LAUSANNE (Suisse) - Le patron de l'Agence antidopage américaine (Usada) a accusé mercredi le laboratoire de Lausanne d'avoir fourni à Armstrong "les clés" du test EPO, mais le directeur du laboratoire suisse Martial Saugy avait raconté à l'AFP, en octobre, le contexte dans lequel il avait dû présenter cette nouvelle méthode au roi du peloton.

Dans cet entretien à l'AFP, qui suivait la publication du rapport de l'Usada accusant l'Américain d'avoir fait sa loi sur le Tour, le scientifique suisse laissait transparaître son amertume d'être désormais soupçonné d'avoir contribué à protéger le coureur américain, alors que dix ans plus tôt, son laboratoire était jugé "trop téméraire", selon lui, dans la lutte antidopage.

Déjà, l'Usada, dans son rapport, avait mis en doute un contrôle soi-disant positif d'Armstrong du Tour de Suisse 2001, qu'auraient étouffé l'Union cycliste internationale (UCI) et le laboratoire. Test qui selon Martial Saugy n'était qu'un "échantillon suspect" ne rentrant pas dans les critères juridiques stricts pour être déclaré positif.

Dans une émission américaine diffusée mercredi soir, le patron de l'Usada, Travis Tygart, égratigne à nouveau le biologiste suisse en relatant un échange entre les deux hommes lors d'un dîner en 2010.

Confidences

« Il s'est assis à côté de moi et m'a dit: Travis, il y a un échantillon de Lance Armstrong (du Tour de Suisse 2001) qui indiquait que Lance Armstrong utilisait de l'EPO. Il nous a aussi dit qu'il lui avait été ordonné par l'UCI de rencontrer Lance Armstrong et (le manager de l'US Postal) Johan Bruyneel pour leur expliquer la méthode de détection de l'EPO, chose inédite pour lui », a raconté le patron de l'Usada.

« Alors je lui demandé: Avez-vous donné à Lance Armstrong et Johan Bruyneel les clés pour battre les tests de l'EPO ?. Et il a hoché la tête pour dire oui », a ajouté M. Tygart. « Autant que je sache, c'est sans précédent. C'est totalement incorrect de rencontrer un sportif au résultat suspect et lui expliquer comment le test fonctionne. »

Martial Saugy, qui réagira vendredi lors d'une conférence de presse à Lausanne, avait invité, lors de l'entretien avec l'AFP en octobre, à replacer l'affaire Armstrong dans le cadre de la lutte antidopage du début des années 2000.

Avec d'un côté, les fédérations sportives aux moyens d'action beaucoup plus limités qu'aujourd'hui hésitant entre prévention et répression, et de l'autre, les athlètes demandant plus d'explications sur des méthodes scientifiques qui pouvaient leur donner un carton rouge et compromettre ainsi leur carrière, parfois à tort.

Situation sensible

Si la mise au point du test EPO par le Laboratoire de Paris en 2000 a été une étape fondamentale, la décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) de blanchir le Danois Bo Hamburger en 2002, au motif que la probabilité de positivité était insuffisante, avait en effet incité à être extrêmement solide dans les procédures.

« La politique de l'UCI à l'époque était, en cas de résultats anormaux et surtout quand il s'agissait de coureurs importants, de les convoquer et de leur demander des explications. C'était leur approche de la prévention », selon Saugy.

« L'UCI m'a dit fin juin 2002: on a averti le coureur pour lequel vous aviez un résultat suspect en 2001, il a donné un autre résultat suspect rendu par un autre laboratoire et il aimerait savoir par quelle méthode il est jugé. Ce coureur, c'était Armstrong, c'est là que je l'ai appris. »

Au départ du Tour de France 2002 à Luxembourg, à la demande du médecin de l'UCI, Martial Saugy s'est retrouvé à faire une présentation du test à Lance Armstrong et Johan Bruyneel, la même selon lui qu'il avait faite devant le TAS quelques temps auparavant.

Le scientifique suisse ne s'en cache pas: « La situation me paraissait très sensible. »