Les WESG, la grande muraille d’épines
eSports / Jeux vidéo vendredi, 23 mars 2018. 12:55 jeudi, 12 déc. 2024. 09:37Par Alban Quénoi
La seconde édition des World Electronic Sports Games (WESG) avait lieu la fin de semaine dernière à Haikou en Chine. Tout comme l’an passé, les compétitions ont eu lieu sur CSGO, Dota 2, Starcraft 2 et Hearthstone, pour un cumul de près de 4 millions de dollars de récompenses. Autant dire qu’il s’agissait d’une des compétitions les plus généreuses tous circuits confondus. Cependant, outre les questions de représentativité ou même les faibles audiences, ce sont surtout les problèmes d’hébergement qui auront bien plus fait parler de l’événement que les prouesses des compétiteurs.
Conditions difficiles pour les joueurs
Les problèmes ont effectivement débuté dès l’arrivée des premières équipes sur le site d’Haikou, dépeint par les joueurs comme une sorte de station balnéaire de luxe à l’abandon. Ainsi, l’immense hôtel prévu pour héberger tous les joueurs n’avait visiblement plus rien de luxueux : eau brunie, traces de moisissure omniprésentes, saleté générale des chambres, tout autant de conditions d’insalubrité proprement inacceptable pour un tel événement, comme en attestent les divers témoignages de joueurs comme Nerchio ou tarik de Cloud9.
La championne québécoise Stéphanie Harvey, qualifiée pour le tournoi de CSGO féminin alla même jusqu’à lancer une campagne de sociofinancement pour reloger son équipe. On y apprend notamment que c’est l’annulation de la réservation d’origine par les WESG qui a contraint l’organisation à trouver une alternative pour 500 personnes à la dernière minute. À noter que les WESG ont reconnu le problème officiellement et fort heureusement pris en charge les frais pour reloger les participants.
Un format toujours aussi bancal
Mais le principal obstacle à l’émergence d’un véritable événement d’ampleur pour les WESG repose essentiellement sur son concept, en terme de format et de restrictions. Pour rappel, ces compétitions sont le fruit de l’investissement du géant du commerce en ligne Alibaba à hauteur de 150 millions de dollars, et de son association avec l’International Esports Federation. L’IeSF de son côté est une organisation née en Corée du Sud, et dont l’objectif est clair et avoué : faire de l’esport une discipline olympique officielle. Cela fait donc 9 ans que l’IeSF s’évertue à produire sa propre version d’olympiades électroniques, appliquant les mêmes règles de qualifications à l’échelle globale, mais surtout de restrictions de nationalités, et en faisant varier les jeux d’une année à l’autre. Autant dire que chaque année, les IeSF ont lieu dans l’anonymat le plus total, sous l’ombre des géants de l’esport.
Les WESG sont donc une version plus édulcorée, et surtout plus riche. Mais les restrictions pour les jeux d’équipe persistent, et donnent un avant-goût de ce que pourraient donner d’hypothétiques olympiades. Et autant dire que le résultat n’est pas flatteur, avec un tournoi mêlant de véritables équipes de niveau international, comme Cloud9 ou SK Gaming sur CSGO, à des “sélections nationales” de joueurs ayant peu, voire jamais joué ensemble.
Cependant, tout n’est pas à jeter, comme le rappelle le Brésilien FalleN dans cette entrevue, où il insiste sur l’importance d’un tel tournoi pour les pays émergents, leur permettant d’accumuler de l’expérience sur des compétitions de grande ampleur et faire briller de nouvelles nations. Les WESG ne sont d’ailleurs pas les premiers à tenter l’expérience : l’Electronic Sports World Cup (ESWC), les World Cyber Games (WCG), voire même les Nation Wars sur Starcraft II ont tous proposé leur propre version d’une véritable Coupe du Monde, avec chacun sa propre saveur. Et d’ailleurs, le CEO d’Alibaba Zhang Dazhong est réaliste quant à leur initiative : il faudra du temps pour que leur plan d’affaire soit rentable et efficace. En attendant, on peut déplorer les audiences faméliques, la finale sur CSGO peinant à passer les 15000 spectateurs sur le stream officiel. On est loin, très loin du million atteint par les deux derniers Major de la ELEAGUE, et le fuseau horaire n’est certainement pas le seul coupable.
Harvey en argent, pas de nouvelle médaille d’or pour Scarlett
Côté résultats, le Canada aura plutôt fait bonne figure, même s’il ne repart avec aucune médaille d’or.
Sur CSGO, ce sont les Suédois de Fnatic qui ont battu les Turcs de Space Soldiers chez les hommes. Les Canadiennes de Stéphanie Harvey ont quant à elles terminé à la troisième marche du podium, laissant les Russes s’imposer face aux Chinoises de LLG Gaming.
Sur Dota 2, c’est également la Russie qui prend la première place, face aux Brésiliens de PaiN Gaming. La seule formation canadienne Play For Fun n’aura pas vraiment brillé, ne remportant pas un seul match en phase de groupe.
Peu de surprises au rayon Starcraft II, ce sont les Sud-Coréens qui auront survolé la compétition, plaçant trois représentants sur le carré final. C’est le Terran Maru qui s’impose dans une finale serrée face à Dark. Le Québécois Semper n’aura pas été capable de sortir de son difficile groupe, comprenant le futur vainqueur du tournoi. De son côté, l’Ontarienne Scarlett n’aura pas pu rééditer sa performance de Pyeongchang, et échoue en quart de finale, éliminée durement par Dark 3-0.
Pour terminer, le Canadien Luker sur Hearthstone s’est incliné en finale face au Turc Fujitora. À signaler l’existence d’un tournoi féminin tout comme pour CSGO, avec 8 représentantes, et une finale 100% chinoise, où GLHuiHui s’est imposée.
Un aperçu des futurs jeux esports?
Quant à l’avenir des WESG, Alisports a d’ores et déjà annoncé un nouveau partenariat avec Super Evil Megacorp, éditeur du MOBA sur mobile Vainglory son inclusion l’anné prochaine. Certainement pas le titre le plus populaire, on peut y voir là un acte plus stratégique qu’autre chose, en s’opposant au rival Tencent et son jeu Arena of Valor.
L’autre information, c’est la récente déclaration de Zhang Dazhong :
« Dans notre communication avec le comité des Jeux olympiques, nous avons acquis une meilleure compréhension de leurs valeurs, qui est de promouvoir la paix. C’est pourquoi, pour le développement futur de l’esport, nous mettrons davantage l’accent sur les titres liés au sport, plutôt que sur les jeux axés sur la violence et les meurtres. »
Autant dire que les principaux moteurs que sont CSGO, League of Legends ou Overwatch seront certainement exclus de la table des négociations pour favoriser les jeux de simulation sportive comme FIFA ou NBA 2K. Mais est-ce qu’une telle sélection sera vraiment représentative de ce qu’est réellement le sport électronique?
D’ici là, vous pouvez toujours profiter du spectacle proposé par la chaîne O’Gaming avec sa cinquième édition des Nation Wars sur Starcraft II, tournoi acclamé par la communauté, qui a démarré il y a deux jours. Le Canada s’est d’ailleurs qualifié en phase préliminaire, avec une bonne performance du joueur québécois Jig, rapportant deux points face à la Hongrie.