À Montréal pour l'amour du football
Montréal Alouettes lundi, 1 avr. 2013. 17:37 lundi, 9 déc. 2024. 20:50Un amant du football, voilà ce que les Alouettes de Montréal ont déniché pour harmoniser la relation cahoteuse vécue par l’équipe au cours des dernières années avec les unités spéciales. Ray Rychleski, un amoureux du ballon ovale de 55 ans, rêve maintenant d’une bague de la coupe Grey après avoir échappé celle du Super Bowl avec les Colts d’Indianapolis en 2010.
Sans le vouloir, l’entraîneur de 32 ans d’expérience se retrouve associé à tout jamais au jeu qui est resté gravé dans la mémoire des amateurs et qui a aidé les Saints de La Nouvelle-Orléans à renverser la vapeur.
Tirant de l’arrière 10 à 6, les Saints de l’audacieux entraîneur Sean Payton ont osé avec un botté court (à 3:28 de cette vidéo) pour amorcer la deuxième demie et la stratégie s’est avérée payante. Cependant, la plupart des amateurs ont oublié que le pari des Saints a failli se retourner contre eux puisque Hank Baskett, des Colts, n’a pu maîtriser le ballon qui était à sa portée non pas une, mais deux fois!
En tant que maître d’œuvre des unités spéciales, Rychleski n’est pas sur le point d’oublier ce souvenir qui pourrait lui causer des cauchemars.
« Ce n’est pas le bon mot, mais disons que ça me passe parfois en tête », a-t-il admis dans un entretien très cordial avec le RDS.ca dans son nouveau bureau du Stade olympique de Montréal.
« Je suis parfois triste pour Hank, mais il ne faut pas trop filer mal pour lui parce qu’il a beaucoup de plaisir avec sa copine Kendra Wilkinson (une ancienne vedette de Playboy) et il fait une tonne d’argent avec sa téléréalité », a ajouté Coach Rychleski avec humour.
Les partisans des Colts ont souvent blâmé les entraîneurs pour ce revirement de situation, mais Rychleski avait quelques éléments très intéressants à dévoiler pour rabrouer cette critique.
« Durant notre préparation pour le Super Bowl, j’avais présenté une vidéo d’un botté court identique des Saints contre les Jaguars en 2007 et je l’avais montré de nouveau à mes joueurs le jour avant le match. On se doutait que les Saints voudraient voler une possession de ballon à Peyton Manning et j’avais rappelé à mes joueurs de se méfier de cette possibilité au début du troisième quart », a détaillé l’intéressant conteur au crâne dégarni.
Malgré tout, le ballon a heurté le casque de Baskett et il l’a repris avant de le perdre sous l’amas de joueurs. Sur l’extrait du réseau NFL Network, on peut même entendre un arbitre crier « blue ball » avant que Baskett ne se fasse arracher le ballon.
Les Colts, qui n’ont pas perdu le 44e Super Bowl sur cette séquence, avaient gagné leurs 14 premiers matchs de la saison régulière avant de perdre deux matchs sans importance à l’aube des éliminatoires.
« Nous étions comme les Patriots de 2007 qui sont arrivés au Super Bowl avec une fiche de 18-0, mais ils ont perdu le dernier match. Tout ça est bien beau, mais les gens retiennent seulement si on a gagné et nous avons perdu. C’est l’aspect difficile de cette histoire », a avoué Rychleski, qui a vécu cet impressionnant parcours à sa toute première année dans la NFL.
À la recherche d’un retourneur de premier plan
Le séjour de Rychleski à Indianapolis a pris fin après la saison 2011, sa troisième avec les Colts. Au terme d’une année catastrophique en raison de l’absence de Manning qui se remettait d’une opération au cou, l’entraîneur Jim Caldwell l’a congédié avant de subir le même sort deux semaines plus tard.
« J’ai choisi de prendre une année de congé en 2012 pour de nombreuses raisons dont refaire le plein d’énergie, regarder comment d’autres entraîneurs travaillent et voir aussi comment les vraies personnes vivent! », a-t-il lancé avec le sourire.
De son poste d’observateur, il a évalué une multitude d’options dont la NFL, la NCAA et la LCF, une ligue qui ne lui était pas étrangère. « Au début des années 1990, j’ai participé à un projet d’entraîneurs invités avec les Argonauts de Toronto qui étaient dirigés par Adam Rita. »
« J’avais vécu une très belle expérience pendant trois semaines et je m’en souviendrai toujours, surtout que l’acteur John Candy et Bruce McNall étaient parmi les propriétaires sans oublier le joueur Rocket Ismail », s’est rappelé le célibataire qui découvre les charmes de Montréal.
Cette fois, Rychleski vivra concrètement l’expérience de la LCF et c’est lui-même qui a contacté le directeur général Jim Popp par l’entremise d’un ami en commun, Charlie Taaffe, un ancien entraîneur des Oiseaux qui a été son patron pendant cinq ans à l’Université du Maryland.
« Si je n’étais pas venu ici, je discutais aussi avec l’organisation des Roughriders de la Saskatchewan, mais pas nécessairement pour le même poste. C’est tout simplement une très belle occasion, les Alouettes représentent une excellente organisation dans une superbe ville. Je suis un peu comme un joueur américain. Tant qu’à venir au Canada, je veux que ce soit avec la meilleure équipe », a-t-il insisté.
Rychleski se joint peut-être à une organisation de référence, mais il hérite du mandat de renforcer le talon d’Achille des Alouettes en acceptant le poste de coordonnateur des unités spéciales. Même s’il n’était pas conscient de cette réalité, le grand voyageur n’est pas effrayé après avoir relevé une multitude de défis avec sept équipes en 27 ans dans la NCAA et un passage réussi avec les Colts.
