ROUEN (AP) - Le champion d'Estonie Jan Kirsipuu (AG2R) a mené à bien la première échappée victorieuse du Tour 2002 après s'être imposé au sprint au terme de la cinquième étape disputée jeudi sur 195km entre Soissons et Rouen, marquée par la chute impressionnante de l'Italien Marco Pinotti (Lampre) en cours de route.

Kirsipuu, déjà vainqueur à Challans (1999) et Strasbourg (2001) sur la Grande Boucle, a devancé sur la ligne Michael Sandstod, le champion du Danemark devenu fameux depuis le contre-la-montre par équipes disputé la veille, et le Belge Ludo Dierckxsens, alors que le classement général est resté inchangé.

Les trois hommes avaient pris la poudre d'escampette au 110e km, en compagnie de l'Italien Stefano Casagranda et du Français Christophe Edaleine, arrivés respectivement à trois et cinq secondes du vainqueur.

L'Australien Robbie McEwen, victorieux mardi de l'étape de Reims, a remporté le sprint du peloton, 33 secondes plus tard.

"Le sprint a été très difficile, car tout le monde a attaqué, a déclaré Kirsipuu, qui fêtera ses 33 ans le 17 juillet. Les jambes me lâchaient, sur la fin je n'étais plus un sprinteur, c'est la victoire du courage."

Victime d'une déchirure du tendon rotulien lors d'un accident avec une voiture le 15 mars dernier, Kirsipuu a savouré ce succès.

"Je n'avais plus sprinté depuis Paris-Nice, et jusque là je manquais d'explosivité, a-t-il dit. C'est vrai que je reviens de loin et AG2R a été la dernière équipe sélectionnée pour le Tour, donc cette victoire est très belle."

La passivité de la Once, peu soucieuse de travailler aux avant-postes pour défendre le maillot jaune d'Igor Gonzalez de Galdeano conquis la veille dans le contre-la-montre par équipes, a sans doute favorisé l'aventure de Kirsipuu dans cette étape plate comme la main.

"Quand j'ai vu que la Once ne contrôlait pas la course, je me suis dit qu'il fallait tenter quelque chose. La première occasion a été la bonne", a souligné l'Estonien, toujours resté fidèle à des équipes françaises depuis ses débuts professionnels en 1992 chez Chazal.

Les cinq échappés ont dû résister au retour du peloton dans le final et la plongée sur Rouen, après avoir dû mener leur barque dans la difficulté, un vent de face soutenu ralentissant leur progression sous un ciel menaçant.

"On était cinq bons rouleurs, on s'est bien relayés. C'est vrai qu'on a refait entre nous un petit contre la montre par équipes", a déclaré Christophe Edaleine (Jean Delatour), qui a cru un instant pouvoir offrir à la France sa première victoire d'étape.

"Il y a eu beaucoup d'attaques dans le dernier kilomètre, mais Kirsipuu est allé chercher tout le monde. J'ai tenté ma chance mais j'étais un peu cuit."

A la flamme rouge, l'Estonien a répondu avec succès à une attaque de Sandstod, dont la crevaison dans le contre-la-montre par équipes la veille a coûté sans doute la victoire d'étape à la CSC Tiscali et le maillot jaune à Laurent Jalabert.

Cette cinquième étape a été marquée par le premier abandon du Tour 2002, celui du champion de Belgique Tom Steels, neuf fois victorieux sur la Grande Boucle, qui a posé pied à terre au ravitaillement de Noyers-sur-Martin, au 91e kilomètre.

Une chute d'une vingtaine d'hommes dans la dernière heure de course a conduit à l'évacuation sur l'hôpital de Rouen de l'Italien Marco Pinotti (Lampre).

"Il souffre d'une plaie profonde au visage, d'une fracture ouverte des os du nez", a déclaré Gérard Porte, le médecin-chef du Tour de France, qui s'est voulu rassurant: "Le scanner pratiqué dès son arrivée à l'hôpital n'a pas révélé de lésions cérébrales initiales".

Le Belge Rik Verbrugghe (Lotto) se plaignait lui de la clavicule gauche, alors que d'autres coureurs comme l'ancien vainqueur néerlandais de Paris-Roubaix Servais Knaven faisaient partie des victimes.

Igor Gonzalez de Galdeano a conservé son avance de quatre secondes au classement général sur son coéquipier de la Once Joseba Beloki, alors que Lance Armstrong (US Postal) suit à sept secondes.

L'Américain, triple vainqueur en titre de l'épreuve, reste le grand favori de la course après le contre-la-montre par équipes où l'US Postal a perdu seulement 16 secondes sur la Once. Certains "outsiders", relégués à plus de deux minutes, comme Santiago Botero et Oscar Sevilla de la Kelme, ne perdent pas espoir.

"Rien n'est perdu. Il reste les contre-la-montre individuels et la montagne pour se refaire", a déclaré Botero au départ de Soissons.

"Si Botero a prouvé qu'il peut aller plus vite qu'Armstrong en contre-la-montre, il lui sera difficile de reprendre presque trois minutes (2.43)", a souligné l'ex-grand sprinter français Cyrille Guimard, aux sept victoires d'étapes dans le Tour de France.

Laurent Jalabert, 15e à 37 secondes, est le premier coureur au général n'appartenant ni à l'US Postal ni à la Once.

"J'ai de bonnes jambes et d'excellentes sensations", a déclaré jeudi l'ex-numéro 1 mondial, qui tentera de concrétiser vendredi, lors de la 6e étape, longue de 199,5 km entre Forges-les-Eaux et Alençon.