BOGOTA, Colombie - Les phrases « Courage petit! » ou « Vas-y Rigo! » sont devenues des mantras en Colombie, dont le coeur balance entre football et cyclisme, mais qui soutient comme un seul homme Rigoberto Uran, son nouvel espoir pour le Tour de France.

Peu de champions déclenchent autant de sourires que ce cycliste avenant et drôle, dans un pays plus habitué à faire les titres de la presse internationale pour le trafic de drogue et le conflit armé qui le déchire depuis plus d'un demi-siècle.

Uran « fait partie des Colombiens qui ont de la trempe », estime José Gonzalez, portier de 44 ans qui, tous les matins, organise son travail de manière à pouvoir suivre l'étape du jour à la télévision.

Avant cette édition de l'épreuve reine du cyclisme, la Colombie ne jurait que par Nairo Quintana, minuscule géant du vélo qui était déterminé à revêtir le maillot jaune, mais qui n'a pas renouveler ses exploits passés.

« Nairo est de toute façon le meilleur. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'il n'a pas été au mieux de sa forme pour ce Tour. Il reste le meilleur cycliste colombien de tous les temps », a affirmé à l'AFP M. Gonzalez, à propos de Quintana, champion 2014 du Giro italien et deux fois second en France.

Mais comme ce portier, des milliers de Colombiens regardent maintenant les étapes sur leur lieu de travail, dans les salles d'attente de médecins ou de services administratifs en encourageant Rigoberto Uran, né il y a 30 ans à Urrao (Antioquia, nord-ouest).

« Pourvu qu'il gagne! »

La lutte contre Christopher Froome pour le maillot jaune, ou au moins s'assurer une marche sur le podium, est devenue d'intérêt national du fait des performances de « Rigo », aussi surnommé « Le taureau d'Urrao » ou « Rigonaitor », en référence au « Terminator » incarné par l'acteur Arnold Schwarzenegger.

« Rigo est doué. Ce gars est sympa! », ajoute Milciades Andrade, 49 ans, indigène de l'ethnie amazonienne Piratapuyo qui depuis une vingtaine d'années travaille dans une ferme du nord de Bogota.

Fervent amateur de soccer, il n'en admire pas moins le labeur solitaire d'Uran : « Il est tout seul. On ne voit jamais personne de son équipe. Pourvu qu'il gagne! »

Les réparties du champion aux journalistes qui suivent le Tour sont tendances sur les réseaux sociaux et dans les conversations.

Ainsi à un reporter qui l'interrogeait à l'issue de la 4e étape, sur les causes de la chute qui a causé l’expulsion du Slovaque Peter Sagan, il a répondu avec son accent « paisa », typique des habitants de la région de Medellin : « Comment je saurais ça moi, imbécile! », réplique qui a généré des dizaines de memes et de blagues visant des politiciens corrompus.

Et à propos de ce qu'il ressentait après sa victoire de l'étape mythique de Chambéry, dans un sprint serré contre le Français Warren Barguil, il a lancé un « Putain de joie! » avec un gigantesque sourire rappelant celui de Mick Jagger, le chanteur des Rolling Stones.

Éclipsé par Nairo

Le soutien des Colombiens à ce champion n'est pas dû qu'à son charisme : Uran détient un palmarès enviable en ayant été deux fois second du Giro et médaille d'argent sur route aux Jeux olympiques de Londres 2012.

« Il se peut que Rigoberto ait été un peu éclipsé par la prépondérance de Nairo », selon l'expert en cyclisme, Pablo Arbelaez, bien que son caractère soit radicalement l'opposé du tempérament réservé de Quintana.

Sur ces terres, il est aussi admiré pour sa résilience. Son père, également prénommé Rigoberto et qui lui a transmis son amour pour la petite reine, a été assassiné en 2001 par des paramilitaires d'extrême-droite.

Âgé d'à peine 14 ans, « Rigo » a alors dû prendre en charge sa mère, affectée par une profonde dépression suite à la mort de son mari, ainsi que sa soeur. Il a d'abord vendu des billets de loterie dans les rues pour faire bouillir la marmite jusqu'à ce que son talent pour le cyclisme lui permette d'en vivre.

Pour sa ténacité et sa persévérance, des biologistes colombiens ont même baptisé une nouvelle espèce de grenouille en son honneur, la Pristimantis Urani, en 2016.