Le camp d’entraînement des Alouettes est en branle depuis quelques jours dans les Cantons de l’Est. Voici mes premières observations à l’aube de cette nouvelle saison.

1. Le langage de Dan Hawkins

C’est évidemment la grosse histoire dans l’entourage de l’équipe. Avec le départ de Marc Trestman, c’est une nouvelle ère qui débute chez les Alouettes.

J’ai toujours cru que le football était le sport où le coaching était le plus important. Au niveau stratégique, les joueurs sont carrément des pions que l’entraîneur doit déplacer ingénieusement. Il doit aussi assurer une bonne cohésion au sein de cet imposant groupe. C’est gros, une équipe de football, et c’est le rôle du chef de la bande de bien contrôler le vestiaire et d’appuyer sur les bons boutons pour soutirer le maximum de chacun.

Heureusement pour lui, Dan Hawkins prend le contrôle d’un groupe bien rodé, de joueurs qui ont été éduqués au sein d’une culture gagnante. Par contre, il est le leader d’un personnel composé d'assistants qui n’ont jamais travaillé ensemble. Il devra donc développer la chimie à l’intérieur même de son équipe d’entraîneurs et ensuite transférer la recette de cette symbiose à ses joueurs.

Depuis la tenue du mini-camp en Floride, Hawkins répète que l’une des choses qu’il apprécie de ses nouveaux joueurs, c’est leur attention aux détails. Mais la réalité, c’est qu’il n’a jamais dirigé des professionnels. Alors est-ce seulement une impression qu’il a en raison du niveau de maturation plus élevé de ses ouailles? Ou est-ce vraiment le constat d’une caractéristique propre au groupe que lui a laissé son prédécesseur?

Hawkins insiste aussi pour dire qu’il va conserver le même « langage » dans son enseignement. Mais ce point, à mon avis, n’est pas prioritaire. En fait, tout le monde peut apprendre un nouveau langage. Ultimement, c’est ce que tout ce verbiage dicte qui compte. L’ajustement au personnel en place devra être plus profond que ça et si on se fie aux récents commentaires d’Anthony Calvillo, ça ne semble pas encore être le cas.

Dan Hawkins s’adaptera-t-il réellement aux forces des joueurs qu’il a sous la main ou imposera-t-il un cahier de jeux complètement nouveau? Le coach apprend tout présentement. Ce sera intéressant d’observer la vitesse à laquelle il saura se mettre à jour.

2. La présence réconfortante d’AC

Dans cette petite période d’incertitude, il est bon de savoir que le club peut compter sur Anthony Calvillo, un vétéran qui n’a vraiment plus besoin de présentation.

Je pense qu’on ne saisira vraiment l’importance d’AC qu’une fois qu’il sera parti et que la vie devra continuer sans lui. Il est ici depuis si longtemps qu’on le prend souvent pour acquis, mais si on regarde le nombre de quarts-arrières qui sont passés dans la LCF depuis qu’il est en charge à Montréal... Juste pour vous donner une idée, je lisais que les Blue Bombers de Winnipeg avaient eu quelque chose comme 78 quarts sous contrat depuis 1991. Pouvoir compter sur un joueur étoile à cette position pendant 15 saisons, c’est véritablement un luxe.

Un luxe qui pourrait bientôt échapper aux Alouettes.

À chaque année, le sentiment d’urgence de devoir développer un successeur de qualité prend de l’ampleur. C’est pourquoi je suis extrêmement déçu du départ récent de Kyle Quinlan, que je considère certainement comme le meilleur jeune quart-arrière canadien à avoir effectué son stage universitaire dans son pays natal.

L’ancien des Marauders de McMaster avait une réelle chance de se tailler un poste au sein du club, aux dires du directeur général Jim Popp. À mes yeux, il aurait débuté la saison comme no 3 avec l’étiquette d’un beau projet à développer au cours des prochaines années. Mais il a plutôt décidé de poursuivre une carrière d’entraîneur. C’est un choix personnel et tant mieux pour lui si ça fait son bonheur, mais j’aurais bien aimé voir ce qu’il aurait pu apporter.

Quand même, les Alouettes ne sont pas dépourvus de relève derrière le centre. Quinton Porter, à mes yeux, est un meilleur quart-arrière que celui qu’il remplace. Lorsqu’il fera son entrée dans un match, non seulement il pourra s’acquitter des courts gains sur les troisièmes essais avec autant d’efficacité qu’Adrian McPherson, mais il sera aussi en mesure de chausser les souliers du partant avec plus de succès s’il doit le faire.

Est-il la solution à long terme? Je l’ignore, mais il est certainement un meilleur plan B pour le moment.

Josh Neiswander, dont on parle beaucoup moins, pourrait s’avérer une belle carte cachée. Il est discret, mais mes amis dans le vestiaire de l’équipe n’ont que des bons mots à son sujet. Jusqu’ici, il a très bien fait en matchs préparatoires. Je ne détesterais pas avoir la chance de voir ce qu’il peut faire en saison régulière.

3. Court séjour pour Rhodes?

La compétition s’annonce féroce dans le champ arrière, où l’arrivée inattendue d’un visage bien connu pourrait signifier la fin du rêve canadien pour un vétéran de la NFL.

