« Impossible de gagner sans dopage »
Tour de France vendredi, 28 juin 2013. 08:35 vendredi, 13 déc. 2024. 16:42PARIS - L'Américain Lance Armstrong, champion cycliste déchu de ses sept Tours de France pour dopage, affirme qu'il « est impossible de gagner le Tour de France sans dopage », dans un entretien au journal Le Monde vendredi, à la veille du départ de la centième édition depuis la Corse.
« C'est impossible de gagner le Tour de France sans dopage. Car le Tour est une épreuve d'endurance où l'oxygène est déterminant », affirme Armstrong.
Et le Texan d'expliquer : « Pour ne prendre qu'un exemple, l'EPO ne va pas aider un sprinteur à remporter un 100 m, mais elle sera déterminante pour un coureur de 10 000 m. C'est évident ».
Armstrong rappelle dans cet entretien ne pas avoir « inventé le dopage » qui « existe depuis l'antiquité et qui existera toujours ». Il pense en outre que la culture du dopage « ne finira jamais ».
« J'ai simplement participé à ce système. Je suis un être humain », dit-il encore.
Interrogé sur BFM TV à propos de ces déclarations et de l'aspect « culturel » du dopage dans le cyclisme, Bernard Hinault qui a déjà dénoncé une volonté de « tuer le Tour » après les récentes accusations de dopage visant Laurent Jalabert, s'est emporté.
« Il faut arrêter de penser que tous les coureurs cyclistes sont des voyous, des drogués! Moi, ça me désole d'entendre tout ça. Je pense que quand les gens feront exactement ce qu'ils ont à faire, c'est-à-dire de vrais contrôles dans tous les sports, on va rigoler cinq minutes... », a tonné le quintuple vainqueur français du Tour.
« Arrêtons de dire que c'est culturel, merde! C'est pas possible! Il y a plein d'autres jeunes coureurs qui sont passés au contrôle et qui n'ont pas été pris! [...] La suspicion est en permanence. Pensez à autre chose, il y a du vélo, il y a plein de jeunes », a-t-il ajouté avant de mettre un brusque terme à l'entretien en duplex depuis la Corse.
Armstrong, qui continue à faire du vélo et à s'entraîner, indique dans Le Monde qu'il essaiera de regarder la course à la télévision de temps en temps.
Concernant Laurent Jalabert, dont on a retrouvé de l'EPO dans les urines prélevées lors du Tour 1998, Armstrong déclare : « Ah, "Jaja", avec tout le respect que je lui dois, il est en train de mentir. Il aurait mieux fait d'éviter de parler de Ferrari et de Citroën, car il sait très bien que Michele était le médecin de la ONCE au milieu des années 1990 ».
Armstrong a été déchu en octobre de la majeure partie de ses titres et radié à vie après que l'agence américaine de lutte contre le dopage (USADA) l'a accusé d'avoir activement participé au programme de dopage le plus sophistiqué jamais vu dans l'histoire du sport.
Après des années de dénégations, l'ancien cycliste a avoué mi-janvier, lors d'une confession télévisée, s'être dopé durant sa carrière.
Les propos d'Armstrong exaspèrent le peloton
Soupirs, silence ou coups de gueule : coureurs et organisateurs du Tour de France ont manifesté chacun à leur manière la même exaspération de voir l'épreuve à nouveau mise à l'index vendredi dans une interview de Lance Armstrong posant le dopage comme préalable à la victoire.
Les propos du coureur américain, déchu de ces sept titres le 22 octobre dernier après les révélations des preuves de son dopage, ne sont pas nouveaux. Lors de ses aveux télévisés dans l'émission Oprah Winfrey en janvier, il avait déclaré que « durant cette génération » (la sienne), il était impossible de gagner sans se doper.
Sa nouvelle affirmation (« Impossible de gagner sans dopage »), qui vient s'ajouter aux confessions du vainqueur du Tour 1997 Jan Ullrich samedi dernier et à la révélation lundi soir d'échantillons de Laurent Jalabert positifs à l'EPO sur le Tour 1998, a fini d'irriter le monde du vélo, lassé des amalgames avec cette période sombre.
« C'est sûr que lui n'aurait jamais gagné sans se doper et je pense que du coup, il ne peut le concevoir autrement », a réagi sur France Inter et France Info le directeur du Tour, Christian Prudhomme, en soulignant qu'Armstrong avait originellement un profil pour les courses d'un jour et pas pour les courses par étapes.
« Suspicion permanente »
« Il y a eu une époque maudite [...] Mais quand on voit ce qui s'est passé l'an dernier avec Thibaut Pinot qui, à 22 ans, a réussi à gagner une étape et à finir dans les dix premiers, ce qui n'était pas arrivé depuis 1947, ça veut dire aussi quelque chose », a-t-il insisté.
Chez les coureurs, le ras-le-bol s'est essentiellement manifesté par le silence. La plupart a refusé de commenter les propos d'Armstrong pour ne pas alimenter la polémique. L'équipe britannique Sky, employeur du dernier vainqueur du Tour, Bradley Wiggins, et qui compte dans ses rangs le grand favori de l'édition 2013, Chris Froome, a également opposé un "no comment" aux sollicitations des journalistes.
Je pense le contraire » - Evans
Interrogé sur le sujet lors de la traditionnelle conférence de presse d'avant-départ de son équipe BMC, le vainqueur du Tour de France 2011, Cadel Evans, a répondu : « Je pense le contraire (d'Armstrong), je suis la preuve que ce n'est pas vrai. J'en suis sûr (qu'on peut gagner sans se doper) parce que je l'ai fait, a-t-il insisté. Je ne vais pas gaspiller de l'énergie à m'énerver ».
Interrogé sur un nouveau Tour « éclipsé » par le dopage, l'Australien a rétorqué : « Éclipsé ou obscurci par l'attention des médias? Moi, je m'entraîne tous les jours et je n'y pense pas ».
Son équipier, le champion du monde du monde Philippe Gilbert, a également pointé la responsabilité des journalistes. « C'est l'importance que vous lui donnez qui est dérangeante. Si les médias ne réagissaient pas, il n'y aurait pas tant de problèmes. Mais ça fait vendre du papier... »
« Je ne parviendrai jamais à réparer tout ça mais je passerai ma vie à essayer », conclut Lance Armstrong.