MONTRÉAL – Et si Antonio Pipkin était le quart-arrière qui pouvait relancer les Alouettes de Montréal? L’Américain de 23 ans ignore tout de cette émission humoristique, mais son premier départ dans la Ligue canadienne de football aurait pu inspirer un sketch des créateurs.

 

Depuis son arrivée avec les Alouettes en juillet 2017, Pipkin n’avait hérité que de miettes : neuf passes tentées dans une partie contre les Tiger-Cats de Hamilton.

 

C’est encore plus fascinant de penser que les Alouettes l’avaient libéré en juin. Et si Pipkin s’était trouvé un poste avec une autre équipe et qu’il s’était illustré là-bas?

 

Alors, et si Pipkin était l’aiguille que les Alouettes cherchaient dans une botte de foin depuis le départ d’Anthony Calvillo? Oubliez les Troy Smith, Jonathan Crompton, Tanner Marsh, Drew Willy, Jeff Mathews, Matthew Shiltz et compagnie. Et si la solution était plutôt ce quart-arrière qui n’est pas arrivé avec la réputation d’un récipiendaire du trophée Heisman comme Smith?

 

Personne ne veut tourner le fer dans la plaie, mais et si les Alouettes avaient confié un départ à Pipkin avant de procéder à l’acquisition à fort prix de Johnny Manziel? Le club disposerait encore du receveur Chris Williams, de l’ailier défensif Jamaal Westerman et des précieux choix au repêchage sacrifiés dans cette transaction.

 

Bien sûr, Manziel pourrait ramener tout le monde sur terre en excellant lors de son retour à l’action. Le hic, c’est que Manziel détient la possibilité de quitter vers la NFL à la suite de la saison 2019. On revient donc à Pipkin, et si l’ancien de l’Université Tiffin devenait la solution à long terme?

 

À son tout premier départ dans la LCF, Pipkin a épaté face aux Eskimos. Étant donné qu’ils avaient jeté l’éponge à son endroit en juin, on peut déduire qu’il a même surpris les dirigeants des Alouettes avec cette prestation.

 

Par contre, le dernier surpris était Gary Goff. Mais qui est-il? Il a été l’entraîneur de Pipkin à l’Université Tiffin, l’institution qui a permis à Chris Ivory et Nate Washington de réussir de belles carrières dans la NFL.

 

« Je pense vraiment qu’il a les outils pour s’implanter dans ce circuit. Je me fie à la puissance de son bras et à sa mobilité. Je considère qu’il l’a d’ailleurs démontré même si ce n’était que son premier match. Ce n’est pas évident de se débrouiller comme il l’a fait dès ses débuts », a vanté Goff, au RDS.ca, en relevant que Pipkin représente uniquement le troisième joueur de l’histoire de la division II de la NCAA à avoir cumulé 10 000 verges aériennes et 2 000 verges par la course.

 

L’entraîneur des Dragons n’oubliera jamais le premier entraînement de Pipkin avec sa formation. Il n’a même pas eu besoin de ses yeux pour comprendre qu’il détenait un joueur spécial à sa disposition.

 

« À partir du moment qu’on a entendu le son quand le ballon sortait de sa main, on a tous été très intrigués. Le bruit a fait le tour rapidement parmi les entraîneurs et on a tous voulu le regarder de près », s’est rappelé celui qui a suivi de près le départ de son protégé malgré le camp d’entraînement qu’il doit gérer en Ohio.

 

Pipkin n’est pas devenu une vedette du jour au lendemain sur le campus.

 

« Il a vraiment évolué au fil de son passage avec nous. Au départ, il avait déjà beaucoup de potentiel, mais il était nettement plus frêle. Avec le temps, il a fini par ajouter une vingtaine de livres à sa charpente. Il n’était plus le même homme après. Il a également progressé pour  lire le jeu, étudier des vidéos et je dois dire que c’est un jeune très travaillant », a décrit l’entraîneur.

 

Les deux hommes sont demeurés en contact et leur relation est soudée à jamais. Quand on a prononcé le nom de Goff à Pipkin, son visage s’est illuminé. « C’est mon homme, jusqu’à la mort », a-t-il lancé avec conviction.

 

Ce n’est aucunement étonnant d’entendre que Pipkin s’est empressé de discuter avec Goff quand les Alouettes l’ont libéré il y a deux mois.

 

« On a beaucoup parlé ensemble et il a fait la même chose avec sa mère. On lui a vraiment suggéré de s’accrocher, d’attendre et de travailler encore plus fort », a relaté Goff.

 

Où se cachait ce joueur à l'entraînement?

 

Ironiquement, Mike Sherman disait il y a peu de temps que Pipkin était un meilleur joueur depuis son retour avec l’équipe. Le principal intéressé ne peut pas nier le constat.

 

« Manziel se sent bien »

« Je suis d’accord et je dirais que c’est plus mentalement. Je suis revenu plus fort entre les deux oreilles, mon état d’esprit était différent. Lorsque je suis arrivé pour entamer le camp d’entraînement, c’était pour lutter pour un poste de partant.

 

« Ça ne s’est pas produit et j’ai fini par essayer de ne jamais faire la moindre erreur. Mais quand tu tombes dans ce mode, c’est là que tu as tendance à en faire. Je suis revenu plus prêt à surmonter n’importe quelle adversité », a exposé Pipkin en s’ouvrant davantage sur ce sujet.

 

L’adversité dont il parle, c’est aussi celle de la saison 2017. Il n’a jamais réellement fait partie de l’équation durant cette année et l’attente a été pénible pour Pipkin. Il voyait pourtant d’autres quarts-arrières comme Darian Durant, Drew Willy et Matthew Shiltz passer devant lui en disposant d’une marge de manœuvre.

 

« J’essayais de rester un bon coéquipier, voilà tout. C’est la meilleure chose à faire quand ce n’est pas ton rôle pour le moment. Si tu n’es pas un bon coéquipier d’abord, tu ne peux pas devenir un bon meneur », a réagi Pipkin face à cette situation.

 

Le chemin a fini par se libérer pour Pipkin. Il devra maintenant valider sa première sortie, mais on peut présumer que d’autres équipes seront attentives à la suite du dossier des quarts à Montréal.

 

Dans toute cette histoire, le plus étonnant demeure de comprendre comment il n’a pas pu se détacher du lot lors des entraînements. C’est facile de blâmer l’état-major des Alouettes, mais les journalistes présents – incluant votre humble serviteur – n’ont jamais remarqué un potentiel si frappant malgré un bras intrigant.

 

« C’est probablement parce qu’il devait se concentrer sur les aspects fondamentaux, le côté plus technique et lecture du jeu. Dans un match, c’est différent, tu tombes dans le mode que tu dois faire tout en ton possible pour gagner », a déduit Willie Mays, un ancien coéquipier de Pipkin à Tiffin.

 

Mays s’est joint aux Alouettes à la fin juillet et il a retrouvé le même homme qu’à l’université.

 

« À mes yeux, il n’a pas tant changé parce que je suis arrivé à Tiffin quand il était déjà un joueur établi, un meneur, un modèle. Il se soucie des autres et il investit du temps. Je m’attendais à le voir jouer de cette manière. On pourrait penser que la plupart des gens seraient nerveux dans un contexte semblable, mais pas lui. Il était prêt à exécuter son travail », a-t-il mentionné.

 

Pipkin était le 15e quart-arrière à se voir confier un départ après l’ère Calvillo. Et si le 15 était le chiffre chanceux.

Manziel toujours absent de l'entraînement