J’ai participé cette semaine à une intéressante discussion avec un groupe de coureurs. Parmi tous les sujets abordés, celui du port du masque fut probablement un des plus polarisants.

Car si chez moi, dans mon petit quartier de la Rive-Sud de Montréal, je ne sens pas le besoin d’en porter pour courir, de nombreux coureurs vivant à Montréal m’ont dit qu’ils devaient le faire. Il s’agit à la fois d’une mesure pour se protéger et, surtout, pour rassurer tous ceux qu’ils croisent sur leur parcours et qui les regardent avec une petite crainte dans les yeux. Cette fausse idée que les coureurs sont un danger public et pourraient être un vecteur de propagation du coronavirus en affole plusieurs.

De façon réaliste, il est vrai  qu’il est plus difficile à Montréal, ou dans les zones densément peuplées, de se croiser en respectant deux ou trois mètres de distanciation. Déjà, l’arrivée du beau temps en a poussé plusieurs à sortir prendre l’air dans les parcs et à déambuler sur les artères de la métropole. C’est à travers ce type d’achalandage que doivent naviguer les coureurs.

Certains intervenants m’ont dit qu’ils ne voyaient pas d’inconvénients à porter un masque en faisant leur petit jogging quotidien et que cela pourrait devenir la norme très prochainement comme ce fut le cas dans certaines grandes villes de pays tels que l’Italie, la France ou l’Espagne.

J’ai donc décidé d’essayer ledit masque et de me prêter au jeu. En gros, c’est comment courir avec un masque?

Je dois dire tout de suite que même par temps glacial en plein hiver, avec des vents forts et de la neige abondante, je ne couvre jamais mon visage. Au plus, un foulard sur le menton. Mais rien pour obstruer mes deux entrées d’air: ma bouche et mon nez! Sinon, j’ai l’impression d’étouffer et de manquer d’oxygène.

J’avais donc bien hâte de voir comment j’allais trouver l’expérience.

Je suis parti un matin, vers 9 h, pour une petite course d’une dizaine de kilomètres. Je portais un masque à usage unique comme ceux qu’utilise le personnel en milieu hospitalier. Un vestige rescapé d’une grippe de 2018.

Frédéric PlantePremière constatation, une période d’ajustement est nécessaire. Il y a un réel inconfort. J’avais tendance, lors des deux ou trois premiers kilomètres, à toujours vouloir replacer ou déplacer mon masque. Comme si tout mon corps me criait qu’un obstacle nuisait à l’arrivée de l’air. Et toucher le masque avec ses mains, ça « on ne doit pas le faire » comme le dit si souvent le directeur national de la santé publique du Québec, le docteur Horacio Arruda.

Remarquez, il est vrai que votre corps doit travailler plus fort pour absorber la même quantité d’air et ce n’est pas mauvais pour votre entraînement. De nombreux athlètes élites portent des masques à l’entraînement pour se priver volontairement d’oxygène. On simule ainsi une préparation en altitude.

J’ai également réalisé que mon rythme était un peu plus lent pour ce que j’évaluais être le même effort que d’habitude. Je cours depuis 25 ans et je me connais. J’avais l’impression de fournir une dépense énergétique pour garder un rythme de 5:00/km alors qu’en fait j’étais plutôt à 5:15/km. Pas une grosse différence me direz-vous, mais sur un 10 km, ça fait quand même deux minutes et demie de plus.

Étonnement, alors que je croyais que mon masque allait rassurer tous les passants que je croiserais, j’ai davantage eu l’impression de créer l’effet inverse. Les gens qui me voyaient arriver de loin avaient tendance à s’écarter de mon chemin beaucoup plus qu’à l’habitude. Comme si de porter ce masque signifiait que j’étais affecté. J’aurais pu fendre une foule sans problème, tel un Moïse séparant la mer Rouge.

Je porte toujours des lunettes avec verres fumés lorsque je cours. L’hiver pour protéger mes yeux du froid, l’été pour dévier les rayons du soleil et repousser les petites poussières en suspension dans l’air. Le port du masque a fait en sorte que mes verres ont presque toujours été embués en raison de l’air que j’expirais et qui était en partie dévié vers le haut. Pas idéal.

Les ravitaillements sont également impossibles à moins de retirer son masque. Que ce soit pour prendre une gorgée d’eau ou consommer un gel énergétique, on doit obligatoirement enfreindre la règle voulant qu’on ne touche pas à notre masque. Encore là, le docteur Arruda serait mécontent!

L’état de mon masque s’est rapidement dégradé. Je sais bien qu’il n’était pas conçu pour la course, mais celui que je portais pour mon test s’est gorgé de sueur après quelques kilomètres. Heureusement, c’était une matinée fraîche. Il était complètement détrempé à la toute fin de ma sortie et a rapidement pris le chemin de la poubelle. J’avais la désagréable sensation de respirer à travers plusieurs épaisseurs de papier essuie-tout mouillé.  Au besoin, il existe des masques en tissu lavable pour le sport de bien meilleure qualité.

En terminant, j’aimerais rappeler à mes amis coureurs qui utilisent un masque que le simple fait de le porter ne doit pas vous empêcher de respecter la distanciation sociale. Conserver toujours un minimum de deux mètres entre vous et les autres lorsque vous courez. Et si vous êtes capable d’observer un plus grand écart, tant mieux.

Pour ma part, je vais continuer de chercher les petites routes tranquilles pour courir sans masque. J’espère ne jamais devoir me rendre à cet ultime recours.

Bonne course.

Découvrez l'histoire de Fredéric Plante et son amour pour la course à pied dans cette balado :

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