Le meurtre de George Floyd le fait réfléchir par rapport à son fils
Alouettes samedi, 27 juin 2020. 08:00 jeudi, 12 déc. 2024. 03:38MONTRÉAL – Dans les derniers mois, la nature positive de Jake Wieneke a été mise à rude épreuve. D’abord, il habite à 15 minutes de l’incident qui a coûté la vie à George Floyd. Ensuite, sa femme a accouché du premier enfant de la famille, un bambin qui devra composer avec les défis d’être un homme noir. C’est sans oublier son éprouvant contexte professionnel alors que la LCF ne détient aucun plan concret pour la saison 2020.
Malgré tout, Wieneke parvient à voir la vie avec le sourire.
« Je suis à la maison, au Minnesota, avec ma famille et ma femme. On vient juste de devenir parents pour la première fois, mon fils est né en mai. Il a sept semaines. Évidemment, on passe beaucoup de temps avec lui, j’apprends à être un père. Ce fut bien amusant jusqu’à présent », a-t-il raconté avec un sourire de fierté approprié.
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Puisqu’il réside chez ses parents avec sa femme et son fils, il n’a pas eu à se préoccuper d’enjeux financiers et il peut témoigner d’actions positives en lien avec l’énième cas de brutalité policière.
« Bien des éléments positifs ont émané de cette histoire. Les gens se sont unis davantage. Bien sûr, il y avait bien des divisions au départ, mais on assiste à des gestes pacifiques désormais et l’idée demeure de favoriser un changement. De belles choses sont survenues dans les dernières semaines. C’est cool de voir ce vent de changement », a ajouté le receveur de 25 ans.
« J’ai pu me rendre au mémorial (qui a été érigé à sa mémoire) et voir des choses très encourageantes, des gens de différentes nationalités qui se rassemblent pour la cause », a raconté celui qui a été choisi la recrue par excellence dans l’Est en 2019.
Cela dit, c’est impossible de ne pas être affecté par une telle histoire surtout quand les tensions explosent si près de notre domicile.
« C’était plutôt fou et déchirant de voir ce qui s’est passé avec cet homme. Se faire tuer ainsi. Ce fut une période vraiment particulière. On a vu des débordements, des vols. Des amis et mon frère sont allés là-bas, ils ont été témoins de choses complètement folles. Des gens qui pillaient, on dirait qu’il n’y avait plus de règles », a décrit Wieneke avec désolation.
Le meurtre de George Floyd déploie une portée encore plus personnelle puisque la femme de Wieneke est d’origine afro-américaine.
« Pour moi, étant blanc, c’est plus difficile de comprendre ce qu’ils peuvent vivre. J’ai beaucoup parlé de la situation avec Vernon (Adams fils). D’autant plus que lui et moi avons eu des fils en mai, le même mois que George Floyd a été assassiné. Nos deux garçons vont grandir en tant que des hommes noirs dans cette société. De réaliser que ça pourrait arriver à notre fils, ça rend le tout encore plus personnel. Vernon m’a éclairé à plusieurs égards sur ces enjeux », a-t-il confié en parlant du quart-arrière des Alouettes.
Cette immense cause sociale a donc été au cœur de plusieurs de ses discussions avec ses coéquipiers. Le sujet était encore plus incontournable alors que le porteur de ballon James Wilder s’est impliqué à fond dans les manifestations pacifiques. Sa longue réflexion a également mené à l’annonce de sa retraite hâtive.
« C’est une bonne personne, j’avais eu la chance de le rencontrer en mars. C’était la première fois, je l’avais vu jouer et on l’avait affronté. Il m’a paru comme une personne formidable, un bon père de famille. Je suis convaincu qu’il a voulu prendre la meilleure décision pour sa famille. Je suis excité pour lui, il a connu une belle carrière », a réagi Wieneke à ce sujet.
Professeur d'éducation physique comme plan B
Diplômé en enseignement de l’éducation physique, Wieneke avait déniché le contrat idéal pour la fin de l’hiver. Il a agi pendant six semaines en tant que remplaçant dans une école à proximité de la maison familiale.
« Je remplaçais d’ailleurs une amie de la famille. C’était génial, j’ai pu jouer à plusieurs sports avec eux, leur enseigner des trucs. Je me suis bien amusé. De plus, en restant pendant six semaines, j’ai pu développer de belles relations, c’est parfois difficile quand tu remplaces uniquement pendant une journée », a décrit l’athlète de six pieds quatre pouces.
Par la force des choses, cette excellente option pour compenser l’absence de revenus du football est tombée à l’eau avec la pandémie.
Wieneke, comme ses coéquipiers et ses adversaires, doit par conséquent composer avec un mélange de frustration et d’incertitude. Toutefois, il s’assure de conserver de l’espoir pour les prochains mois.
« C’est clairement un test de patience, on ne sait pas encore ce qui arrivera. En même temps, on doit demeurer prêts pour une saison et je demeure 100% confiant qu’on sera en mesure de jouer une saison. C’est difficile de ne pas savoir, mais on conserve notre confiance. J’essaie de toujours regarder le côté positif des choses. En étant ici, au Minnesota, on dirait que les choses reviennent à la normale. Je n’en sais pas autant pour le Canada, mais on dirait qu’on se dirige dans la bonne direction », a-t-il déclaré.
Sans surprise, Wieneke préfèrerait tout de même que la LCF ait déjà élaboré un plan concret pour sauver la mise en 2020. Le circuit canadien tarde à y parvenir comparativement à la LNH, la MLS, la NBA, la NFL et même le Baseball majeur.
« Ouais, ça peut être frustrant. Tout ce qu’on veut, c’est de jouer au football. La saison morte est vraiment longue cette fois. Mais, d’un autre côté, j’ai pu apprécier ces moments et m’entraîner. Quand l’incertitude règne, ça peut devenir fâchant. J’ai des amis dans d’autres circuits professionnels comme la NFL et ils semblent disposer d’un plan plus concret. J’ai l’impression que ça viendra », a répondu l’auteur de huit touchés en 2019.
En ce qui concerne le risque relié au retour à l’action, il reconnaît que ça le tracasse, mais il se console en remarquant que la majorité des athlètes qui ont été déclarés positifs se remettent assez bien du coronavirus.
Un support impressionnant de sa famille
Le dernier match des Alouettes remonte déjà au 10 novembre, une pause de plus de sept mois pour l’instant. Parfois, la saison 2019 semble avoir été jouée il y a de cela une éternité.
Par contre, Wieneke en conserva toujours de beaux souvenirs et pas seulement en raison de ses performances sur le terrain. Ne reculant devant rien, ses parents ont acheté une fourgonnette pour parcourir des milliers de kilomètres à partir du Minnesota afin d’assister à ses matchs.
« Je n’étais pas tant surpris considérant que mes parents ont été présents pour tous mes matchs auparavant. Mais j’étais assurément excité. C’est tellement merveilleux de les retrouver pour chaque partie. Parfois, tu peux t’ennuyer de la maison, mais tu vois ta famille après un match et ça te fait tant de bien. Mon frère est aussi venu à plusieurs matchs et ma femme était présente pour chaque rencontre à domicile et certaines à l’étranger », a exposé Wieneke qui vient d’un clan tissé serré.
« Ils ont conduit de très longues heures et ils ont aussi fait de belles découvertes en chemin. Quand ils sont venus nous voir à Calgary, ils ont pu se rendre à Banff. Bref, ils ont accumulé de très beaux souvenirs et j’étais parfois un peu jaloux de ne pas vivre ça avec eux », a admis l'homme qui a participé à une mission en Afrique en 2018.