Brandon Whitaker, c’était de l’histoire ancienne à Montréal. Blessé sérieusement à un genou, on ne le voyait plus dans les plans des Alouettes, du moins pas pour 2013. Puis on apprend qu’il signe un contrat de trois ans, mais qu’il serait étonnant de le revoir sur le terrain avant la mi-saison.

Et maintenant quoi? Whitaker s’exerce avec la première unité offensive dès le début du camp d’entraînement. Cette étonnante progression représente toute une nouvelle pour les Alouettes, qui semblaient, il n’y a pas si longtemps, se diriger vers un champ arrière complètement canadien avec Jerome Messam et Steven Lumbala.

À mon avis, le retour de Whitaker dans le portrait signifie que Dominic Rhodes, cet ancien des Colts d’Indianapolis, vit sur du temps emprunté à Montréal. Je trouve l’expérience intéressante et je salue l’attitude positive dont il semble faire preuve depuis le début de son essai, mais à 34 ans, je pense que la pente est pas mal abrupte pour lui. La Ligue canadienne est faite pour un porteur de ballon vif, énergique, qui couvre beaucoup de terrain. Je doute que la mécanique usée de Rhodes lui permette de suivre la cadence d’un calendrier complet.

Et je n’ai pas encore parlé de Chris Jennings... Je ne peux pas croire que les Alouettes, avec les cartes qu’ils possèdent dans leur jeu, garderaient trois demis à l’attaque américains.

4. La prochaine coqueluche

À chaque année, il est intéressant de surveiller les Québécois qui ont la chance de se démarquer au camp des Alouettes.

À pareille date l’an dernier, Patrick Lavoie se donnait corps et âme pour tracer les premières lignes de ce qui allait s’avérer être le début d’une très belle saison recrue. Malheureusement pour Patrick, une blessure au dos l’empêche présentement de participer aux activités régulières de l’équipe et son avenir à court terme est quelque peu incertain. La guigne de la deuxième année le frappe de plein fouet avant même le premier botté d’envoi.

Patrick va apprendre et grandir à travers cette épreuve qu’il traverse, j’en suis convaincu. Il m’est arrivé exactement la même chose à ma deuxième année chez les pros, la plus difficile de toute ma carrière, alors je sympathise de tout cœur avec lui.

D’un point de vue plus positif, les Alouettes ont fait le plein de talent local cet hiver et la prochaine coqueluche francophone des partisans pourrait bien être le secondeur Nicolas Boulay. L’ancien du Vert et Or de l’Université de Sherbrooke est un excellent plaqueur et pourra contribuer sur les unités spéciales (j’y reviendrai un peu plus tard) dès le début de sa carrière. On verra où ça le mènera ensuite, mais c’est là qu’il pourrait faire ses classes, apprendre et s’ajuster à la vitesse du jeu et à la grosseur des joueurs.

5. Une faiblesse bien ciblée

On se posait la question depuis quelques années : les Alouettes prendront-ils un jour les moyens pour régler leurs problèmes sur les unités spéciales?

Il faudra attendre pour connaître les résultats, mais des gestes concrets ont été posés. D’abord, il y a eu l’embauche de Ray Rychelski comme entraîneur uniquement dédié à cette phase du jeu. Ça peut sembler anodin, mais l’ancien régime n’avait pas jugé bon de créer un poste semblable. Un entraîneur qui se consacrera à 100 % au talon d’Achille de l’équipe, c’est une excellente nouvelle.

De plus, l’état-major du club a repêché directement en fonction des unités spéciales. Ses deux choix de première ronde, Mike Edem et Lumbala, pourront jouer un rôle capital dans ces circonstances dès leur saison recrue. Même chose pour Boulay, un choix de quatrième ronde. Le renfort supplémentaire ajouté via le marché des joueurs autonomes me laisse croire qu’un grand pas a été fait dans la bonne direction pour régler un problème récurrent.

6. Plus simple, plus efficace

L’année dernière, l’expérience Jeff Reinebold comme général de l’unité défensive a été une vraie catastrophe. En finale de l’Est, en route vers une défaite contre les Argonauts de Toronto, on voyait des gars se crier par la tête sur les lignes de côté, signe évident d’une confusion anormale pour cette période de l’année.

Et voilà qu’arrive Noel Thorpe, qui s’en vient faire le ménage avec un système plus simple, une expérience rassurante et des qualités de pédagogues supérieures. Thorpe va notamment ramener le système 4-3 qui a fait le succès de ce groupe dans le passé. Exit la fantaisie et les excès de créativité : le nouveau boss va laisser ses joueurs s’exprimer plus librement avec une agressivité renouvelée.

Parmi les changements au niveau du personnel, vous retrouverez maintenant Kyries Hebert dans le front défensif au poste de secondeur. Aux côtés de Shea Emry et Chip Cox, Hebert sera naturellement plus près du jeu et pourra cogner à sa guise. De plus, cette mutation permettra aux Alouettes d’ouvrir une compétition entre les jeunes Canadiens Edem et Daryl Townsend au poste de maraudeur.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.