BERLIN - Loin de la cagnotte et de la pharmacie ambulante des Festina, Bjarne Riis, Erik Zabel et les anciens de Telekom ont assuré, avec plus ou moins de crédibilité, se débrouiller chacun dans leur coin pour se procurer l'EPO qui leur a permis d'écraser le Tour de France en 1996 et 1997.

Riis, vainqueur du Tour de France 1996, faisait son marché tout seul; Zabel et Aldag, eux, sont passés par Jef d'Hont, le soigneur qui a lancé l'affaire Telekom en publiant ses Mémoires le mois dernier, avant qu'Aldag ne se fournisse sur internet.

A les entendre depuis lundi qu'ils passent aux aveux les uns après les autres, Telekom n'était pas Festina, la formation de Richard Virenque où les primes d'engagement dans les critériums étaient mises sur un compte commun pour acheter en gros des produits "sûrs".

"Je donnais l'argent à Jef et il m'amenait ce que dont j'avais besoin", a avoué Aldag, ex-équipier modèle de Riis et de Jan Ullrich.

Zabel qui a assuré avoir fait "seulemement" une cure de vingt jours d'érythropoïétine avant et pendant le Tour 1996, s'est rappelé du prix: 256 DM (128 euros). Ou encore d'avoir été réveillé à 5 h du matin par Aldag, son compagnon de chambre, qui devait contrôler son hématocrite.

Quant à Riis, honnête rouleur transformé grâce à l'EPO en grimpeur écoeurant la concurrence dans les étapes de Sestrières et d'Hautacam en 1996, il a très sérieusement affirmé vendredi "travailler seul".


Dégradant

Tous ont assuré ignorer ce que faisaient leurs propres coéquipiers: "C'est très dégradant de se doper, c'est quelque chose d'intime, tu ne sais pas ce que les autres de l'équipe font, comme au travail vous ne savez pas qui couche avec qui", s'est défendu Aldag.

"Il ne faut pas croire qu'on est là dans la même piece à s'injecter l'EPO et à se demander les uns les autres: +tu en prends combien aujourd'hui ?+", avait expliqué jeudi le manageur général de T-Mobile qui a été confirmé dans ses fonctions.

Chez Telekom, une fois à l'hôtel après les étapes et courses ou durant les stages d'entraînement, on ne se parlait guére manifestement: "Je ne sais pas ce qu'a fait Jan Ullrich. Il faut lui demander", a ainsi répondu vendredi Riis à un journaliste allemand qui peine, comme beaucoup, à croire que six (Riis, Aldag, Bolts, Henn, Holm et Zabel) des neuf coureurs Telekom du Tour 1996 se soient dopés, et pas Ullrich, 2e du Tour 1996 et vainqueur du Tour 1997, mûré dans son silence.


Telekom Express

Ou encore que Walter Godefroot, la patron du "Telekom Express", n'était au courant de rien, même si les propos, passés presqu'inaperçus cette semaine, d'un autre ancien de Telekom permettent d'en douter.

"La direction de l'équipe m'a approché avec des produits: comme j'ai refusé, ils ont plombé ma carrière", a accusé Uwe Raab, chez Telekom de 1993 à 1995.

Les repentis ont en revanche tous évoqué le rôle des "médecins de Fribourg", Lothar Heinrich et Andreas Schmid, suspendus par T-Mobile début mai et licenciés jeudi par leur clinique.

Mais là encore, les versions divergent: pour Bert Dietz, le premier repenti, ils ont été les iniateurs, pour d'Hont les fournisseurs, tandis que Riis a assuré qu'ils faisaient "tout pour préserver notre santé".

Dix ans après les faits, en l'absence de saisie d'un stock d'EPO, comme dans l'affaire Festina, ou de contrôles positifs, les Telekom font preuve d'une étrange solidarité dans leurs aveux et, peut-être, petits arrangements avec la vérité.