Chris Froome tentera de rejoindre les légendes de son sport (Eddy Merckx, Bernard Hinault, Jacques Anquetil et Miguel Indurain) avec une 5e victoire sur le Tour de France. S’il y parvient, le Kenyan blanc remporterait un 4e Grand Tour de suite, égalant la marque du Cannibale. Froome pourrait également devenir le premier à réaliser le doublé Giro – Tour la même année depuis Marco Pantani en 1998. Bref, il peut marquer l’histoire.

Mais que serait le Tour sans une polémique dans les jours précédents le Grand Départ. « Froome sous enquête ». « Froome interdit de Tour par les organisateurs ». « Froome blanchi ». Neuf mois de saga. Pour résumer l’histoire de ce contrôle antidopage anormal de Froome sur la Vuelta (qui n’aurait jamais existé si on comprend bien Sir Dave Brailsford), on citera Christian Prud’homme, directeur du Tour : « Tour ça pour ça. » Froome a été blanchi par l’UCI et l’AMA. Plusieurs questions restent…

 

Parlons bicyclette, si vous le permettez. Donc, Froome y va pour l’Histoire. Mais ils sont nombreux à vouloir stopper la séquence du Britannique. Les voici :

 

Rigoberto Uran (2e en 2017)

 

« Tranquilo papito ». Rester calme. C’est la devise du Colombien. Et pourtant l’objectif fixé par Jonathan Vaughters, le manager de l’équipe EF Education-First, a de quoi faire monter le niveau de stress : « C’est simple, on veut gagner le Tour. » Uran a l’équipe pour le contre-le-montre, pour les pavés (il pourrait être un des leaders à sortir gagnant des pavés) et la montagne. Il a l’expérience et l’attitude. Maintenant, est-ce qu’il a les jambes pour gagner?

 

Romain Bardet (3e en 2017, 2e en 2016)

Vous vous souvenez de cette photo de lui à Marseille l’an dernier?Romain Bardet

 

Ça prouve une chose : il jette tout sur la chaussée. On l’a vu l’an dernier, AG2R était la seule équipe à défier les SKY. « Take the risk or lose the chance ». C’est la maxime inscrite sur le vélo de Bardet et elle résume tout. La France veut le voir gagner (surtout si les Bleus ne gagnent pas la Coupe du monde). Le dernier Français vainqueur du Tour : Bernard Hinault en… 1985.

 

Adam Yates (4e en 2016)

 

C’est la première fois que Yates vise le podium sur le Tour de France. En 2016, le manager de l’équipe, Matt White, disait qu’on ne lui mettait pas la pression d’un résultat au général. Il a terminé 4e et Maillot blanc de meilleur jeune. Cette fois, il a la pression. Et une équipe totalement dédiée à son succès. On a même laissé le sprinteur Caleb Ewan à la maison, à la grande surprise. Il est plus conservateur que son frère Simon, mais pourrait s’inspirer de ce que son jumeau a fait de bien sur le Giro, avant de craquer.

 

Triptyque Movistar

 

C’est le pari de la formation d’Eusebio Unzué : trois leaders. Nairo Quintana (2e en 2013 et 2015, 3e en 2016), Alejandro Valverde (3e en 2015) et Mikel Landa (4e en 2017 à une seconde de Bardet) visent tous la victoire au général. L’équipe y voit un sérieux avantage : si un leader perd du temps ou est victime d’une malchance en première semaine, on se rabat sur les deux autres. Au premier jour de repos, on saura si les trois sont toujours dans le coup. Et les Alpes, en 2e semaine, devraient décider du réel leader.  

 

Le risque d’une telle stratégie: la cohésion de l’équipe. Landa a démontré qu’il avait de la difficulté à sacrifier ses résultats pour aider le leader de l’équipe (Giro 2015, son équipe Astana doit lui rappeler d’attendre son leader, Fabio Aru). Et on voit mal Quintana et Valverde au service de Landa, mais qui sait… Un triplé Movistar? Tranquilo papito.

 

Richie Porte

 

On disait de lui, l’an dernier, qu’il était le plus grand rival de Froome. Mais une horrible chute dans la descente technique du Mont du Chat a mis fin à ses chances. Il est en grande forme comme le démontre sa victoire sur le Tour de Suisse. Porte n’est jamais monté sur un podium de Grand Tour (5e du Tour 2016) et n’a même jamais remporté d’étape sur une course de trois semaines. Et si 2018 était la bonne…

 

Vincenzo Nibali (Vainqueur en 2014)

 

