PARIS (AP) - Le coureur américain Floyd Landis a nié jeudi s'être dopé lors du Tour du France, qu'il a remporté dimanche dernier, alors que son équipe a annoncé qu'il avait échoué à un test antidopage à la testostérone.

"Je ne peux pas être optimiste" avant la contre-expertise, "je suis réaliste", a ajouté celui qui n'est désormais plus certain de figurer longtemps au palmarès comme troisième Américain vainqueur du Tour de France cycliste après Greg LeMond et Lance Armstrong.

Landis a souligné que quoiqu'il arrive, sa carrière sera à jamais souillée par ce test positif.

"Malheureusement, je ne crois pas que tout cela va disparaître peu importe ce qui arrive maintenant", a-t-il déclaré en conférence téléphonique.

Quatre jours après son triomphe sur les Champs-Elysées, sa formation Phonak a annoncé jeudi que le coureur de 30 ans a été contrôlé positif à la testostérone le soir de son cavalier seul vers Morzine.

Il risque deux ans de suspension si l'échantillon B de ses urines confirme les résultats de l'échantillon A. Il pourrait aussi se voir privé de son titre au Tour de France, en plus d'être congédié par son équipe.

"Je pense qu'il y a de bonnes chances que je puisse laver ma réputation, a dit Landis. Mais peu importe si je réussis ou non, je ne sais pas si on va oublier.

"Tout ce que je demande, c'est qu'on me donne la chance de prouver mon innocence. Le cyclisme a la manie de faire le procès des gens dans la cour de l'opinion publique avant même qu'ils n'aient la chance de réagir.

"J'aimerais qu'on présume que je suis innocent jusqu'à ce qu'on prouve que je suis coupable - étant donné que c'est de cette façon qu'on procède en Amérique."

Quand on lui a demandé ce qui aurait pu l'amener à échouer son test antidopage, Landis n'a rien dit de précis. "A savoir ce qui a été la cause ce jour-là en particulier, je ne peux que spéculer", a-t-il répondu.

"L'équipe dirigeante ainsi que le coureur sont totalement surpris par ce résultat physiologique", a de son côté indiqué sur son site Internet l'équipe suisse, qui va demander une contre-expertise.

Landis "a 15 jours pour effectuer l'analyse du deuxième échantillon", a déclaré Pierre Bordry, le président du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), qui a envoyé mercredi une lettre recommandée à l'Américain pour l'informer de son contrôle positif. A l'instar de l'Union cycliste internationale (UCI), le CPLD a reçu le résultat positif du contrôle en provenance du laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry.

En l'attente de la contre-expertise, la présomption d'innocence reste la règle en matière de suspicion de dopage, a souligné Bordry. Le président du CPLD révèle cependant que Landis n'a présenté lors de son contrôle à Morzine aucune autorisation à usage thérapeutique (AUT) concernant de la testostérone.

"Le jour du contrôle, il a rempli une fiche sans inscrire aucun élément par rapport à une AUT. (Les coureurs) doivent pourtant dire s'ils prennent un médicament", rappelle-t-il.

Selon la réglementation mondiale antidopage, certains athlètes sont autorisés à prendre des produits interdits à condition qu'ils révèlent la présence d'un mal précis avec justification médicale.

"Il se peut aussi qu'on ait une AUT pour un produit précis et qu'on trouve autre chose" dans les urines, selon Bordry.

Landis a gagné le Tour de France avec une hanche en capilotade. Il est autorisé à prendre des antalgiques pour calmer la douleur causée par sa tête de fémur droit nécrosée suite à une fracture survenue en 2003. Mais la testostérone est une hormone et non un antalgique.

Landis a présenté "un taux anormal de testostérone/epitestostérone", a expliqué la Phonak sur son site Internet.

Le CPLD devrait recevoir Landis et ses avocats pour leur présenter le dossier.

"C'est ce qui se fait traditionnellement. On montre au coureur concerné et à ses avocats les pièces du dossier et ils doivent y répondre", a expliqué Bordry qui a envoyé à Landis "le procès-verbal du contrôle, le rapport d'analyse et la liste des experts auxquels il peut s'adresser".

Le CPLD, autorité administrative indépendante créée par la loi de mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, exerce notamment ses responsabilités dans l'action disciplinaire à l'encontre des sportifs ayant contrevenu à la réglementation relative au dopage.

"C'est navrant", a réagi Christian Prudhomme, le directeur de la Grande Boucle, à l'annonce de ce contrôle positif du vainqueur du Tour. "L'aspect positif de cette décision, c'est qu'elle montre à ceux qui continuent à tricher qu'ils se préparent de très mauvais jours".

"Beaucoup disaient que les contrôles ne servaient à rien, ce n'est plus vrai. Il y a une prise de conscience globale qui commence à se faire jour. Elle n'est cependant pas suffisante si la contre-expertise confirme ce qu'on nous dit aujourd'hui", a-t-il ajouté.

Lance Armstrong, septuple vainqueur du Tour de France, a lui aussi été suspecté de dopage. En 1999, lors de sa première victoire, il avait pris une pommade aux corticoïdes et présenté tardivement une autorisation d'utilisation thérapeutique de ce produit interdit. Plus récemment, le laboratoire de Châtenay-Malabry avait révélé que de l'EPO figurait dans les urines 1999 d'Armstrong, analysées rétrospectivement.

Landis est le premier maillot jaune du Tour victime d'un contrôle positif depuis Pedro Delgado en 1988. L'Espagnol avait été blanchi. Sur le Tour d'Espagne, Roberto Heras a été déclassé l'an dernier après sa victoire pour dopage à l'EPO.

Au départ de ce Tour de France 2006 à Strasbourg, un grand coup de balai avait conduit à l'éviction de plusieurs coureurs, dont Jan Ullrich, vainqueur du Tour 1997, et d'Ivan Basso, vainqueur cette année du Tour d'Italie, suspectés de dopage selon les révélations de "l'opération Puerto" en Espagne. Landis avait aussi bénéficié, pour devenir seul leader de l'équipe Phonak, de la suspension par son gérant John Lelangue, à trois semaines du début du Tour, du Colombien Santiago Botero et de l'Espagnol José Enrique Gutierrez, soupçonnés dans le scandale du dopage ayant éclaté en Espagne.

L'affaire Festina en 1998 a servi de détonateur à l'accentuation de la lutte contre le dopage.

Opinion publique

Par ailleurs, dans un sondage effectué sur le site Web d'ESPN, plus de 65% des gens croient que le résultat du test effectué sur Landis est véridique.