atteint d'un cancer des voies digestives, Laurent Fignon, qui a engagé un dur combat contre la maladie, garde espoir et continue de livrer des avis percutants sur le cyclisme, notamment sur le dopage.

"J'ai fait ce que j'avais à faire, sans exagération. J'ai fait le métier. Et dans notre métier il y a la triche", souligne le double vainqueur du Tour de France (1983 et 1984) dans une interview au Journal du Dimanche.

Dans un livre autobiographique intitulé "Nous étions jeunes et insouciants" à paraître mardi, Fignon avoue avoir pris des amphétamines et de la cortisone durant sa carrière mais estime que le dopage a changé de dimension dans les années 90 avec l'arrivée de l'EPO.

"(Miguel) Indurain gagne son premier Tour (en 1991). Est-ce qu'il était à l'EPO? Je suppose. (Gianni) Bugno aussi, (Claudio) Chiappucci aussi. Mais c'était des exceptions, 15 ou 20 coureurs. Je pense que ça c'est généralisé en 1993. A cette époque, on m'en a proposé, j'ai dit non", explique Fignon dans cette interview.

"Mais on est dans le système. Et si tu ne suis pas le système comme (Gilles) Delion ou (Christophe) Bassons, tu es viré du système. Comme (Jacques) Glassman (NDLR: affaire VA - OM en 1993) a été viré du foot. Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait (...). Le dopage ce n'était pas la même mentalité. Même si petit ou gros, cortisone ou EPO, le dopage sert à tricher."

Agé de 48 ans, Fignon, qui a entamé une chimiothérapie, estime que son cancer décelé il y a deux mois n'est pas lié au dopage.

"J'en ai parlé avec mes médecins, je leur ai dit ce que j'avais pris comme produits, ça les a fait sourire. Ils pensaient que c'était beaucoup plus, indique l'ex-coureur. Les amphétamines, la cortisone, à ces doses c'était ridicule. Je n'ai jamais touché aux hormones de croissance. Et puis sinon, tous les gars de ma génération auraient un cancer."

Fignon évoque une soirée passée avec l'Américain Lance Armstrong, juste après l'annonce de son cancer.

"Il était seul alors qu'il venait d'annoncer qu'il était cuit. D'après les toubibs, il allait mourir. Je m'étais dit: 'C'est la dernière fois que je le vois'", raconte le Français à propos du Texan, vainqueur de sept Tours de France après avoir triomphé de la maladie. "On sentait en lui une grande tristesse et beaucoup d'énergie: une part de lui ne voulait pas se résigner."

Fignon explique aussi qu'il s'alimente très mal depuis toujours.

"J'aime le sucre et le gras. Ce qui favorise les cellules cancéreuses. Je change mon alimentation, je n'aime pas les légumes mais je me force: le thé vert, les choux, les fruits rouges bloquent la prolifération", poursuit-il.

Fignon, qui a découvert son cancer en s'inquiétant pour ce qu'il pensait être un simple torticolis, n'entend pas abdiquer.

"Je me répète que peu importe ce que j'ai, que ce soit l'estomac ou le pancréas, je vais me battre, dit-il. Je n'ai pas envie de mourir. Mais je n'ai pas peur. Je ne suis pas spécialement courageux, ni peureux, pas religieux du tout, mais je n'ai pas peur."

Dans son livre, Fignon égratigne quelques anciens champions et s'en prend à la nouvelle génération de cyclistes français, pas assez combatifs à son goût. "On est payé pour gagner, j'ai l'impression qu'ils l'oublient."