En ce bel après-midi d’été annonçant le début imminent de la saison des Alouettes de Montréal, Anwar Stewart appréciait le soleil entouré de ses amis et en les divertissant comme à l’habitude avec quelques plaisanteries de son cru.

L’an dernier, cette scène n’aurait rien eu de particulier, mais cette fois, celui qui est surnommé « Stew » était le seul du groupe qui n’arborait pas un chandail des Alouettes. La raison est fort simple, le chasseur de tête a changé de chapeau pour devenir entraîneur en 2014 et il s’avère maintenant plus approprié de l’appeler « coach Stewart ».

Sympathique comme pas un, Stewart est le dernier à insister sur cette nouvelle appellation et il n’a nullement l’intention d’altérer le côté énergique et amusant de sa personnalité dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

« Je peux garder mon côté amusant pour détendre l’atmosphère, mais il y a une mince ligne à ne pas franchir dans le rôle que j’occupe maintenant. Je veux quand même garder un niveau élevé d’énergie grâce à ma personnalité », a-t-il commenté avant de recevoir les plus chaleureux applaudissements de la présentation parmi les entraîneurs.

Dans son rôle d’entraîneur du contrôle de la qualité en défense, l’ancien joueur de ligne offensive ne doit justement pas céder à la tentation de modifier sa personnalité pour établir son autorité.

Tom Higgins« Il sait quand il doit être sérieux ou quand il peut s’amuser et on lui permet d’être lui-même. C’est un peu comme quand j’essaie d’être comique et que ma famille ne comprend pas mes blagues ou bien qu’elle rit quand ce n’était pas une blague. Quand tu es un jeune entraîneur, tu ne dois pas essayer de copier un autre entraîneur, ce ne serait pas une approche crédible », a précisé Tom Higgins (photo) qui en sera à sa première campagne aux commandes des Alouettes.

« En tant qu’entraîneur, c’est primordial d’être honnête envers soi-même et les autres. Tu ne dois pas jouer un jeu avec les joueurs. Dans une réunion, j’ai insisté avec Anwar sur le fait qu’il est maintenant coach Stewart et plus Stew. Il comprend également la différence de sa relation avec les joueurs », a renchéri Noel Thorpe, le coordonnateur défensif qui sera en quelque sorte son patron immédiat.

La distance sera probablement plus ardue à créer avec certains joueurs dont ses plus grands amis comme John Bowman et Josh Bourke. De l’avis de ceux-ci, il n’y a aucun danger que Stewart renonce à ses forts traits de personnalité.

« Stew, c’est Stew et il ne changera pas pour personne. Il reste le même peu importe que tu l’aimes ou non, mais les gens l’adorent car il est très charismatique et passionné », a indiqué Bourke.

« Il a toujours été un homme extraverti et il continuera de donner son opinion. De plus, avec un entraîneur posé comme Tom Higgins, ça prend aussi des entraîneurs plus énergiques pour assumer d’autres mandats », a précisé Bowman qui prétend que Stewart apprend graduellement à se camper dans sa perspective d’entraîneur.

Une charge de travail colossale

Durant sa carrière de 13 saisons comme joueur, Stewart ne ménageait pas les efforts, mais il est en train de réaliser que le travail à accomplir s’avère encore plus exigeant même si l’équipement ne repose plus sur ses épaules.

« Je pense qu’il a fait un saut, il ne se doutait pas que les entraîneurs se préparaient autant même pour les entraînements. De mon côté, j’ai été chanceux puisque j’ai gagné en expérience avant d’accepter ce poste avec les Alouettes », a raconté André Bolduc, l’entraîneur adjoint à l’attaque.

Chacun à leur tour, Higgins et Thorpe (photo) ont souligné que les joueurs ignorent tout de ce qui les attendra en devenant des entraîneurs.

« Bien sûr, ça implique toujours des ajustements quand tu fais ce saut. Les joueurs ne réalisent souvent pas les heures exigées et à quel point ce n’est pas si évident de rester debout sur les lignes de côté au lieu de courir sur le terrain », a visé Higgins qui se réjouit de la contribution des nouveaux entraîneurs.

Ainsi, Stewart s’est retrouvé à bûcher en décortiquant le système des Alouettes et il en fera autant en analysant celui des adversaires. Par conséquent, il a perdu un précieux privilège réservé aux athlètes. Noel Thorpe devant Anwar Stewart

« Les gens me demandent souvent si je m’ennuie de ne plus être un joueur, mais les deux dernières années – durant lesquelles son rôle a été limité - m’ont aidé à me préparer pour l’étape suivante. Par contre, je peux vous dire que je m’ennuie des siestes! », a lancé avec un grand sourire celui qui se fait parfois taquiner par ses nouveaux élèves à propos de son changement de carrière.

