PARIS - Désormais seul aux commandes du Tour de France, Christian Prudhomme se démultiplie face aux problèmes qui se posent à l'approche du départ de Londres, samedi, jour du prologue. Le successeur de Jean-Marie Leblanc, que son aîné tient en très haute estime, a répondu à l'AFP sur les sujets brûlants du jour.

Q: Pourquoi cette précipitation des dernières semaines sur le dopage ?

R: "Il faut que les problèmes arrivent à un moment où on peut les régler. Dans le cas de Basso, ça s'est fait en avril avant les classiques ardennaises. L'être humain est ainsi fait que les décisions sont prises au pied du mur."

Q: Que répondez-vous à ceux qui vous critiquent sur le sujet du dopage ?

R: "Mais à qui profite le crime ? quel peut être l'intérêt pour un organisateur qu'il y ait du dopage ? Le cyclisme est un sport de valeur relative. En tant qu'ancien journaliste de télévision, je suis convaincu que le dopage est anti-audimat. La légende du cyclisme, c'est d'aller loin dans la souffrance, pas de terminer une étape de cinq cols pas plus fatigué que moi après deux étages."

Q: Le cyclisme souffre alors que le vélo se porte bien...

R: "Le vélo est un sport qui est tout à fait dans l'air du temps. C'est pour cela que l'on doit réussir à faire la jointure. L'opération 'A chacun son Tour' auprès des jeunes, dans les villes d'arrivée d'étapes, est capitale. On souhaite la pérenniser et la développer ailleurs. Cette opération a vocation à exister tous les ans, que le Tour aille ou non dans la région."

Q: Pour toucher de nouvelles catégories de population ?

R: "Il y a déjà dans le monde anglo-saxon de nouvelles catégories de population. En Australie, ce sont plutôt les classes supérieures qui font du vélo. De plus en plus de cadres supérieurs prennent leur vélo à 40-45 ans et vont rouler avec leurs copains."

Q: Et les jeunes des cités, très rares dans le peloton ?

R: "Il est évident que le sport cycliste est sans doute trop absent des cités qui sont le réservoir d'autres sports comme le football ou le basket. On ne doit pas se passer éternellement de ce terreau."

Q: Pour ce premier Tour placé sous votre seule responsabilité, qu'avez-vous voulu pour le parcours ?

R: "Aller là où le sport nous guide. Pour moi, l'arrivée à l'Aubisque est emblématique. Elle nous ouvre d'autres perspectives. Désormais, pour une à deux étapes chaque année, le raisonnement n'est plus: avons-nous la place sur les lieux mêmes de l'arrivée ? mais: y a-t-il des plates-formes disponibles à quelques kilomètres ?"

Q: En quoi consiste le dispositif ?

R: "Nous nous appuyons sur neuf plates-formes qui sont entre 4 et 6 kilomètres de l'arrivée. Au sommet, il n'y aura que les deux voitures de directeur sportif par équipe, une tribune audiovisuelle coupée en deux, puisque les commentateurs de télévision seront à 6 kilomètres ce qui n'est encore jamais arrivé, un bus VIP au lieu de trois. France Télévisions en tant que diffuseur hôte a vraiment tout fait que cela se passe bien. Le plus important, c'est d'aller là où l'on veut aller parce que sportivement c'est intéressant."

Q: Ce Tour 2007 préfigure-t-il les suivants ?

R: "Oui. La dernière étape de montagne doit être significative. Cette année, elle l'est car, au lendemain de la journée de repos, le maillot jaune n'aura pas gagné le Tour même s'il a trois minutes d'avance, vu la difficulté de cette étape avec le port de Larrau à 150 kilomètres de l'arrivée. Je souhaite aussi que comme en 1987 ou 2003 la montagne arrive rapidement, qu'il puisse y avoir du suspense et de l'incertitude la première semaine, sur des parcours qui incitent au mouvement. Je voudrais que l'on redensifie les massifs intermédiaires, comme le Morvan cette année dans une étape pleine de pièges."

Q: Vous avez songé aussi à supprimer les oreillettes...

R: "Sur le Dakar, il y a deux-trois étapes sans assistance. Je suis convaincu qu'une étape dans le Massif central, avec des virages incessants, s'y prête. Ou alors que l'oreillette ne soit qu'un élément de sécurité, que le coureur reçoive un radio-tour parfaitement adapté pour signaler les dangers."

Q: Cela passe-t-il par l'UCI (Union cycliste internationale) ?

R: "Le problème, c'est qu'on ne fait plus partie depuis deux ans de la moindre commission. On n'est d'accord sur rien avec l'UCI, sauf sur la lutte antidopage, et on n'est plus vraiment écouté. Mais, pour moi, l'avenir du cyclisme ne peut pas se conjuguer sans romantisme."

Q: Le Tour a-t-il besoin de nouveaux héros ?

R: "Mais c'est le Tour qui crée ses héros. Je suis convaincu qu'il y en aura de nouveaux. Je rêve de suspense et de surprises, que des Ladagnous, Di Grégorio, Feillu se révèlent, que des Cavendish gagnent des sprints massifs, qu'il y ait de nouveaux visages, sans rejeter les anciens. Qu'il y ait de l'oxygène, en un mot de la fraîcheur."