NICE, France - Le plus étrange Tour de France de l'histoire s'est finalement amorcé samedi, de Nice, dans une bulle de protocoles anti-COVID-19 afin de garder les 176 cyclistes à l'abri du virus pendant les trois semaines de l'éprouvante épreuve et au moment où l'épidémie prend de l'ampleur au pays.

Ce n'est qu'après le moment où les cyclistes aient enlevé le masque qui couvrait la partie inférieure de leur visage et donné leurs premiers coups de pédales que le Tour a retrouvé certains de ses traits familiers, offrant des moments emballants et des chutes causées par des routes devenues aussi glissantes qu'une patinoire à cause des intempéries.

Mais avec des amateurs devant rester à distance l'un de l'autre, conseillés par le gouvernement qu'il était préférable de demeurer à la maison et de regarder la course au petit écran, le Tour avait perdu beaucoup de son atmosphère festive.

Il y a eu très peu de ces moments de communion entre les athlètes et un public qui les chérit, et qui ont fait de l'événement plus que centenaire un rendez-vous tellement unique parmi toutes les manifestations sportives, à une époque où les gens étaient moins soucieux.

Grâce à un puissant sprint final dans le dernier droit à Nice, devant des poignées de spectateurs, le cycliste norvégien Alexander Kristoff a gagné la première étape. Il a célébré cette victoire en faisant un « poing contre poing » avec un coéquipier.

En gagnant l'étape initiale, Kristoff a mérité le premier maillot jaune de l'édition de 2020 du Tour, qu'il portera à titre de leader de la course, dimanche, lors de la deuxième étape, qui sillonnera les montagnes de Nice.

En temps normal, un responsable de course ou une personnalité en vue l'aurait aidé à revêtir le fameux maillot, l'un des plus connus et convoités dans le monde du sport. Mais pas cette année, alors que la distanciation physique demeure la priorité.

Kristoff était seul sur le podium, accompagné d'un hôte et d'une hôtesse à une distance sécuritaire. Il s'est ensuite rendu à l'arrière-scène pour se glisser lui-même dans le maillot avant de revenir pour une séance de photos.

Malgré l'étrangeté de la situation, Kristoff était au comble du bonheur de porter le maillot jaune pour la toute première fois, à sa huitième participation au Tour.

« La sensation est extraordinaire », a-t-il déclaré aux journalistes à l'arrivée. « Ça signifie beaucoup pour ma carrière et une victoire d'étape montre que je peux encore rivaliser, même à 33 ans et avec quatre enfants. »

Inquiétude et espoir

La vue des 176 cyclistes sur la ligne de départ était déjà perçue comme une importante victoire chez les organisateurs et les représentants du gouvernement français. Ceux-ci étaient soulagés que le gigantesque événement, qui a l'habitude de réunir chaque été des centaines de milliers de spectateurs le long du parcours, puisse avoir lieu.

Mais la fébrilité qui entoure habituellement ce prestigieux rendez-vous faisait place à de l'inquiétude.

Plutôt que de se retrouver devant une foule en liesse et vibrante, les participants ont été accueillis par un étrange silence au fur et à mesure qu'on les nommait sur la Place Masséna, au centre-ville de Nice.

Auprès d'eux se trouvait une statue de pierre portant un masque sur lequel on pouvait y lire "protégeons-nous". Une foule calme d'environ 200 personnes, toutes munies d'un masque, se trouvait à une cinquantaine de mètres d'eux, derrière des barrières métalliques.

Depuis sa création en 1903, la course n'a été annulée que pendant les deux Guerres mondiales.

Toutefois, le nombre de cas de la COVID-19 est en hausse en France, faisant craindre que l'épreuve puisse devoir être arrêtée si la situation devait se détériorer davantage.

« C'est un premier miracle que nous ayons pu amorcer cette course, mais nous voulons voir un deuxième miracle, soit l'arrivée du Tour de France à Paris », a déclaré le président de l'Union cycliste internationale, David Lappartient.

« L'objectif est vraiment de nous rendre à Paris. »

Jean-Michel Blanquer, le ministre français responsable des sports, a déclaré que les chances que le Tour soit annulé avant d'arriver à Paris étaient « très minces », mais aussi ajouté que « tout est possible ».

« Ce genre de situation pourrait arriver, mais bien sûr, j'espère que ça ne sera pas le cas. Et je pense que ça n'arrivera pas parce que les organisateurs du Tour ont réalisé un travail extraordinaire. »

Pour assurer que les 22 équipes demeurent épargnées par le virus, les organisateurs ont instauré de strictes mesures pour les garder éloignés des amateurs.

Contrairement aux années passées, les amateurs n'ont pu se faire photographier auprès des cyclistes ni même échanger quelques mots avec eux, samedi.

En plus des mesures de distanciation physique, les autorités sanitaires françaises ont décidé qu'une équipe entière sera exclue de la course, si au moins deux de ses membres, incluant le personnel de soutien, obtiennent des résultats positifs à la COVID-19 dans un intervalle d'une semaine.