Trop vieux? S’il gagne, il deviendrait à 33 ans le plus vieux vainqueur du Tour depuis Joop Zoetemelk en 1980. Il sait comment gagner un Grand Tour; 4 victoires (Tour 2014, Vuelta 2010, Giro 2013 et 2016). Il a remporté Milan San Remo avec panache ce printemps. Mais il a été invisible sur le Dauphiné, terminant 24e au général. Après le Dauphiné, il s’est entraîné dans le Dolomites. Le programme : la moto, pilotée par son ami et entraîneur Paolo Slongo, simulait le rythme amené par les SKY devant le peloton et Nibali attaquait. Il doit maintenant l’appliquer en course…

 

Tom Dumoulin

 

Deuxième du Giro à 46 secondes de Froome. C’est la 1re fois qu’il jouera le général sur le Tour. Il avait caché ses plans de faire Giro – Tour cette année. Il se dit en grande forme et a de grandes ambitions. L’équipe a toutefois voulu baisser les attentes, précisant dans son communiqué, que Dumoulin était en mode apprentissage. Une façon de lui enlever de la pression. Il a ce qu’il faut pour gagner le Tour un jour, peut-être pas cette année.

 

Dan Martin, Jakob Fuglsang, Ilnur Zakarin, Primoz Roglic, Bauke Mollema, Rafal Majka

 

Ils ont tous un objectif de top-5 ou de podium. Les places commencent à manquer. Martin risque de perdre beaucoup de temps dans le CLM par équipe; Fuglsang aussi. Zakarin a fait 3e de la Vuelta, mais n’a peut-être pas ce qu’il faut en descente pour tenir le coup. Roglic n’a pas encore l’expérience requise. Mollema a tendance à souvent craquer vers la fin du Tour. Et pour Majka, le Maillot à pois semble plus réaliste.

 

Nouveautés sur le Tour

 

Tous ces leaders auront un coéquipier en moins cette année. L’UCI a diminué le nombre de coureurs à 8 sur les Grands Tours au lieu de 9. Ça peut faire une différence en 3e semaine, si certains se blessent ou tombent malades.  

 

Autre nouveauté, et elle pique la curiosité : le point bonus. C’est une sorte de sprint intermédiaire, qui ne compte pas au classement aux points (Maillot vert), mais qui donne des secondes en bonification pour les trois premiers (3 – 2 – 1). On retrouvera ce Point Bonus sur les 9 premières étapes sauf au CLM par équipe.

 

Pavés, Alpe d’Huez et une Étape de 65km

 

Le Grand Départ se fera de la Vendée pour la 6e fois de l’histoire du Tour. Le profil des deux premières étapes est taillé pour les sprinteurs. Ce ne seront pas deux balades du dimanche pour les prétendants au général : le vent sera présent, les routes étroites par endroit et le peloton sera nerveux. On ne veut surtout pas perdre de secondes inutiles en début de Tour. Donc, 7-8 équipes intéressées à disputer la victoire d’Étape et une bonne dizaine qui vont protéger leur leader. Résultat : aucune chance pour l’échappée!

 

Profil de l'étape 1

 

Profil de l'étape 2

 

Des écarts dès la 3e Étape

 

 

Cholet sera le théâtre d’un contre-la-montre par équipe de 35,5km, une première sur la Grande Boucle depuis 2015. Après la reconnaissance, mercredi, plusieurs coureurs s’entendaient pour dire qu’il sera plus compliqué que prévu avec une montée dès le départ (l’échauffement sera d’autant plus important) et la Côte de la Séguinière, qui fera sauter les plus faibles. Ça ne devrait toutefois pas empêcher les puissantes équipes de dominer la journée, on pense aux SKY, BMC, Sunweb, Mitchelton-Scott et Quick Step.

 

La bataille sera intéressante entre SKY, BMC et Sunweb. L’équipe qui l’emportera prendra le Maillot jaune.

 

Leaders avantagés : Froome (SKY), Porte (BMC), Dumoulin (Sunweb), Yates (Mitchelton-Scott)

 

Leader qui pourrait surprendre (et qui devra bien faire) : Uran (EF Education-First)

 

Leaders désavantagés : Bardet (AG2R-La Mondiale), Fuglsang (Astana), Dan Martin (UAE - Teamn Emirates)

 

Profil de l'étape 3

 

Les Ardennaises... en Bretagne

 

Le profil de la 5e Étape à Quimper ressemble étrangement à celui des Classiques ardennaises. Pas de grands cols, mais plusieurs côtes raides. Certains leaders n’aimeront pas. Les écarts ne seront pas majeurs, mais ce seront encore des secondes à reprendre.

 

Profil de l'étape 5

 

Même chose le lendemain avec cette arrivée au Mûr-de-Bretagne, on n’y gagnera pas le Tour. Mais il y aura des dommages, surtout qu’on fera la côte deux fois dans les 16 derniers kilomètres. Ce Mur de 2km, ce n’est pas le Mur de Huy, mais on pourrait assister à la même bataille, soit un duel Valverde – Alaphilippe.