Pour cette première saison parmi le personnel d’entraîneurs des Oiseaux, Stewart multipliera les tâches les moins amusantes. Tradition oblige, il doit gravir les échelons en commençant par un poste moins prestigieux.

« Avant tout, son rôle est d’aider le personnel d’entraîneurs et c’est ainsi qu’il contribuera dans l’organisation. Ensuite, avec son bagage de 13 saisons, il établira une relation intéressante avec les joueurs qui s’identifient à lui. Ils pourront lui poser des questions et ils seront parfois plus confortables de discuter avec lui pour apprendre comment avoir du succès dans la LCF », a détaillé Thorpe.

« Il doit gagner ses galons en commençant au bas de la pyramide, mais il pourra aussi donner des perspectives intéressantes aux joueurs de la ligne défensive pour briller dans certaines situations. Il connaît aussi plusieurs joueurs dans la ligue donc il peut transmettre des trucs contre certains adversaires », a reconnu Bourke qui suit avec intérêt le parcours de son copain.

« Il possède tellement d’expérience avec tout ce qu’il a vécu dans cette ligue et ce n’est pas toujours le cas avec les entraîneurs. Ceci fait qu’on respecte automatiquement ses consignes même s’il était un coéquipier tout récemment », a relevé Marc-Olivier Brouillette.

John BowmanEn mesure d’imposer la discipline

Pour l’instant, Stewart n’a pas eu besoin d’utiliser plusieurs trucs de son répertoire pour se faire respecter par ses coéquipiers. Tout de même, Bourke se souvient d’une anecdote amusante au sujet d’un joueur qui a gaffé pendant le camp d’entraînement.

« Un joueur avait oublié son cahier de jeux et il m’a passé le message de lui ramener le derrière rapidement à sa chambre pour qu’il revienne avec son cahier sans tarder! Il apprend qu’il doit parfois se montrer intransigeant quand la situation l’exige », s’est rappelé Bourke en riant.

Ce serait amusant de voir comme Stewart réagira la première fois qu’il devra semoncer Bowman, son fidèle acolyte.

« J’étais garçon d’honneur à son mariage alors il doit montrer aux autres joueurs qu’il peut aussi me réprimander et qu’il n’a pas peur de crier après moi. Quand tu deviens entraîneur, tu dois montrer aux joueurs que tu ne crains pas de faire de la discipline », a confié Bowman (photo).

Stewart prétend que les réprimandes viendront surtout des entraîneurs au haut de la hiérarchie et il désire éviter des pièges aux joueurs moins expérimentés.

« Il y en a plusieurs qui me rendent la vie difficile comme Chip Cox ou John Bowman… Plus sérieusement, les jeunes doivent devenir des éponges pour bien maîtriser les nuances du football canadien et suivre mes conseils sur le fait de vivre dans une aussi grande ville que Montréal », a fait remarquer l’auteur de 10 interceptions, 70 sacs et 294 plaqués dans la LCF. Anwar Stewart

Pour arriver à ses fins, Stewart mettra à profit ses acquis obtenus durant son diplôme en psychologie.

« Je ne savais pas exactement ce que j’allais faire après ma carrière de joueur, mais je savais que j’allais travailler avec des personnes plus jeunes et j’ai la chance de pouvoir « coacher » en même temps. Ça me permet de devenir un mentor pour des plus jeunes et même des plus vieux donc j’ai l’impression d’être utile et je m’amuse. »

Rarement immobile sur le terrain à son époque de joueur, Stewart vise déjà une promotion la saison prochaine. En se fiant aux rôles d’entraîneurs occupés par ses anciens coéquipiers et adversaires (comme Barron Miles et Mike O’Shea), il rêve d’un poste de coordonnateur défensif et même d’entraîneur-chef en regardant l’horizon.

Au fil du temps, il essaiera de convaincre ses pairs qu’il mérite une telle ascension. Mais, à première vue, ça semble faire l’unanimité qu’il possède les atouts requis.

« Il a les capacités mentales pour accomplir cela. Stew n’était pas l’athlète le plus doué ni le plus rapide, mais il était l’un des plus intelligents et c’est l’un des aspects que j’ai essayé d’imiter chez lui », a conclu Bowman qui réalise qu’il vieillit en voyant son comparse accéder à ce poste.