PARIS (AFP) - Au moment de lâcher définitivement les commandes du Tour de France, Jean-Marie Leblanc, qui dirige la plus grande course du monde depuis dix-huit ans, estime que le cyclisme doit "reconquérir sa crédibilité".

"C'est une mission, un devoir pour ce sport, affecté qu'il a été en 2006 par les affaires Puerto et Landis, et je ne parle que des principales", déclare Jean-Marie Leblanc dans un entretien accordé à l'AFP, avant la présentation du Tour 2007 jeudi à Paris.

"Sans entrer dans l'outrance comme Dick Pound (président de l'Agence mondiale antidopage, ndlr), force est de reconnaître qu'il continue d'y avoir un problème grave. Le cyclisme a pour une grande part perdu sa crédibilité. Tous les efforts de la communauté cycliste, et d'abord des principaux intéressés, les équipes, leurs coureurs, leurs médecins, doivent tendre à la reconquérir", poursuit-il.

Le directeur du Tour voit un signe dans ce que "les équipes, par elles-mêmes et par leur association (AIGCP), sont allées plus loin en matière d'exigence de bonne conduite. C'est bien... mais ce n'est pas suffisant".

Frapper au portefeuille

"Tous les moyens doivent être employés, dit-il. Premièrement, continuer de faire confiance, là où elles existent, aux lois antidopage et à ceux qui sont chargés de les appliquer, c'est-à-dire les policiers et les juges. Deuxièmement, admettre et même être satisfait qu'en matière scientifique, il semble qu'on puisse aller plus loin, j'entends aujourd'hui parler de l'utilisation de l'ADN".

Jean-Marie Leblanc, qui souligne s'exprimer "à titre personnel", se dit aussi partisan de "frapper là où ça fait mal, c'est à dire au portefeuille, puisqu'on s'aperçoit que ceux qui trichent parviennent à conserver sinon l'impunité, du moins le bénéfice financier de leurs forfaits". Et de suggérer: "Obligeons par exemple les fautifs à rembourser leurs prix, leurs salaires !"

"J'ai eu une sorte de flash quand j'ai lu les propos de Stéphane Diagana", reconnaît-il par référence à une récente prise de position de l'ancien athlète français prônant des sanctions financières contre les sportifs dopés.

"Ce que dit Diagana me semble de bon sens et pourrait être intellectuellement envisagé, estime-t-il. Il y a une évolution des esprits. Si on arrive aujourd'hui à cette idée qu'il faut attaquer (les coureurs dopés, ndlr), c'est qu'on a le sentiment d'avoir épuisé beaucoup de moyens et qu' on se dit qu'il en reste encore un. Ce pourrait être une arme nouvelle".

Démonter une idée fausse

"On n'y avait pas pensé, avoue le directeur du Tour. On en est à s'interroger sur la mise en place des prélèvement capillaires, de l'ADN, sur l'incitation à plus de sévérité. Mais on n'est pas sorti du périmètre de la réglementation sportive et des sanctions sportives".

"Cela me paraît prioritaire par rapport aux pseudo-questions sur les bonnes raisons que l'on veut trouver au dopage", ajoute-t-il. "Il semble que revient à la mode le postulat suivant lequel si les coureurs se dopent, c'est qu'on leur demande trop. Les coureurs seraient moins coupables que ceux qui les obligent à faire ces efforts, c'est à dire les organisateurs, les sponsors, les médias, les Tartuffe... L'UCI (Union cycliste internationale) a l'air d'être sensible à ce discours mais c'est un postulat qui est faux. Il faut démonter cette idée que les efforts demandés aux coureurs sont excessifs".

Et Jean-Marie Leblanc de souligner que "les distances des courses sont plus courtes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient autrefois et les difficultés moindres. Dans les années 1980, Bernard Hinault, Sean Kelly, disputaient 140-150 jours de course. Aujourd'hui, les directeurs sportifs disent que leurs coureurs sont au maximum à 100 jours".

"Les grands tours, conclut-il, ont été ramenés à 3500 kilomètres, à 2 jours de repos obligatoires, etc. Ce qui me paraît raisonnable. Mais n'allons pas au-delà. Dois-je rappeler que Ben Johnson s'est dopé pour courir 100 mètres ?"