Par Alban Quénoi

La rumeur qui courait depuis le lancement de l’équipe de développement Classic Games chez Blizzard, il y a un peu plus d’un an, s’est enfin vérifiée cette dernière fin de semaine. L’événement intitulé “I <3 Starcraft” fut le théâtre d’une annonce accueillie avec ferveur : la sortie de la version remastérisée du jeu qui a littéralement créé l’esport moderne, Starcraft et son extension Brood War.

Quand Blizzard dit oui à sa communauté

Les signes précurseurs ne laissaient guère de doute à ce sujet. Précédant la finale de la GSL opposant SoO à Stats sur Starcraft 2, des matchs d’exhibitions sur Brood War ont réuni une nouvelle fois les quatre joueurs légendaires que sont Flash, Jaedong, Bisu et Stork formant le fameux “TaekBangLeeSsang”.

La nouvelle est double : le jeu originel deviendra gratuit pour tous dès cette semaine, au déploiement de la prochaine mise-à-jour. Mais surtout, la version remasterisée verra le jour au courant de l’été. C’est une revue esthétique complète, mais extrêmement délicate opérée par Blizzard sur le jeu, avec des graphismes affinés et retravaillés, ainsi que le support des résolutions pour écrans larges qui est apportée dans ce SC:R. Quant principal sujet de spéculations concernant les mécaniques de jeu, et surtout les limitations de contrôles ainsi que les fameux bogues devenus spécificités du jeu, l’équipe de développement n’a pris aucun risque. Le gameplay est conservé absolument intact, au bonheur des fervents pratiquant d’un jeu à l’équilibrage mythique et qui atteindra vingt ans l’an prochain.

Certes, ce SC:R est surtout un cadeau fait à l’une des plus anciennes communautés compétitives. Il ne fait aucun doute qu’un nombre important de nostalgiques et de curieux retraverseront les célèbres campagnes, mais iront aussi faire un tour sur le système de matchs en ligne modernisé. Mais cette nouvelle va au-delà d’une simple opération de fan service parfaitement huilée par Blizzard, devenu expert dans le domaine. En Corée du Sud, Starcraft est toujours énormément pratiqué dans les PC bang, poumons des communautés de jeu. Et ce, bien plus que son petit frère Starcraft II, qui n’a au final jamais décollé comme avait pu exploser Brood War. Un certain regain pour le mythique titre a d’ailleurs lieu au pays du matin frais, avec plusieurs événements comme les finales de l’Afreeca Starleague en janvier dernier, marquées par un nouvel affrontement entre les deux légendes Flash et Jaedong. Cependant, en dehors de la Corée, il semble peu probable de voir se redévelopper autre chose qu’un effet d’annonce reposant sur la nostalgie, Starcraft restant un jeu figé dans une époque révolue du jeu vidéo. Mais un retour aux affaires n’est donc clairement pas à exclure là-bas, une place parmi les scènes compétitives et les jeux de stratégie étant peut-être à prendre.

Les deux tours du RTS

Car c’est peut-être aussi un constat d’échec de la part de Blizzard : de son côté, la situation de son successeur Starcraft II n’est pas au beau fixe, avec une scène clairement déclinante. Au vu du programme des WCS pour 2017, la compagnie ne va pas laisser tomber le titre. Mais les forces du studio sont clairement tournées vers le pari de l’Overwatch League, voire sur le support de Heroes of the Storm, autre jeu sous respirateur artificiel. Quant aux futurs projets chez Blizzard, c’est un curieux silence actuel, avec une absence de rumeurs éloquente et quasi inhabituelle. Le développement d’un éventuel Warcraft 4 ne semble pas être au programme. C’est pourtant une piste sérieuse : la mécanique de héros à trois compétences et une ultime est désormais pratiquée quotidiennement par des millions de joueurs sur les divers MOBA actuels, et un jeu de stratégie reprenant ce système ferait certainement moins peur qu’un Starcraft à la réputation de prise en main coriace et sans pitié.

L’esport est encore jeune, ses cycles de vie sont encore difficilement décryptables ou prévisibles. La “résurrection” d’un jeu semble aller à l’encontre de l’évolution d’un domaine reposant autant sur la technologie, cependant, un exemple bien concret existe. La scène de Super Smash Melee a vu un authentique retour en grâce en 2013, avec la fameuse mobilisation des joueurs face à l’embargo de Nintendo. Si les deux jeux n’ont absolument rien à voir, ils partagent plusieurs points communs : un niveau technique inégalé atteint par ses joueurs vétérans, assisté par une profondeur des mécaniques quasi sans fin, malgré un gameplay qui n’a pas bougé d’un iota depuis des années. Revers de la médaille, un niveau pour ainsi dire inatteignable : il y a bien longtemps que les fameux “Dieux” de Melee n’ont pas été détrônés, tout comme l’émergence de nouveaux champions au sang frais semble peu probable pour Starcraft: Brood War, version Remastered ou pas.