Vous le savez, le calendrier de la saison 2020 est compromis et ce, pour tous les sports. Les plus grandes compétitions de cyclisme sur route ont été annulées, chose qui s’est produite seulement qu’en temps de guerre. Alors que les athlètes carburent aux objectifs, l’incertitude qui règne est déconcertante pour ceux-ci. En cette année Olympique qui risque de ne pas en être une, je me suis penchée sur la question de l’entraînement avec ma collaboratrice Joanie Caron. Que faire pour adapter son cycle d’entraînement lorsqu’on ne connait pas la suite?

Joanie Caron, consultante en entraînement et membre de l’équipe nationale aux Jeux de Rio en 2016, détient une maîtrise en Kinésiologie à l’Université de Laval. Elle s’est penchée depuis Joanie Caronplusieurs années sur les facteurs limitants qui peuvent nuire à la performance. Elle a également approfondi ses recherches sur les stratégies d’entraînement les plus efficaces selon une situation donnée. Celle qui a à sa charge plusieurs athlètes ainsi qu’un centre d’entraînement, ne fait pas exception en ce qui concerne les actions et les ajustements à apporter en cette période critique.

Qu’est-ce qu’un cycle d’entraînement?

Il est important de démystifier ce qu’est un cycle d’entraînement pour mieux comprendre la réalité et éventuellement pouvoir prendre les bonnes décisions. Joanie Caron le vulgarise pour nous : « Un cycle réfère à la période où l’athlète et l’entraîneur vont mettre l’accent sur le développement d’une ou plusieurs qualités spécifiques et athlétiques comme la force, l’endurance ou la vitesse. Cette période peut durer de trois à six semaines. » Au préalable, Joanie aura planifié avec chacun de ses athlètes les événements spécifiques sur le calendrier de compétition par ordre de priorité à court, moyen ou long terme. « Nous ciblons des événements A, B et C sur le programme. Par exemple, si les Jeux Olympiques sont à la fin du mois de juillet et que mon athlète a un événement A en mars, il faudra mettre en place un système adéquat avec une période de repos pour pouvoir rebâtir entre ces deux événements, car il ou elle ne pourra pas être en mode compétition toute l’année. »

Évidemment, je suis persuadée que tout comme moi, vous vous demandez comment mettre en place un cycle si l’athlète ne sait absolument pas ce qui s’en vient. En ce moment, les Jeux Olympiques, l’événement le plus grandiose sur la planète, est menacé d’être annulé. Pour mieux illustrer ce que vivent les cyclistes de partout à travers le monde, voici ci-bas quelques commentaires qui démontrent qu’ils sont durement touchés et ce, sans exception. Cela indique également qu’ils devront tous ajuster leur cycle d’entraînement et s’adapter à cette réalité.

Décortiquer ce qui est tangible

Joanie explique que la première chose à faire, c’est de gérer la crise. « Il faut prendre en compte les éléments émotifs et psychologiques dès les premiers jours. Ce sera important de voir si on change les objectifs et/ou la direction qui sera prise. Par la suite, il faudra mettre des moyens en place pour tracer la nouvelle avenue adoptée. Évidemment, maintenir les acquis semblerait être la voie à prendre. Par contre, pour le moment, juste de garder la motivation est une tâche qui ne semble pas aussi facile qu’on pourrait imaginer. »

C’est pourquoi évoluer dans une optique axée davantage sur le court terme pourrait être une façon de faire selon Joanie. « Dans un cycle, on y retrouve le mésocycle qui est d’une durée d’un mois et le microcycle qui est d’une durée d’une semaine. Ce serait donc dans ces périodes qu’il pourrait y avoir un travail plus concret qui pourrait être fait.  Le mésocycle comprend différentes périodes, en l’occurrence, la préparation générale et spécifique, ainsi que la période pré-compétition et compétition. La plupart des cyclistes qui sont touchés sont présentement dans leur période pré-compétition ou compétition, ce qui fait que plusieurs entraîneurs vont ajuster les microcycles, car de semaine en semaine la situation évoluera. Ce pourrait donc être une des façons de faire en attendant d’avoir plus d’informations sur les décisions qui seront prises par les autorités gouvernementales de chacun des pays pour la suite des choses. »

En tirer avantage

Pour Joanie Caron, cette situation pourrait être comparée à la gestion d’une blessure, car c’est un obstacle majeur et un facteur limitant qui nuit à la performance. Cependant, elle croit qu’il est possible d’en tirer des bénéfices. « Si l’athlète ne trouve pas d’objectif précis à l’heure actuelle, ce pourrait être un bon moment pour travailler sur une de ses faiblesses. En comparaison, si une personne se fracture la jambe, elle pourrait en profiter pour travailler sa visualisation, puisque ce sera impossible de pédaler sur sa monture. »

Évidemment cette situation ne plaît pas à personne, mais Joanie indique que c’est le moment d’en profiter pour travailler des qualités complémentaires telles que la mobilité la flexibilité ou sur les habitudes de vie en général. « Une saison de compétition c’est très condensé et parfois le temps manque pour travailler ces aspects. En maintenant ses acquis et en insistant sur ces éléments, l’athlète pourrait en tirer profit et être encore plus complet et performant dans le futur. »

Je suis d’avis que c’est une excellente façon d’aborder cette situation et j’admire le côté optimiste de ma collaboratrice. Je prends d’ailleurs un instant pour mentionner que je suis de tout cœur avec les athlètes et les entraîneurs des différents sports. Tel qu’indiqué dans les publications des athlètes ci-haut, il est vrai que présentement le combat est plus gros qu’une course de vélo ou tout autre compétition sportive. C’est un combat mondial et tout le monde sans exception, en subi les conséquences. Soyons créatif et travaillons sur nos faiblesses comme l’a si bien expliqué Joanie Caron!