Je suis toujours fasciné par la mauvaise évaluation que font certaines personnes du temps dont ils auront besoin pour atteindre un niveau de forme physique précis. Ou encore leur difficulté à comprendre que rien ne peut remplacer un bon plan d’entraînement et de la patience pour atteindre leurs objectifs. 

 

J’ai régulièrement l’occasion de rencontrer des gens qui viennent de découvrir  la course à pied et qui carburent au maximum à la pratique de leur nouvelle activité. Ce sont toujours des discussions intéressantes qui me rappellent, avec une certaine nostalgie, celui que j’étais il y a plus d’une vingtaine d’années lorsque  j’ai commencé à courir.

 

Dans l’imagination de plusieurs de ces nouveaux coureurs, leur courbe de progression s’annonce fulgurante. Un peu comme leur désir d’apprendre le plus rapidement possible tout ce qu’il faut savoir pour courir avec vitesse et endurance. C’est une de ces récentes conversations qui m’a donné l’idée d’écrire cette chronique.

 

Un homme d’une trentaine d’année me disait qu’il avait commencé à courir le premier janvier dernier. C’était sa résolution pour se mettre en forme. Il m’apprenait qu’il avait participé avec succès au 5 kilomètres du Défi hivernal de l’Île-Bizard le 24 février.  Il s’était déjà inscrit au 10 kilomètres Banque Scotia du 28 avril, au demi-marathon de la Course des pompiers de Laval le 2 juin prochain et au Marathon SSQ de Québec le 13 octobre.

 

Il a probablement été déçu de ma réaction, car je lui ai demandé le plus sérieusement du monde s’il croyait que c’était une progression normale.

 

Non, ce ne l’est pas! C’est plutôt une porte ouverte aux blessures et à l’écœurement. Plutôt que de l’encourager à maintenir son rythme fou, je l’ai donc invité à la prudence.

 

Ne rien brusquer

 

Vouloir courir ses premiers 5 et 10 kilomètres lors de la première année d’entraînement, passe encore. Mais vouloir s’attaquer à un demi-marathon et, surtout, à un marathon dix mois à peine après son premier pas de jogging relève d’une très mauvaise interprétation de ce qu’est la mise en forme.

 

Attardons-nous spécifiquement au cas du marathon. Comment un coureur peut-il savoir s’il est prêt à affronter cette bête pour la première fois de sa vie?

 

D’abord, selon moi, il doit courir depuis plus d’un an et être passé par des courses organisées en veillant à augmenter graduellement les distances et en respectant des périodes de récupération. Car si le néophyte veut rapidement se frotter à sa première course de 42,2 kilomètres, rien ne dit que son corps le suivra.

 

Il doit également comprendre dans quoi il s’embarque. Il a beau jeu de dire qu’il va courir un marathon dans quelques mois, mais réalise-t-il le défi  que cela représente? Ça signifie de grandes concessions et un bouleversement de sa vie privée. Moins de temps pour aller prendre un verre entre amis ou pour aller au cinéma en famille, car l’entraînement prime avant tout.  Est-il prêt à lacer ses chaussures de course avant le lever du soleil ou au retour du boulot?

 

Un entraînement de marathon peut se comparer à une longue balade en montagne russe. C’est une période pleine de hauts et de bas. Aux journées d’assurances et de certitudes succèdent des périodes de doutes et de découragements. C’est la raison pour laquelle il doit se fixer un objectif réaliste et ne pas surévaluer sa condition physique. Et lorsqu’il participera à son premier marathon, qu’il oublie le chrono! Seul le fil d’arrivée est important.

 

Le total des kilomètres à parcourir chaque semaine lors d’un entraînement spécifique de marathon est beaucoup plus élevé que pour une simple préparation à une course de 10 kilomètres, mais il faut néanmoins trouver le temps de le faire. Il est inutile de tricher et de sauter des sorties puisque le jour où il sera au départ de son marathon, le coureur n’ayant pas été honnête avec lui-même le regrettera. Inutile de commencer cette première longue course avec un gros doute, raison pour laquelle les devoirs doivent tous avoir été faits. Le coureur doit comprendre qu’un jogging de 16 ou 17 kilomètres est une journée normale dans la vie d’un marathonien.  Tout comme les douleurs musculaires qui viennent avec!

 

Plusieurs marathoniens ont frappé un mur lors de leur course. Cela survient habituellement dans les dix derniers kilomètres de l’épreuve. Notre coureur novice aux grandes ambitions doit comprendre que s’il va trop vite dans son apprentissage de la course, il frappera ce mur avant même le départ.

 

Ainsi, à tous ceux qui viennent de découvrir la course à pied, je vous encourage à suivre une « courbe d’apprentissage » normale avant de vous frotter au marathon.   Pour devenir un bon coureur, ça ne prend pas juste un bon entraînement. Ça prend du temps!