Coups salauds, stade délabré, covoiturage : la carrière de John Bowman en anecdotes
Alouettes samedi, 13 févr. 2021. 07:00 dimanche, 15 déc. 2024. 14:03MONTRÉAL – Des coups salauds, des hôtels miteux, des stades délabrés, mais surtout beaucoup de plaisir. John Bowman a connu une carrière riche, pas dans le sens de millionnaire, avec les Alouettes de Montréal et il a accepté de fouiller dans ses meilleures anecdotes pour vous divertir.
Émotif jusqu’au bout des doigts, Bowman un grand travaillant qui a laissé sa marque sur l’organisation montréalaise. On a pensé le sonder sur différents thèmes et on lui laisse toute la place pour vous raconter le tout. Démarrons avec une exclusivité, Bowman n’a jamais raconté cette histoire publiquement.
Les 3 plus beaux moments vécus avec un entraîneur
No 1 Marc Trestman. « Bien sûr, il y a Trestman. En 2012, je m’étais blessé à un genou au camp d’entraînement et on avait un nouveau coordonnateur défensif, Jeff Reinebold. Il arrivait avec un système différent. C’était quelque chose comme un 3-4, un 3-3, je ne sais pas ce que c’était... Ce n’est rien contre Reinebold, mais c’était une défense unique. Je me retrouvais sans avoir une véritable position et je bûchais pour essayer de me démarquer dans ce système.
Je revenais de trois saisons de 12 sacs environ. Trestman a vu ma frustration et il a dit à des gens, sans utiliser des mots très gentils, que si ce n’était pas de moi, plusieurs n’auraient plus d’emploi avec les Alouettes. Il a ajouté que ma loyauté était envers moi et que si on devait changer des choses dans le système défensif, on devait d’abord s’assurer que je sois à l’aise dans tout ça. C’était un moment spécial pour moi. Personne ne connaît cette histoire, ce sera une primeur. »
No 2 Mike Gutelius. Mon premier beau moment avec un entraîneur est arrivé au niveau universitaire (Wingate) avec Mike Gutelius. On était au souper et quelqu’un m’a dit quelque chose qui m’a frustré. J’ai préféré quitter sans manger. Il me connaissait par cœur. Il était allé m’acheter une pizza et il est venu me voir à ma chambre en disant ‘John, ne te pénalise pas parce que tu es frustré après quelqu’un’. Il m’a parlé comme un homme. »
No 3 Mike Sinclair. En 2008, Mike Sinclair est arrivé à Montréal pour s’occuper de la ligne défensive. À ce moment, j’étais encore un joueur secondaire. Je crois que je n’avais réussi que sept ou huit sacs (9 pour être très précis). Mike s’est assis avec moi et il m’a dit qu’il voulait que j’élève mon jeu d’un cran et que je devienne une pièce importante du club. Mais il m’a précisé que d’autres entraîneurs voulaient plutôt me libérer. C’est devenu le moment déterminant de ma carrière, comment est-ce que j’allais réagir? Il a été bien franc avec moi. Il savait ce que j’étais capable d’accomplir, mais d’autres entraîneurs ne voyaient pas ça en moi. Il a fini en me disant ‘Je veux que tu me donnes raison’. Heureusement, j’ai réussi à le faire », a raconté Bowman avec émotion.
Les 3 coéquipiers que tu respectes le plus et pourquoi
No 1 Anwar Stewart. « C’est difficile parce que j’ai joué pendant si longtemps que j’ai dû avoir 1000 coéquipiers! Mais le numéro un, c’est Anwar Stewart, évidemment. J’ai été garçon d’honneur à son mariage. Quand je suis arrivé à Montréal en 2006, il m’a pris sous son aile, il croyait que je pouvais devenir le prochain ailier défensif à s’illustrer. Il m’a montré ce que je devais faire et ce que je devais éviter. Après tout, Montréal, si tu t’aventures sans te méfier, c’est une ville qui peut être dangereuse. C’est facile d’y perdre la tête », a rigolé Bowman.
No 2 Anthony Calvillo. « Un professionnel jusqu’au bout des doigts! Toujours à son affaire. Il a surmonté le cancer tout comme sa femme. Il arrive d’un milieu très défavorisé en Californie et il a trouvé le moyen de devenir l’un des meilleurs quarts du football professionnel », a relevé Bowman avec admiration.
