BERLIN - Ses anciens coéquipiers passent les uns après les autres aux aveux, un soigneur affirme lui avoir fait une injection d'EPO et même l'entraîneur de ses débuts commence à douter: pourtant Jan Ullrich, vainqueur du Tour de France 1997, reste emmuré dans son silence et sa vérité.

Il est apparu samedi matin tout sourire et, de son propre aveu, "se sentant super bien": Ullrich s'est arrêté quelques secondes au volant d'un imposant 4x4 pour parler à une équipe de télévision qui l'attendait devant chez lui à Scherzingen, en Suisse.

Il a surtout indiqué qu'il n'avait rien à dire sur ces sept anciens Telekom, dont les vedettes Erik Zabel et Bjarne Riis, passés aux aveux.

Son agent Wolfgang Strohband, a confirmé dimanche à l'édition électronique de l'hebdomadaire Der Spiegel: "Nous n'avons rien à dire sur le sujet, vous ne recevrez aucun communiqué, aucune conférence de presse n'est prévue".

Les événements de la semaine passée, les confessions détaillées de Riis, Zabel ou Rolf Aldag sur leur consommation d'EPO et autres hormones de croissance dans les années 1990, ne changent rien pour Ullrich, 33 ans.
Depuis le début de sa carrière, le champion olympique de Sydney, cinq fois deuxième du Tour de France, a toujours nié avoir eu recours au dopage.


Crise existentielle

Et l'ancien soigneur Jef d'Hont qui a affirmé samedi lui "avoir injecté de l'EPO dans le bras une fois en France", ne devrait rien y changer.

Son seul contrôle positif (amphétamines) en juin 2002, il l'avait mis sur le compte de deux cachets d'ecstasy pris un soir de sortie en boîte alors qu'il vivait "une crise existentielle" à cause d'une blessure à une genou.
Même lorsque la justice allemande a annoncé début avril avoir la preuve formelle qu'Ullrich avait stocké du sang dans le cabinet d'Eufemiano Fuentes, en Espagne, ses avocats ont souligné qu'il ne s'agissait pas d'une preuve de dopage: "il y a autant de chance que ce soit à des fins de dopage que pour en faire du boudin", avaient-ils sérieusement affirmé.

Depuis qu'il a mis un terme à sa carrière fin février, Ullrich sort rarement de son silence: quand il le fait, c'est sur son site internet comme le 3 avril où il assurait "n'avoir rien à se reprocher".

Contrairement à Riis, manageur de l'équipe CSC, Aldag, en charge de T-Mobile qui l'a appelé dimanche "à dire la vérité", ou même de Zabel, sous contrat avec Milram, l'ex-prodige de Rostock n'a rien à perdre: sa cote de popularité est au plus bas, ses sponsors comme son futur employeur, l'équipe autrichienne Volksbank dont il devait devenir conseiller, l'ont, presque, tous abandonné.


Deux millions d'euros

Mais l'ancien leader de Telekom est à l'abri financièrement, puisque son salaire annuel émargeait à deux millions d'euros.

Tout à son bonheur d'être père pour la deuxième fois en septembre, Ullrich, élevé dans l'ex-RDA par sa mère, ne devrait pas non plus être ému par l'appel de Peter Becker, son entraîneur de 1987 à 2002.

"J'attends de Jan qu'il s'exprime", a espéré ce père de substitution qui commence aussi à se poser des questions: "J'ai été surpris par l'explosion de ses performances, on en a parlé à l'époque mais il m'a assuré qu'il prenait soin de sa santé".

Le danger pourrait venir de la justice: pas de la plainte pour escroquerie déposée en juillet 2006, car elle pourrait être abandonnée après la mise en cause de la direction de Telekom, mais de Werner Franke, un expert de la lutte antidopage très procédurier.

"Il a intérêt à parler de son propre chef, plutôt que de devoir le faire devant un tribunal", a prévenu Franke.