BERLIN (AFP) - Un talent époustouflant mais une propension irritante à le dilapider, c'est la réputation pas totalement usurpée de Jan Ullrich, premier Allemand à avoir remporté le Tour de France cycliste, en 1997, et auteur depuis d'une carrière en dents de scie dans laquelle il entend désormais mettre de l'ordre.

En revenant chez Telekom, l'équipe de ses débuts, qui deviendra T-Mobile en janvier 2004, Ullrich s'offre des conditions idéales pour concrétiser le pronostic émis sur le dernier Tour de France en s'apercevant qu'avec un peu plus de conviction, il aurait pu dominer l'Américain Lance Armstrong.

"L'année prochaine, je reviendrai pour gagner. Je suis un homme neuf", s'était écrié Ullrich, deuxième sur les Champs Elysées pour la quatrième fois de sa carrière. Une renaissance à 29 ans, cela ouvre des perspectives lorsque l'on sait que l'Espagnol Miguel Indurain, son idole, et Armstrong, son rival respecté, ont remporté le premier de leurs cinq Tours à l'âge de 27 ans.

En s'imposant dans le Tour 1997, un an après ses débuts sensationnels dans l'épreuve (2e derrière son chef de file, le Danois Bjarne Riis), Ullrich s'était signalé comme le grand talent des années à venir, l'un des coureurs les plus doués de sa génération. Mais son indiscipline, sa santé fragile et un manque de maturité ont compromis les succès annoncés.

Année après année, la cote de Jan Ullrich s'est ainsi mesurée à sa courbe de poids. Affligé d'une tendance à l'embonpoint, l'enfant de Rostock (est) a eu du mal à rester affûté dès la saison suivant son sacre. Une fois trop gros, l'autre affaibli par l'une de ses angines chroniques, il a rarement, entre 1997 et 2003, couru en pleine possession de ses moyens.

Dérapage

Et pourtant, son palmarès n'en est pas moins éloquent: à nouveau 2e du Tour en 1998, 2000 et 2001, il aura donc été au pire deuxième des Tours auxquels il a participé. Champion du monde du contre-la-montre et vainqueur de la Vuelta en 1999, il deviendra champion olympique sur route en 2000.

Blessé à un genou lors de l'hiver 2001-2002, écarté donc des courses et de l'entraînement, Ullrich dérape. En juin 2002, il est contrôlé positif aux amphétamines alors qu'il est hors concours sur le plan sportif. Suspendu jusqu'en mars 2003, il est au fond du trou, dépressif, soutenu par son seul mentor, le Belge Rudy Pevenage, et son meilleur ami, le champion kazakh Alexander Vinokourov. Telekom, son équipe depuis ses débuts professionnels en 1995, refuse de maintenir l'intégralité de son salaire. A l'automne, c'est la brouille et le départ vers d'autres aventures précaires.

Après un rapide passage chez l'Allemand Team Coast, il endosse le maillot de l'équipe italienne Bianchi avec qui, à sa propre surprise, il pimente le dernier Tour de France, contraignant Armstrong à s'employer.

Entre l'automne 2002 et l'été 2003, Ullrich n'a pas seulement changé d'équipe, remis de l'ordre dans sa tête et de la discipline dans sa préparation sportive. Il est également devenu papa d'une petite Sarah-Maria et a quitté pour la Suisse l'Allemagne qui était avec lui aussi idolâtre qu'impitoyable. Ceci expliquant peut-être cela.