No 3 Billy Parker. « Je pourrais pratiquement en nommer 30. Je voudrais dire Ben Cahoon, mais bien des gens connaissent mon affection pour lui. Ainsi, allons-y avec un joueur qui ne reçoit aucun mérite et c’est Billy Parker. Il a réussi un jeu déterminant pour s’assurer qu’on remporte la coupe Grey en 2010 avec une interception cruciale. Lui aussi, il vient d’un milieu difficile et il ne provient pas d’une lignée du style mon père a fait ceci, mon cousin a réussi ça, il a fait son propre chemin. Aujourd’hui, il aide les autres en coachant et en les motivant. »
Les 3 coéquipiers qui t’ont le plus impressionné sur le terrain
No 1 Ben Cahoon. « Pas le choix d’y aller avec Ben Cahoon. Tu le regardes, il mesure cinq pieds six pouces et pèse 170 livres, mais c’est le gars le plus endurant! Il s’est fait malmener comme ce n’est pas possible et il se relevait toujours comme si de rien n’était. Je me souviens d’un match à Hamilton, il a capté une passe typique de sa part, mais trois joueurs l’ont pulvérisé et il s’est relevé sans célébrer pour un autre premier jeu. Les meilleures mains que tu peux trouver sur la planète. Il peut attraper un ballon le corps à l’envers... », a vanté Bowman.
No 2 Chip Cox. « Un athlète! Il y a rien qu’il ne pouvait pas faire sur un terrain. Dans le top-3 des joueurs les plus rapides que j’ai vus. Si tu le regardes aujourd’hui, on dirait qu’il est pareil comme en 2006. Si vite, intelligent et ultra compétitif. Oui, on s’est engueulés quelques fois en raison de nos fortes personnalités. Mais, comme joueur de football, rien n’était impossible pour lui. »
#3 Avon Cobourne. « La liste est longue, mais j’irais avec Avon Cobourne. Son nom ne revient pas souvent dans les discussions, mais il est aussi arrivé en 2006. On a chacun joué sur les unités spéciales pour mériter notre poste. Il a eu à jouer secondeur, maraudeur et je me demande même s’il n’a pas joué une répétition sur la ligne défensive! Il a eu à se battre pour devenir le porteur de ballon de l’équipe. Quand il a obtenu ce poste, il n’était pas pour le perdre. S’il ne s’était pas blessé, on aurait pas entendu parler de Brandon Whitaker ou bien d’autres. »
Ton plus beau moment avec un coéquipier
Anwar Stewart. « On ne se connaissait pas avant 2006, mais il a vu mon éthique de travail et les choses ont cliqué, tout simplement, entre nous. On se parle encore chaque semaine et je devrais d’ailleurs aller le rejoindre bientôt pour en apprendre sur son travail (entraîneur de la ligne défensive à l’Université Kentucky). Il m’a nommé garçon d’honneur à son mariage. Pour moi, un gars qui n’a jamais reçu beaucoup d’attention et de notoriété, ça voulait dire énormément à mes yeux. J’ai encore les fleurs et les photos de cette journée. C’est probablement l’une des plus belles choses qu’on a pu faire pour moi. Rien ne bat ça! », a confié Bowman.
Les pires coups salauds encaissés
Dominic Picard. « La liste est longue, mais la majorité des pires coups salauds sont venus d’un joueur et c’est Dominic Picard. J’ai même écopé d’une amende pour avoir mentionné son nom. Il le sait qu’il était un joueur salaud. Il me semble qu’on jouait contre Toronto, à Montréal, je filais vers le quart-arrière et il m’a vu à la dernière seconde. Il a agrippé ma grille et il a twisté mon cou. Mes jambes ont été projetées sur un autre jouer qui s’est blessé, mais rien n’est arrivé à lui.
Quand il jouait pour la Saskatchewan, on menait tôt dans la partie et il a décidé de se faire justice. Il m’a carrément punché dans la bouche. Je croyais qu’il avait fracturé la mâchoire et l’arbitre n’a fait que dire ‘C’est assez! » Quoi? Pas de punition? Pas d’expulsion? Sur le jeu suivant, je me suis assuré de me faire justice moi-même. Vers la fin du match, je fonce vers le quart, mais ils se mettent à trois contre moi. Je me fais saisir par le dos et soulever dans les airs. Picard et un coéquipier me frappent dans l’estomac et je me débats de toutes mes forces. L’arbitre ne fait rien et je finis par être mis à l’amende pour l’avoir traité de salaud. Ils ont vu le jeu et ils ont tenu à s’excuser, mais je n’ai jamais revu mon argent! C’est bien la LCF...
Il y a une ligne entre être robuste et salaud. Quand tu te prépares pour un match, tu vois des vidéos et je savais de qui je devais me méfier, ceux qui peuvent faire des choses folles. Mais quand je fonce vers un quart-arrière, je suis en train de penser à mon angle d’attaque, à la technique que je vais choisir, si je vais tenter de réussir un sac ou provoquer un échappé. Bref, tu ne peux pas toujours penser à te protéger des autres et ça devient dangereux.
