Les déchets de la course
Course à pied dimanche, 5 mai 2019. 08:34 jeudi, 12 déc. 2024. 08:01Lorsqu’on évoque la course à pied, de belles images d’hommes et de femmes faisant leur petit jogging quotidien dans les rues de leurs quartiers nous viennent en tête. On peut également les imaginer sur une belle route de campagne l’été en train de courir en admirant de magnifiques paysages bucoliques. Seule une légère empreinte de leur pas sur le sol témoigne de leur passage.
La réalité, malheureusement, est souvent tout autre.
Lorsque ces mêmes coureurs décident de se rassembler pour participer à une course organisée, il y a bien plus que leurs traces au sol qui rappellent leur passage. Au point de vue environnemental, ça peut être une catastrophe.
Je garde de précieux souvenirs des demi-marathons ou marathons auxquels j’ai participé. Mais certains de ses souvenirs sont toutefois truffés d’images troublantes. Comme au Marathon de Paris ou des dizaines de milliers de bouteilles d’eau en plastique jonchaient le sol après le passage des coureurs aux premières tables de ravitaillement. L’immense majorité des participants avaient à peine bu une ou deux gorgées avant de s’en débarrasser. L’eau qui s’écoulait des bouteilles formait une petite mare. Un gênant gaspillage d’eau potable et une pollution environnementale évidente. Même si des bénévoles s’efforçaient de ramasser les bouteilles, plusieurs d’entre elles étaient oubliées là et allaient finir à la poubelle plutôt qu’à la récupération.
Les plus importants marathons de la planète attirent maintenant un grand nombre de coureurs. Ils étaient 52 000 au départ à New York l’année dernière, 55 000 à Paris il y a deux semaines et 43 000 à Londres la semaine dernière. Imaginez les déchets qu’ils laissent derrière eux.
Justement, le Marathon de Londres a tenté une initiative intéressante qui mérite d’être soulignée puisque ce sont souvent ces événements majeurs qui vont convaincre les responsables de courses plus modestes de changer leur façon de faire.
En 2018, 800 000 bouteilles en plastique, contenant de l’eau ou des boissons avec électrolytes, avaient été distribuées aux coureurs durant le marathon anglais. Pour l’édition de 2019, les organisateurs avaient promis de commencer à corriger les choses pour en venir à présenter un événement zéro déchet en 2020.
C’est ainsi qu’ils ont fait appel à la jeune compagnie Ooho qui a créé des capsules comestibles, biodégradables et sans saveur dont les membranes sont composées de plantes et d’algues. Ces capsules contenaient 40 millilitres d’une boisson avec électrolytes et pouvaient être facilement consommées par les coureurs. Il s’agissait de mettre la capsule dans la bouche et de croquer pour que le liquide se libère. Et l’emballage? On l’avalait également!
En tout, 30 000 de ces capsules furent distribuées au 37e kilomètre. Les participants ont adoré, comparant l’expérience celle de croquer dans une mini tomate juteuse et extrêmement désaltérante.
Il ne s’agissait pas de la seule initiative du marathon britannique qui s’est assuré que les bouteilles de plastique utilisées seraient retournées directement à une usine de recyclage pour en faire rapidement de nouvelles bouteilles.
On a également testé 700 ceintures de courses fabriquées à 90 % de matériaux recyclés pour inciter des participants à transporter leurs propres gourdes d’eau. Plusieurs stations de ravitaillement offraient des verres compostables plutôt que des bouteilles en plastique à usage unique. On a même imprimé les dossards uniquement lorsque les inscrits venaient les réclamer, évitant ainsi de gaspiller du papier pour des coureurs qui renonçaient à prendre le départ.
Il faut saluer ces initiatives venant d’une des plus importantes organisations de course à pied de la planète. Cela indique que, lentement, les choses commencent à changer.
L’exemple d’Équiterre
Qu’en est-il chez nous? Il n’existe pas encore de plan concret proposé par la Fédération québécoise d’athlétisme (FQA) pour les courses organisées.
Le directeur général de l’organisme, Marc Desjardins, explique que la FAQ encourage les organisateurs à être plus écoresponsables, mais que les mesures concrètes sont relativement limitées. « Pour l’instant, nous dirigeons les organisateurs vers Équiterre qui a produit un guide intéressant. Un mode d’emploi pour des courses écoresponsables. »
Équiterre présente déjà La course Changer le monde sur le mont Royal, à Montréal. La quatrième édition de cette course zéro déchet s’est tenue le 4 mai dernier. Plus d’un millier de coureurs et marcheurs ont démontré qu’il était possible de participer à un événement d’envergure tout en respectant l’environnement.
Par exemple, aucun gobelet ou bouteille n’a été distribué. Aucune trousse aux participants, aucune médaille ou trophée ni matériel promotionnel inutile. Toutes les matières résiduelles générées par l'événement furent triées afin d'être soit réutilisées, recyclées ou compostées, avant d'être jetées.
Un autre exemple que je me permets bien humblement de citer puisque j’en suis le porte-parole depuis plusieurs années : La Course des Chênes-toi–Bourret à Drummondville. Pour la douzième édition, présentée le 19 mai prochain, les organisateurs prévoient être en mesure de diminuer de plus de 80 % les bouteilles d'eau individuelles qui seront remises lors de l'arrivée. Les gens pourront s'hydrater en utilisant les nombreuses stations d'eau qui seront aménagées à l’arrivée et où des verres recyclables seront utilisés.
Il est impossible de se fermer les yeux et de prétendre que la pollution n’existe pas. Une prise de conscience mondiale s’opère présentement et nous devons tous collaborer pour protéger cet immense vaisseau spatial sur lequel nous vivons, la terre. Sur le plan individuel, l’écojogging (plogging) est également un mouvement qui gagne en popularité. Les coureurs ramassent les déchets qu’ils croisent pendant leur entraînement quotidien.
Souhaitons que dans quelques années, tous les événements de course à pied deviennent écoresponsables de manière à ce qu’une fois les coureurs partis, il soit impossible de deviner qu’ils étaient-là.