Karol-Ann Canuel est une cycliste professionnelle qui œuvre dans la formation Boels-Dolmans cycling team, la meilleure équipe sur le circuit World Tour féminin. Triple championne du monde du contre-la-montre par équipe, Olympienne aux Jeux de Rio en 2016, elle a établi récemment un résultat historique à la course sur route des championnats du monde en septembre dernier avec une sixième place, le meilleur résultat canadien en vingt ans sur cette épreuve. Pour avoir déjà été sa coéquipière, je peux vous dire qu’elle est la preuve que le travail rigoureux porte fruit. Elle est très concentrée sur son métier de cycliste professionnelle, ce qui implique de composer avec une vie de nomade.

Karol-Ann vient tout juste de passer le temps des fêtes avec ses proches et aussitôt terminé, voilà qu’elle était déjà dans l’avion le 7 janvier dernier, direction Californie pour un campKarol-Ann Canuel #2 d’entraînement. Lors de mon entretien avec elle, je lui ai demandé combien de mois par année elle s’absentait de la maison et sa réponse était : « Trop !! »  Ce qu’il faut savoir, c’est que le calendrier des compétitions d’une cycliste professionnelle commence en février et se termine habituellement à la fin du mois de septembre, c’est donc huit mois à contempler les routes de tous les pays du monde pour vivre sa passion. C’est sa passion certes, mais est-ce que la vie de nomade est la partie qu’elle préfère le plus? « Ça a l’air le fun sur papier, mais ce n’est pas toujours facile, ça peut être long par moment. Je m’ennuie de ma famille c’est certain, mais j’ai la chance que mon copain vienne me visiter. »

Être sur la route pour les compétitions c’est une chose, mais qu’en est-il de l’entrainement pendant le rude hiver québécois? Pendant que les rivales de Karol-Ann enfourchent leur vélo dans leurs pays respectifs, Karol-Ann ne peut concevoir pédaler sur une base stationnaire pendant quatre mois et penser être compétitive à l’échelle mondiale. « Je quitte la maison par nécessité, je n’ai pas le choix. C’est ma réalité contrairement à certaines de mes coéquipières qui ont le luxe de rester à la maison pour la phase d’entrainement pré-compétition. »

Ses allers et venues vont comme suit. Fin septembre : Retour à la maison pour prendre quelques semaines de repos. Décembre : C’est le temps d’un premier camp d’entrainement avec son équipe professionnelle. Un court retour à la maison est prévu pour le temps des fêtes. Début janvier : Départ pour un deuxième camp d’entrainement où elle planifiera revenir seulement une semaine chez elle avant de repartir en Europe pour le début des compétitions en février. Février : Elle restera en Europe jusqu’à la fin du mois de mai pour compétitionner à différents endroits semaines après semaines où elle trimballera sa valise dans une quarantaine d’hôtels différents. Fin du mois de mai : Retour à la maison pour la participation obligatoire aux championnats nationaux. Fin juin : Aussitôt les championnats terminés, elle retournera sur la route avec sa formation jusqu’à la fin du mois de septembre. L’année suivante, elle répétera ce cycle!

À ce moment-ci de votre lecture, vous vous demandez peut-être pourquoi quitter sa maison aussi souvent, aussi longtemps? Pourquoi ne pas faire des cours de Spinning quelques fois par semaine? La raison est fort simple, les athlètes de ce niveau ne font pas seulement une heure de vélo par jour à raison de quelques fois par semaine, bien au contraire. « Je m’entraine entre 15 et 25 heures par semaine en volume et en intensité selon les exigences de mon calendrier. » Dans une semaine de 25 heures d’entrainement, ce n’est pas rare qu’elle doit passer 6 heures consécutives sur son vélo. Personnellement, faire 2 heures sur ma base stationnaire, je considère que c’est un exploit annuel, alors imaginez faire 6 heures et ce, jour après jour. Dans mon livre à moi, c’est tout à fait impensable.

Avec l’expérience qu’elle a acquise au fil des ans, Karol-Ann sait ce que ça prend pour être prête mentalement et physiquement afin d’affronter la longue saison qui l’attend. « Je vais toujours à des places ou je me sens bien et j’évite les endroits où je me sens stressée. J’habite à Gérone en Espagne avec Guillaume Boivin, un cycliste québécois bien réputé et je me suis fait des amis là-bas, c’est comme ma deuxième maison. » Elle avoue que par le passé, elle a habité des semaines complètes dans des hôtels pour l’entrainement et ce n’était pas pour elle, maintenant elle a ses repères et elle a su créer son environnement de performance.

Karol-Ann Canuel #3Cette recette gagnante qu’elle a mise en place depuis 2014 fonctionne très bien et elle en profite le plus possible : « J’aime encore ça même si ça devient de plus en plus difficile de quitter la maison, mais je ne sais pas encore combien d’années j’aurai la chance de vivre ma passion, alors je profite du moment présent. » Personne ne sait combien de temps elle va parcourir la planète sur ses deux roues, mais une chose est certaine, elle est au sommet de son art et année après année elle continue de prouver qu’elle fait partie des meilleures cyclistes au monde, elle s’améliore encore et le statu quo n’existe pas pour elle.

Présentement elle est en train de construire sa forme pour Strade Bianche, sa première compétition importante qui aura lieu en Italie. Une classique printanière de 136 kilomètres, avec des sections en pavé, des routes de terre, des montées pentues un peu partout sur le parcours incluant la montée finale. Rajoutez à ceci une météo froide et très souvent pluvieuse et vous avez une compétition ou peu de cyclistes sont capable de franchir la ligne d’arrivée. Cette compétition est une parmi tant d’autres et Karol-Ann doit arriver au meilleur de ses capacités pour performer dans des épreuves difficiles tant mentalement que physiquement.

2019 sera également une année cruciale pour elle, puisqu’elle tentera de se qualifier pour ses deuxième Jeux Olympiques qui auront lieu à Tokyo en 2020. Le processus de sélection sera déjà bien entamé après cette saison. Karol-Ann est confiante pour la suite des choses et elle saura mettre à profit une fois de plus cette recette gagnante où elle doit s’éloigner pour mieux performer.

Vous pouvez suivre sa saison et sa route vers Tokyo 2020 ici.