Puerto : Manzano se confie
Cyclisme mercredi, 13 févr. 2013. 08:30 samedi, 14 déc. 2024. 20:01MADRID - L'ancien cycliste espagnol Jesus Manzano, partie civile du procès de l'affaire de dopage Puerto, a assuré mercredi qu' « il y aurait pu y avoir un mort » au sein de son ancienne équipe Kelme du fait du système de dopage mis en place par le docteur Fuentes.
« Il y aurait pu y avoir un mort », a assuré Manzano, ancien cycliste de l'équipe Kelme entre 2000 et 2003, période durant laquelle Eufemiano Fuentes, principal accusé de l'affaire Puerto était médecin-chef de Kelme (entre 2001 et 2003), sa soeur Yolanda Fuentes également médecin de l'équipe, le préparateur physique José Ignacio Labarta et le directeur sportif Vicente Belda.
Manzano, qui avait déjà choqué l'Espagne en 2004 en dénonçant dans le journal AS les pratiques dopantes qui régnaient au sein de Kelme, mettant ainsi la police sur la piste du docteur Fuentes, a redécrit en quoi consistait le système dopant de l'équipe espagnole.
Le coureur espagnol a donné une longue liste de produits dopants, dont il a assuré que tous lui avaient été prescrits par les docteurs de l'époque.
Hormones de croissance, hormone féminine (HMG), Androgel (testostérone), cortisone, Actovegin (sang de veau), nandrolone, EPO russe et chinoise et albumine pour faire baisser l'hématocrite, tous ces produits - en plus des autotransfusions - étaient livrés à Manzano et à d'autres coureurs de Kelme par Eufemiano Fuentes ou Walter Viru, selon l'ex-coureur.
« Fuentes a été médecin-chef de l'équipe entre 2001 et 2003 avec une interruption fin 2002-début 2003 où c'est Walter Viru et Alfredo Cordova qui se sont occupés de l'équipe », a précisé Manzano.
Le coureur est notamment revenu sur l'épisode de son évanouissement sur le Tour de France 2003 qu'il avait déjà raconté à AS en 2004.
« Au matin de la 7e étape, le directeur (Vicente Belda) m'a envoyé voir le médecin (Walter Viru) dans sa chambre. Celui-ci m'a injecté 50 ml d'Oxyglobin (hémoglobine d'origine canine). Durant l'étape je m'échappe, mais je commence à me sentir mal, mal, mal et je m'évanouis. On m'a emmené à l'hôpital où les directeurs sportifs sont venus expressément me voir pour me dire de ne surtout pas dire ce qu'ils m'avaient donné, qu'à cause de cela, en France, on risquait tous la prison. »
« Après cet épisode, je ne me suis plus jamais senti le même, physiquement », a assuré Manzano.
L'Espagnol de 35 ans, toujours très clair dans sa déposition, a également précisé que tous les coureurs de l'équipe Kelme de l'époque s'étaient dopés, à l'exception d'un seul coureur, Juan Miguel Cuenca Martinez.
« Il n'utilisait pas de produits dopants parce qu'il avait eu un problème d'inflammation des veines. Le reste, si », a expliqué Manzano.
En revanche, le mystère continue de planer sur ces fameux autres sportifs non-cyclistes avec lesquels Fuentes a assuré avoir également travaillé.
« J'allais chez Fuentes avec d'autres coureurs de Kelme. Mais en dehors de cela, je ne sais pas qui y allait », a conclu Manzano.
Le silence de Manzano
« On m'a obligé à me doper. Si je ne prenais pas les médicaments qu'on me donnait à l'époque, on me mettait à la porte de suite », a insisté Manzano, désignant directement ses anciens directeurs sportifs de l'époque Belda et Labarta comme incitateurs de ce dopage ainsi qu'Eufemiano Fuentes et sa soeur Yolanda comme médecins menant à bien ce dopage.
Interrogé sur pourquoi il n'avait dans ce cas pas porté plainte contre ses anciens dirigeants au moment-même des faits, Manzano a allégué la peur de mettre en difficulté son équipe.
« Si je parlais à cette époque, je me retrouvais à la rue et toute l'équipe allait en prison. Je ne voulais pas leur créer de problèmes », a assuré Manzano.
Puis, sur ses révélations parues en 2004 dans le journal AS où il exposait entièrement le système de dopage chez Kelme, l'ancien coureur a expliqué: « Si je l'ai raconté, c'était pour moi et pour faire le ménage dans le cyclisme. Parce que maintenant, on sait dans quel état il est ».
Par ailleurs, Manzano a assuré à plusieurs reprises ne jamais avoir consommé de cocaïne, comme l'avaient pourtant affirmé le docteur Fuentes et Belda au cours de leurs déclarations.
« Je n'ai jamais pris de cocaïne. Et la meilleure preuve, c'est que si j'en avais pris, j'aurais été positif à la cocaïne », s'est défendu Manzano.
L'ex-coureur âgé de 35 ans a donc attribué son licenciement de l'équipe Kelme fin 2003 non pas à un « comportement indiscipliné » comme l'avait soutenu Belda au cours de sa déposition, mais à plusieurs différends avec Belda au sujet du système de dopage.
« Ils m'ont licencié de l'équipe pour une série d'accrochages que j'ai eus avec Belda au sujet de mon évanouissement sur le Tour 2003 et la réinjection d'une poche de sang à Valence », a clarifié Manzano
Un témoin de Manzano décédé
Le médecin espagnol Francisco Aguanell, chargé de présenter mercredi dans l'affaire de dopage Puerto un rapport médical de l'ex-cycliste de l'équipe Kelme Jesus Manzano, qui avait mis en 2004 la police sur la piste du docteur Fuentes, est décédé d'un arrêt cardiaque mardi, a annoncé mercredi l'avocat de Manzano, Carlos Sanchez Peribanez.
« Il est mort brutalement hier matin (mardi) d'un arrêt cardiaque », a confirmé à l'AFP l'avocat espagnol de l'ancien coureur.
Le médecin, qui avait ausculté Manzano, devait présenter mercredi un rapport médical détaillant les problèmes de santé de l'ancien coureur pouvant résulter des autotransfusions et des produits dopants que Manzano dit avoir reçus de Fuentes, principal accusé dans l'affaire de dopage sanguin Puerto.
« Le rapport sera toutefois lu lors de l'audience, et nous en avons par ailleurs un deuxième, d'un autre médecin », a précisé Carlos Sanchez.
Mercredi, Jesus Manzano, qui avait dénoncé en 2004 dans le journal AS les pratiques dopantes au sein de son ancienne équipe Kelme, dont Fuentes fut médecin en chef jusqu'en 2002, est attendu comme un des témoins-clés.
L'Espagnol, qui s'est porté partie civile dans l'affaire, devrait notamment remettre en cause la thèse de Fuentes, selon laquelle le médecin aurait toujours agi avec professionnalisme et avec pour souci principal la santé des coureurs.