STRASBOURG (AFP) - Les révélations de la justice espagnole sur le dopage dans le cyclisme ont obligé les équipes à faire un grand ménage, vendredi à Strasbourg, à la veille du départ du Tour de France qui est privé de plusieurs de ses favoris.

L'Italien Ivan Basso, l'Allemand Jan Ullrich et l'Espagnol Francisco Mancebo, soit les trois suivants de l'Américain Lance Armstrong l'an passé au classement final du Tour, ont été écartés par leurs groupes respectifs.

T-Mobile, le premier, a annoncé l'exclusion de ses deux coureurs cités dans l'affaire espagnole, un réseau de dopage sanguin qui a été mis au jour le 23 mai dernier par l'Opération Puerto. L'important opérateur allemand de téléphonie mobile a suspendu avec effet immédiat sa grande vedette, Jan Ullrich, le vainqueur du Tour 1997, son coéquipier espagnol Oscar Sevilla et son directeur sportif, le Belge Rudy Pevenage.

Dans la matinée, les responsables des 21 équipes du Tour, regroupés dans leur association internationale (AIGCP), se sont réunis à Strasbourg et se sont prononcés à l'unanimité pour le respect strict du code éthique qu'ils ont signé. Selon les termes de ce code, tout coureur impliqué dans une procédure judiciaire pour dopage est écarté des épreuves.

Neuf coureurs incriminés

Vincent Lavenu, responsable de l'équipe française AG2R, a annoncé sur le champ l'éviction de Mancebo, quatrième du Tour 2005, qu'il avait recruté à l'intersaison. Il a ajouté que son leader lui avait dit qu'il raccrochait le vélo.

Bjarne Riis, manager du groupe CSC, a confirmé quelques instants plus tard la même mesure au sujet de son chef de file, Ivan Basso, deuxième du Tour l'an passé et vainqueur du récent Giro qu'il a dominé de la tête et des épaules.

"Il est de ma responsabilité de suspendre Basso, a déclaré Riis. Il faut que je pense à l'équipe, c'est le plus important. J'ai confiance en Ivan. Mais c'est à lui et à ses avocats d'apporter maintenant les preuves contraires."

Seul le cas embrouillé de l'équipe Astana, dont le leader est le Kazakh Alexandre Vinokourov, est resté en suspens durant l'après-midi.

L'Union cycliste internationale (UCI) a publié la liste des noms des neuf coureurs engagés sur le Tour mis en cause, avec cinq coureurs d'Astana (Paulinho, Nozal, Davis, Contador, Beloki) dans le lot. Dans le cas de l'application du code de conduite, il ne restait donc plus assez de coureurs (quatre seulement) pour participer à la course, faute de pouvoir procéder à des remplacements.

L'affaire ne s'est pas dénouée pour autant. Peu après 18 heures (16h00 GMT), les organisateurs du Tour publiaient une liste de concurrents avec les noms des coureurs d'Astana barrés de la mention "en attente".

Dans leur discussion du matin, les responsables d'équipe avaient décidé de ne pas remplacer les coureurs retirés de la course.

"Nous avons voulu donner un signal très fort au monde extérieur du cyclisme en disant qu'on ne remplacera pas les coureurs. Ce serait trop facile", a déclaré Patrick Lefevere, président de l'AIGCP et responsable de l'équipe Quick Step.

Ullrich "très choqué"

Le grand coup de balai qui a été opéré à Strasbourg - une journée mémorable pour le cyclisme - risque aussi de précipiter la fin de carrière d'Ullrich qui, il l'a souvent dit à ses proches, n'est réellement motivé que par le Tour de France, la course qui l'a fait aimer du public allemand.

A 32 ans, le champion olympique de Sydney a peut-être dit un adieu définitif à la Grande Boucle, qu'il a terminée à sept reprises sur le podium (1er en 1997, cinq deuxièmes places, une troisième place en 2005). "C'est la pire chose qui me soit arrivée dans ma carrière, je suis très choqué", a déclaré Ullrich avant de s'en aller.

Sur la base du dossier d'instruction de l'affaire, transmis par la Fédération espagnole à l'UCI et aux organisateurs du Tour à la demande du ministère espagnol des Sports, des procédures disciplinaires pourraient être maintenant ouvertes par les fédérations des coureurs concernés.

En procédant à ce lessivage, le cyclisme a fait tomber les trois suivants d'Armstrong du Tour 2005 alors que l'Américain est lui-même soupçonné de dopage (dans le Tour 1999). Une opération nettoyage spectaculaire que le directeur du Tour, Christian Prudhomme, a salué: "L'ennemi, ce n'est pas le cyclisme, c'est le dopage".