Guillaume Ouellet vise le podium à Tokyo
Course à pied dimanche, 22 déc. 2019. 10:39 jeudi, 12 déc. 2024. 01:41Il est très certainement un des coureurs de fond les plus rapides du Canada. Pourtant, peu d’entre nous, même parmi les amateurs de course à pied, le connaissent à sa juste valeur.
Guillaume Ouellet est atteint de rétinite pigmentaire, une maladie génétique et héréditaire qui se caractérise par un rétrécissement graduel, mais assuré, du champ visuel. C’est en janvier 2005 que les médecins lui ont confirmé sa maladie. C’est également à partir de ce moment qu’il a décidé de s’investir à fond dans la course à pied.
Aujourd’hui, à l’âge de 33 ans, il représente un des meilleurs espoirs de médailles canadiennes lors des Jeux paralympiques de Tokyo en 2020. Il faut dire que ses résultats sont probants en T13, une classe regroupant les athlètes ayant une limitation visuelle comme lui. L’homme peut courir vite, très vite même. Spécialiste du 1500 mètres et 5000 mètres, il a déjà arrêté le chrono du 1500 mètres à 3:57.98 lors de sa neuvième place aux Jeux paralympiques de Rio en 2016. L’année suivante, aux Mondiaux de para-athlétisme de Londres, il décrochait la médaille de bronze au 5000 mètres avec un temps de 14:23.24.
« J’aimerais pouvoir dire que je suis un spécialiste des deux distances, mais il me manque un petit peu de vélocité sur 1500 mètres pour me battre avec les meilleurs de la planète. Je suis plus un spécialiste du 5000 m puisque c’est une course de fond qui propose plus d’options de courses tout en laissant une plus grande place à la stratégie. C’est ma distance préférée », explique-t-il.
Guillaume réside à Victoriaville depuis une douzaine d’années. C’est là qu’il s’entraîne la plupart du temps. Sa vision lui permet encore de courir seul dans les endroits qu’il connait bien « Mais je dois aller à l’Université Laval, à Québec, une à deux fois par semaine pour les entraînements par intervalles sous la supervision de mon entraîneur, Félix-Antoine Lapointe. Je fais du covoiturage pour m’y rendre. Ce n’est pas toujours évident comme horaire. C’est un sacrifice que je fais depuis plusieurs années car c’est payant pour mes performances et résultats.»
2019 était une année importante pour Guillaume puisqu’elle allait lui permettre de se préparer pour les Championnats du monde de para-athlétisme de Dubaï aux Émirats arabes unis, tout en jetant les bases pour les Jeux paralympiques de 2020. Malheureusement pour lui, des blessures sont venues miner une partie de ses résultats, si bien que c’est une satisfaction en demi-teinte qu’il tire de sa dernière année. Surtout lorsqu’il analyse sa quatrième position aux Mondiaux sur 5000 mètres (14:45.63).
« Il est certain que les blessures ont eu une incidence sur ma préparation cette année. J’ai été incapable d’atteindre ma vitesse maximale au bon moment, particulièrement en fin de saison. Généralement toutefois, j’avais l’objectif d’être compétitif lors des Championnats du monde en novembre. C’est ce que j’ai fait avec une quatrième position au 5000 mètres. Donc, avec le recul et en considérant que je n’étais pas à 100%, je trace un bilan positif, mais j’étais déçu de terminer au pied du podium. »
C’est un Russe qui a devancé Guillaume lors des 100 derniers mètres à Dubaï pour s’emparer de la médaille de bronze. Lorsqu’on sait ce qui se passe présentement dans ce pays avec le système de dopage étatique et les lourds soupçons qui pèsent encore sur leurs athlètes, on peut raisonnablement se demander si Guillaume ne s’est pas fait voler la gloire du podium.
Le vétéran coureur demeure toutefois optimiste et refuse de s’apitoyer sur son sort. « Je continue de regarder en avant. C’est vrai que j’ai déjà connu de meilleures saisons qu’en 2019. Mais tout au long de l’année, je gardais en tête les prochains Jeux paralympiques à Tokyo. C’est à ce moment que je souhaite être à 100% de ma forme. Je suis convaincu que ça ira mieux l’année prochaine. »
Dans la capitale nipponne, il vise un podium. Guillaume a déjà gagné des médailles aux Mondiaux, mais il avoue que le niveau de compétition est plus élevé aux Jeux paralympiques. Il veut mettre tous les efforts pour que ça fonctionne. « Mon expérience aux Jeux à Rio en 2016 m’a beaucoup appris et je sais à quoi m’attendre. Mon entraîneur et moi avons déjà tracé les grandes lignes de mon entraînement pour 2020. J’aurai probablement deux camps en altitude plutôt qu’un seul pour m’entraîner ce qui devrait faire une bonne différence. »
Il estime que beaucoup de travail a été fait au cours des dernières années pour mieux faire connaitre les para-athlètes et leurs exceptionnelles performances sportives. L’intérêt des amateurs est en constante évolution en raison des résultats et des histoires personnelles des participants. Il explique toutefois que beaucoup de travail reste encore à faire pour convaincre le public que les athlètes souffrant d’un handicap sont capables d’offrir un spectacle avec des résultats qui valent la peine d’être considérés.
« Le para-athlétisme devient de plus en plus compétitif. C’est difficile de gagner des médailles puisque plusieurs pays investissent dans leurs programmes paralympiques. Attirer l’attention sur mon sport demeure un travail de longue haleine et au cours de ma carrière je veux faire mon effort pour changer les mentalités. Les gens doivent nous voir comme de vrais athlètes. Après tout, notre entraînement est sensiblement le même que les athlètes olympiques. »
L’année 2020 de Guillaume Ouellet s’annonce intéressante. Il est motivé et en santé. Son plan d’entraînement est déjà bien défini et le désir de gagner est là. Malgré la maladie qui gagne du terrain et lui fait perdre la vue un peu plus chaque jour, il affirme très bien vivre avec la situation et être un homme comblé.
« J’ai développé d’autres sens, comme l’ouïe, qui me permet de bien entendre les voitures lorsque je cours. Je suis donc encore autonome et je vis très bien avec le fait que ce ne sera pas toujours le cas. Mon handicap m’a permis de vivre tellement de belles expériences sportives. Cela a complètement changé ma vie. Je n’étais pas un coureur avant de savoir que j’étais atteint de cette maladie. J’ai appris à m’entraîner avec assiduité et à me fixer des objectifs, à me questionner sur ce que je devais faire pour devenir meilleur. Le sport a été une formidable école de vie », conclut-il.