 

Profil de l'étape 6

 

 

« On peut tout perdre sur les pavés » - Romain Bardet

 

C’est devenu une tradition : une étape de pavés. Cette fois, c’est un mini Paris Roubaix. Rien à voir avec les étapes de pavés de 2015 et 2014. 15 secteurs pour un total de 21,7 kilomètres. On y retrouve certains des plus célèbres de l’Enfer du Nord, comme celui d’Auchy (là où Sagan est parti ce printemps) ou encore Camphins-en-Pévèle. « Ce n’est peut-être pas le peloton de Paris Roubaix, mais on peut tout perdre sur les pavés », Romain Bardet, lors de la conférence de presse, jeudi. Tout perdre, vraiment? Une crevaison, une chute ou une cassure, tout peut arriver sur les pavés. Les petits physiques de grimpeurs se feront brasser. Heureusement, le lendemain, c’est repos.

 

Profil de l'étape 9

 

Les Alpes pour relancer

 

Aucune défaillance n’est permise. On entre dans les Alpes. La 10e Étape offre une ascension inédite, celle de la Montée du Plateau des Glières, et son chemin de gravier au sommet. Un secteur de 1,8km. On est loin du Colle de Finestre où Froome a lancé son numéro de 80km en solo sur le dernier Giro.

 

Profil de l'étape 10

 

Ce sera suivi d’une courte, et toujours spectaculaire, étape de 108,5km. Départ en montée et arrivée au sommet, la 1re sur ce Tour. On devrait entendre Gruppetto quelques kilomètres seulement après le départ.

 

Profil de l'étape 11

 

Mais une chose pourrait calmer les ardeurs des leaders pour cette courte étape : le lendemain on s’attaque au Col de la Madeleine, aux Lacets de Montvernier, au Col de la Croix de Fer et on termine avec les 21 virages de la mythique Alpe d’Huez.

 

Profil de l'étape 12

 

Peu importe s’il y a des attaques ou non, spectaculaires ou non, les Alpes feront de sérieux dommages sur le général. Et à ce moment, on saura s’il y a encore trois leaders chez Movistar.

 

Les Pyrénées comme juge de paix

 

La 17e Étape frappe l’imaginaire : 65km. Du jamais vu sur le Tour, si on exclut les demi-étapes. Courte, mais intense avec le Col de Peyresourde et une arrivée au Col du Portet, dont les 8 derniers kilomètres ont dû être asphaltés. Ce n’est pas tout. Le départ sera donné façon Moto GP. Les explications ici.

 

Les organisateurs veulent éviter que des leaders envoient des équipiers freiner le rythme devant. « Cependant je ne suis pas utopiste, ils ne vont pas partir comme si l’arrivée était jugée 200 mètres plus loin. Nous rajoutons simplement un peu de piment à une étape qui n’est déjà pas très ordinaire » a précisé Thierry Gouvenu, l’architecte du tracé du Tour, lors d’un long entretien au site Le Gruppetto.

 

Profil de l'étape 17

 

Les dernières batailles

 

La 19e Étape sera la dernière bataille en montagnes, et ça promet. Pour certains ce sera la dernière chance de prendre du temps. Et le terrain de jeu est intéressant pour les grimpeurs avec une distance de 200 km et un dénivelé de 4800 m, comprenant le Col d’Aspin, le Tourmalet et le Col de l’Aubisque.

 

Profil de l'étape 19

 

Sinon, ne reste plus que le contre-la-montre dans le Pays basque. 31 km qui ne cessent de monter et descendre. Ce ne sera pas pour les rouleurs. Il y tout de même une côte, le Col de Pinodieta, 900 m à une moyenne de 10%, avec un passage 22% sur 200m. Ça va faire mal!

 

Profil de l'étape 20

 

Et les sprinteurs dans tout ça?

 

Les opportunités sont là, surtout en première semaine. Mark Cavendish trouve tout de même que le tracé du Tour change au profit d’un meilleur spectacle pour le général, mais au détriment des sprinteurs. Un « jeune » Mark Cavendish n’en ferait pas de cas et verrait les 6-7 opportunités de victoire.

 

Sprinteurs présents : Gaviria, Kittel, Greipel, Sagan, Cavendish, Démare, Degenkolb, Groenewegen, Kristoff, Colbrelli, Matthews

 

Malheureusement, aucun Canadien ne sera sur le Tour. La consolation, on en aura peut-être 1 ou 2 ou 3 qui viendront jaser avec nous en studio.

 

Rendez-vous samedi matin 7 h 30. Et d’ici là, portez-vous bien!