« Ce que je sais, c’est que les Alouettes ont gagné le titre de la division et ils ont été battus en éliminatoires. Je ne me soucie pas du passé, mais plutôt du présent et de l’avenir. Le seul but est de gagner la coupe Grey et je trouve très important de gagner la division parce que ça te donne la meilleure chance d’y arriver tout comme aux États-Unis », a-t-il souligné.
Ne se décrivant pas comme un grand friand de statistiques, Rychelski vise tout de même un taux de réussite de 90 % sur les placements et un meilleur travail sur la couverture des bottés d’envoi et de dégagement. Cependant, on sent que la priorité serait de dénicher un retourneur élite.
« Nous sommes dans le processus de trouver un retourneur et nous avons des candidats sur l’équipe. J’ai déjà remarqué que la majorité des équipes avaient un as à cette position comme Chris Williams à Hamilton. Présentement, nous n’avons pas cela et c’est la vérité. Nous devons le trouver et ça fait partie de mon travail », a noté l’entraîneur qui reçoit des suggestions de Popp en plus de lui en soumettre.
Au sujet du recrutement, Rychleski n’a pas initié le contact avec Dominic Rhodes, la récente acquisition des Alouettes, mais il l’a fortement recommandé.
«Je suis excité par sa venue, il adore le football et il sera un excellent ajout. Il aime tellement ce sport qu’il jouerait jusqu’à 65 ans s’il le pouvait. Il nous a beaucoup aidés parce qu’il est très intelligent et je sais aussi que Peyton Manning lui faisait grandement confiance pour les blocs», a vanté Rychleski en mentionnant une qualité qui devrait plaire à Anthony Calvillo.
Apprivoiser la LCF après avoir dirigé Vernon Davis et Samuel Giguère
Après trois décennies comme entraîneur au sud de la frontière, Rychleski découvre un autre univers : celui du football canadien. Il se dit intrigué par les nombreux règlements différents comme celui du simple ou les nuances par rapport aux touchés de sûreté.
« Ce n’est pas moins bon ou meilleur, c’est différent. Le football se ressemble sur plusieurs principes mais avec des règlements différents et ça ressemble à quand je suis passé de la NCAA à la NFL. Je dois les apprendre, travailler avec eux et maximiser notre travail selon la situation », a proposé Rychleski qui est aussi fasciné par le fait que la température pourrait descendre sous les -20 degrés pour le match de championnat en Saskatchewan.
Même s’il ne maîtrise pas encore tous les rudiments du football canadien, l’homme à la voix rauque se voit confier une responsabilité immense puisque les unités spéciales occupent une place prépondérante dans la LCF et il apprécie cette opportunité d’avoir un impact sur la carrière des joueurs à sa disposition.
« Nous sommes tous ici pour une raison et elle est parfois différente. Certains veulent retourner aux États-Unis pour jouer dans la NFL alors que d’autres veulent s’établir dans la LCF comme destination finale. C’est comme ça, mais on veut tous s’améliorer et c’est aussi vrai pour les entraîneurs », a dit celui qui correspond à la perfection au prototype de l’entraîneur de football représenté dans les films.
D’ailleurs, Rychleski a développé une panoplie de joueurs qui ont atteint la NFL au fil de sa carrière comme entraîneur. Hors de tout doute, le nom le plus célèbre s’avère Vernon Davis, le demi inséré des 49ers de San Francisco.
Rychleski a côtoyé Davis à Maryland où il s’occupait aussi des demis insérés et il a apprécié cet athlète exceptionnel.
« Vernon a un corps de dieu grec. Je lui disais qu’il était chanceux, il avait cela en commun en moi! », s’est-il remémoré à la blague.
En plus de Davis, il a notamment aidé Dan Gronkowski (le frère de Rob), Jared Cook, Nick Novak, Ryan Succop et compagnie à évoluer dans le circuit Goodell. Rychleski a également donné un coup de main au Québécois Samuel Giguère quand il tentait de s’établir dans la NFL avec les Colts.
« Il était un plaisir à diriger, c’est un athlète fort et endurant que j’aimais beaucoup. Malheureusement, il a subi des blessures et je crois qu’il aurait eu une belle carrière dans la NFL s’il avait pu éviter cela », a-t-il mentionné à propos de Giguère qu’il serait heureux de retrouver à Montréal.
Originaire de la Pennsylvanie, Rychleski a été entraîneur à l’Université Temple, à l’Université Northeastern, à l’Université Penn State, à l’Université East Stroudsburg, à l’Université Wake Forest, à l’Université Maryland, à l’Université de la Caroline du Sud et avec les Colts.
À travers les années, il s’est bâti une réputation d’entraîneur exigeant, mais près de ses joueurs (coach strong but hug them often). C’est grâce à Jim Caldwell, qui a été son supérieur à Wake Forest, qu’il a accédé à la NFL où il a retenu quelques leçons.
« C’est avant tout une business et c’est le cas aussi dans la LCF, mais c’est très valorisant. Chose certaine, ça prend un bon quart pour connaître du succès et c’est le cas à Montréal. Le fait d’avoir travaillé avec des joueurs de la NFL m’aidera avec ceux de la LCF », a fait remarquer le sympathique entraîneur qui en conserve de précieux souvenirs comme celui-ci.
« Bill Parcells disait qu’il n’y avait pas de meilleure sensation que celle d’attendre avant d’embarquer sur le terrain au Super Bowl. Avant la partie, j’étais sur les lignes de côté et j’étais à côté de Jerry Rice et Emmitt Smith qui venaient d’apprendre leur intronisation au Temple de la renommée. C’est un moment indescriptible que je n’oublierai jamais… tout comme ce botté court des Saints! », a conclu le passionné entraîneur.