Même quand il a été mon coéquipier, en 2016, je ne lui ai pas parlé! Il voulait enterrer la hache de guerre, mais j’avais de la rancune. Des gens disent qu’ils ne sont pas rancuniers, mais je le reste pour toujours », a-t-il conclu en riant.
Les 3 meilleurs discours entendus dans le vestiaire
No 1 Mike Sinclair. Il avait le don de nous crinquer. On était dans notre coin, la ligne défensive, et il arrivait avec des trucs comme ‘John, tel gars dit que tu ne vaux rien! Que tes statistiques sont gonflées et que tu ne peux pas faire telle ou telle chose sur le terrain‘. Mike savait appuyer sur les bons boutons pour nous motiver.
No 2 Marc Trestman. Bien sûr, il y a Trestman, mais je n’arrive pas à en cibler un en particulier. Il était en mesure de te challenger mentalement, de te faire réfléchir à ton héritage, à ton avenir et à ton passé.
No 3 John... Bowman. Je ne veux pas trop me lancer des fleurs, mais tu peux demander à plusieurs de mes anciens coéquipiers, j’ai fait parmi les meilleurs discours avant les matchs. Je vais donc me placer en troisième position. La tradition était que je m’adresse à la ligne offensive, la ligne défensive et les secondeurs avant qu’on se rende sur le terrain. Je m’assurais d’avoir un discours différent chaque fois. Comme la fois que Mike Sinclair m’avait dit de lui donner raison. J’ai prononcé un discours enflammé qui disait que, cette fois, on allait donner raison aux personnes qui croient en nous au lieu de tenter de faire taire nos sceptiques. Dans la vie, on entend toujours dire qu’on a des dénigreurs, mais il y a aussi des gens qui poussent pour nous. J’ai demandé qu’on joue cette partie pour ceux qui nous aiment! C’était sûrement mon meilleur.
Les choses les plus drôles de ta carrière
Je pourrais en raconter à l’infini. Je pense immédiatement à une séquence durant mon année recrue. Je fonçais pour un plaqué et un joueur m’a déjoué avec le meilleur juke move (une feinte des hanches) de tous les temps. La seule chose que tu vois sur l’image, ce sont mes crampons qui volent dans les airs! Mes coéquipiers Timothy Strickland et Duane Butler ne faisaient que rire et ils ont ri de moi si souvent. Mais bon, ça paraissait bien pire sur la vidéo que sur le terrain.
J’ai aussi des histoires de mes pantalons qui tombent! Ou bien la fois que j’ai dû quitter en plein match pour aller aux toilettes. Le coach n’en revenait pas!
Les 3 choses étranges vécues et reliées aux moyens limités de la LCF
No 1 Le stade Ivor Wynne. Ce stade était une vraie ‘dompe’, la place la plus dégueulasse pour jouer au football! Après la partie, il y avait uniquement trois douches pour 60 gars et l’eau montait jusqu’aux genoux. C’était affreux!
No 2 Un hôtel miteux à Vancouver. Une année, je ne sais pas si on était devenu cheap, mais on jouait à Vancouver. On était dans un hôtel près du stade et, à l’époque, ce quartier de Vancouver était appelé quelque chose comme Crack ville. Il y avait des coquerelles et tout, c’était horrible. La pire nuit de sommeil de ma vie! Une portion de la LCF, c’est le côté cheap des choses, mais c’est drôle en même temps. Je ne critique donc pas trop.
No 3 Ma gaffe à Montréal. Je ne veux pas me moquer d’un ancien coéquipier donc je vais rire de moi-même. À mes débuts dans la LCF, le salaire minimum était environ 39 000$ et je touchais le minimum bien sûr. Mon loyer était de 1000$ par mois donc chaque semaine, il ne me restait que des miettes. Quand j’ai commencé à jouer, à un certain point de la saison, j’avais décidé de marcher jusqu’au stade Percival-Molson. Je montais toute la côte parce que je ne voulais pas me ramasser à payer 30$ de taxi, on ne sait jamais si ça va avancer quand tu arrives sur la rue University. Au premier quart, je me rappelle que j’avais manqué totalement d’énergie. Le coach m’avait demandé ‘Pourquoi es-tu si fatigué, ce n’est que le premier quart?’
Quand je lui ai avoué, il m’a lancé ‘John, tu es un maudit cheap! Tu vas arrêter de marcher jusqu’au stade. Il m’a ramassé solide. À partir de là, on a commencé un système de covoiturage avec les vétérans.