CAP DECOUVERTE, France (AP) - Les Alpes l'avaient laissé entrevoir, le contre-la-montre de Cap Découverte l'a confirmé: le roi vacille. Sous le soleil ardent régnant sur les routes du Tarn, incroyable de puissance et de détermination, l'Allemand Jan Ullrich (Telekom) a infligé vendredi un terrible camouflet au quadruple vainqueur du Tour et maillot jaune Lance Armstrong, qui n'avait jamais été malmené de la sorte dans un contre-la-montre, son exercice de prédilection.

Battu d'une minute et 36 secondes par le revenant allemand vainqueur du Tour en 1997, Armstrong n'a pas su faire taire les rumeurs sur sa condition physique, bien au contraire, et a gagné un nouveau rival au terme des 47 kilomètres séparant Gaillac de l'ancienne mine reconvertie en parc de loisirs.

Toujours maillot jaune, il ne compte plus que 34 secondes d'avance sur Ullrich, désormais deuxième du classement général. Le Texan de 31 ans, qui vise cette année une 5e victoire consécutive sur les routes de France, aura la tâche difficile, car un autre homme, le Kazakh Alexandre Vinokourov, va lui chercher des noises au cours des neuf derniers jours de course.

Le coureur de la Telekom a limité les dégâts dans le chrono, qu'il a terminé en 3e position à 2:06 minutes d'Ullrich, et il pointe seulement à 51 secondes de son rival américain au général.

"Je suis très fatigué mais très heureux, car aujourd'hui on a retrouvé l'ancien Ullrich", a déclaré le coureur originaire de Rostock, ancien double champion du monde du contre-la-montre, de retour sur le Tour après deux ans d'absence et de galère marqués par une suspension pour dopage aux amphétamines.

"J'étais simplement venu pour préparer la course de l'année prochaine et je ne m'attendais pas à un tel résultat. Je suis très heureux de pouvoir rivaliser avec Armstrong."

Tout au long des 47 kilomètres du parcours vallonné tracé sur les routes chères à Laurent Jalabert, Ullrich a fait parler sa puissance et son style impeccable, les dents serrées, pour infliger à Armstrong sa deuxième défaite consécutive dans un long contre-la-montre du Tour, un an après l'affront de Santiago Botero à Lorient. Ullrich, seul coureur à couvrir le parcours en moins d'une heure, s'est imposé en 58 minutes et 32 secondes, à la moyenne de 48,178 km-h.

"C'était difficile aujourd'hui, il faisait très chaud", a déclaré Armstrong, qui pour la première fois depuis le début de son règne en 1999 se retrouve avec des écarts aussi faibles sur ses rivaux après le premier chrono et le franchissement du premier massif montagneux.

"Je ne me sentais pas très bien, mais ce n'est pas mauvais car je suis deuxième. Jan a fait un super contre-la-montre et il est favori pour la victoire finale. On arrive dans la deuxième partie du Tour et c'est toujours là qu'Ullrich est bien. Il l'avait montré lors des deux tours que j'ai fait contre lui."

Armstrong l'avait battu les deux fois, en 2000 et 2001.

Parti sous une température approchant les 40 degrés, Ullrich est passé en tête à tous les chronos intermédiaires. Armstrong et sa moulinette habituelle ont tenu le choc dans les 13 premiers kilomètres (même temps qu'Ullrich) avant de s'avouer vaincu, comme le reste de la meute: Haimar Zubeldia (Euskaltel), battu de 2:40 minutes, Tyler Hamilton (CSC), distancé de 2:43 minutes, David Millar, qui a pris 3:55 minutes dans la vue, ou encore le champion du monde du contre-la-montre, Santiago Botero, qui a franchi la ligne d'arrivée 5 minutes après Ullrich!

Mais le grand perdant du jour est sans aucun doute l'Espagnol Iban Mayo (Euskaltel), vainqueur à l'Alpe d'Huez et troisième au général avant le chrono, à 1:02 minute. Le jeune grimpeur basque s'est effondré vendredi et a terminé 12e de l'étape, à 5:03 minutes. Avant une traversée des Pyrénées qui s'annonce très périlleuse, Armstrong s'en réjouira.

L'Américain, qui souhaite rejoindre cette année sur les tablettes de la Grande Boucle Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain, a affirmé qu'il avait beaucoup souffert vendredi.

"Je ne sais pas ce qui s'est passé, c'était peut-être trop dur pour moi, a-t-il raconté. Ce matin, je me sentais bien, mais plus pendant la course. Entre le deuxième temps intermédiaire et la dernière bosse j'avais vraiment très soif et j'avais l'impression de reculer. J'aurais peut-être dû boire plus avant de partir."

En écartant ses rivaux Espagnols (Zubeldia et Mayo sont à 4:29 minutes au général, Francisco Mancebo à 5:01) et en récupérant Ullrich à la place, Armstrong a probablement perdu au change. Avec Vinokourov et l'Allemand sur ses talons, il ne pourra se permettre la moindre erreur dans les Pyrénées. D'autant qu'un deuxième contre-la-montre sera au programme avant l'arrivée à Paris. Et vendredi, Ullrich a clairement démontré sa supériorité dans la spécialité.

"Jan a connu une super journée, et Vinokourov reste à 34 secondes, a conclu l'ancien triathlète. Je ne pense pas que dans les Pyrénées ce sera à moi d'attaquer. Si les autres attaquent, alors je les suivrai. Ou du moins j'essaierai."