Par Patric Jolicoeur Mondou - Récemment, nous voyons paraître un grand nombre de jeux à saveur rétro; plusieurs ont d’ailleurs été couverts sur cette plateforme. Mais cette impression rétro ne tient pas qu’aux graphiques dépassés (8-bit ou ici, low-poly), au gameplay ou à la difficulté punitive; il est le résultat d’une passion nostalgique des développeurs pour les jeux vidéo de leur enfance. Pour être rétro, un jeu doit capturer l’essence et l’intention ou enfin, bref, l’expérience d’un genre classique et le reproduire fidèlement avec des moyens modernes. C’est exactement ce que fait Antigraviator.

 

Ce nouveau jeu du jeune studio Cybernetic Walrus amène par contre ce constat : les classiques n’ont pas que du bon, certains genres ont évolué pour le mieux.

 

 

Antigraviator est un jeu qui respire la nostalgie. Au nez, c’est un Extreme-G ou un Wipeout. C’est un jeu de course de science-fiction simple et efficace. Le joueur choisit parmi une petite sélection de superbes bolides et visite des locations fantaisistes : l’orbite terrestre, des villes futuristes et des paysages extra-terrestres. Les environnements sont absolument superbes. L’impression de vitesse ressentie pendant les courses est impressionnante et m’a immédiatement rappelé l’intensité d’Extreme-G. On emmagasine des objets (pickups) placés sur la piste pour alimenter une jauge de “boost” qui pousse cette vitesse à des niveaux exagérés.

 

En bouche, les notes subtiles de F-ZeroX et MegaRace bien mûris trahissent l’âge des développeurs, car l’ère Nintendo 64 est bien présente dans le bouquet de références, lesquelles sont d’ailleurs ouvertement assumées par l’équipe de Cybernetic Walrus. Elle en parle abondamment dans les entrevues qu’elle a accordées lors du GDC. Les contrôles du jeu sont simples et rarement frustrants. On remarque toutefois après quelques courses que l’apport des “combats” est bien discret. Ce qui semble être une prémisse du jeu est en fait une mécanique secondaire : le joueur active simplement quelques pièges environnementaux pour nuire aux autres bolides. Un mode de course “élimination” est utilisé dans quelques pistes pour mettre en valeur ce système de pièges, mais le manque d’opportunités pour détruire intentionnellement un adversaire fait de ce mode un concours d'endurance qui s’étire souvent beaucoup trop longtemps. Comme bien des précurseurs, le jeu semble récompenser chèrement la connaissance de chaque piste. C’est un jeu de conditionnement, presque davantage que de réflexes. Il manque ici un peu de profondeur.

 

Outre ces problèmes, l'expérience utilisateur manque de “oumf” : il n’y a pas de rétroaction (roll-over) sur les éléments de menus, pourtant très iconiques et épurés; il n’y a pas de rétroaction lorsqu’un piège est utilisé, seulement lorsqu’il réussit à nuire à un joueur; le nombre de tours, la position du joueur et la jauge d’énergie sont positionnés sur le bolide de manière peu lisible et aucune rétroaction sonore ou autre n’indique au joueur que sa jauge de “boost” est pleine.

 

Le fardeau rétro

 

Ce qui laisse un goût amer à Antigraviator, ce ne sont pas ces défauts - ils sont largement présents dans les classiques. C’est plutôt l’insistance du jeu à calquer ses références classiques sans chercher à innover ou moderniser les mécaniques et les systèmes. La niche des jeux de course a pourtant su bien le faire dans les dernières années. Pensez à Dirt Rally (réaliste) et à Mario Kart 8 (arcade).

 

Le déverrouillage sporadique de nouveaux bolides et de nouvelles pièces de bolides se fait via un système monétaire archaïque qui pousse à rejouer les mêmes courses ad nauseam. Outre ce système de progression méta, il y a peu d’intérêt à rejouer, même en mode multijoueurs. Enfants, nous pardonnions ce défaut à F-Zero, faute de nouveaux jeux à se mettre sous la dent. La réalité d’aujourd’hui est tout autre.

 

Le système “old-school” de déverrouillage de Antigraviator

 

Les pistes, quoique décorées avec brio, se démarquent peu. Les routes tournent, pivotent et font des loopings, mais rien dans cette verticalité n’est utilisé à des fins de gameplay. À toute fin pratique, les niveaux pourraient être plats. Certains obstacles sont visiblement “physicalisés” (affectés par la gravité et le contact des bolides), mais aucune mécanique n’utilise la physique. Ces innovations sont pourtant de belles occasions de moderniser le genre.

 

Les fins de courses, fades, privent même le joueur de la satisfaction de terminer premier : un écran récapitulatif apparaît, indiquant la position du joueur parmi les autres concurrents. On appuie sur le bouton “suivant” et une nouvelle piste est chargée. Bienvenue en 1999 ! Même lorsqu’une “campagne” (une série de courses dont l’issue détermine les revenus du joueur, en monnaie virtuelle) se termine, le joueur est brutalement transporté au menu principal sans reprise vidéo, sans cérémonie et sans même afficher le mot “félicitations”.

 

Après une campagne victorieuse ou non, le joueur est immédiatement ramené au menu principal

 

Le gamin en moi admire les développeurs indépendants qui prennent le risque de ressusciter des classiques et dans le cas de Antigraviator on peut dire que c’est en bonne partie réussi. Cependant, les jeux rétro actuels ne sont pas consommés comme les classiques de l’époque : ils ne sont pas accompagnés de petits manuels d’instruction et coexistent avec une myriade de titres originaux, novateurs et rejouables. Il est difficile de déterminer à qui s’adresse un jeu comme Antigraviator de nos jours. Entre les jeux de course ultraréalistes et ceux davantage loufoques comme Mario Kart, les amateurs du genre sont bien desservis. Antigraviator possède certainement sa niche, mais dans son état actuel, il ne passera pas à l’histoire.

 

 

Verdict

Mitigé

 

+ Beau clin d’oeil aux classiques

+ Sens de vitesse réussi

+ Beaux environnements

 

- Lacunes au niveau de l’expérience utilisateur et des rétroactions

- Peu de rejouabilité

- Aucune innovation sur le genre

 

Titre: Antigraviator

Date de sortie: 6 juin 2018

Éditeur: Iceberg Interactive

Développeur: Cybernetic Walrus

Cote ESRB: E pour tous

Plateforme: PC (Steam)