Je ne vous cacherai pas que les derniers jours ont été empreints d'émotions. Se déchirer le ligament croisé antérieur droit en fin de saison, à une semaine de la présentation de la finale de la coupe Grey, a entraîné son lot de frustrations chez le compétiteur que je suis.

Reste qu'à travers cette amère déception, j'ai été en mesure de garder la tête haute et de demeurer positif. Avec du recul, je regarde les bons résultats que j'ai compilés au cours de la présente campagne et cela aide à avaler la pilule. Les blessures font partie intégrante du football et je dois vivre avec.

Au moment où vous lirez ces lignes, je serai probablement déjà rendu à Edmonton, là où aura lieu la 98e finale de la Ligue canadienne de football. Et croyez-moi sur paroles lorsque je vous dis que j'ai l'intention de m'impliquer aux meilleures de mes capacités afin d'aider mon équipe à gagner un deuxième championnat en autant de saisons.

Je considère que je suis un leader et un gars respecté dans le vestiaire des Alouettes, et je ne vois pas en quoi la blessure que j'ai subie dimanche dernier contre les Argonauts de Toronto changerait quoique ce soit à ce statut.

Tout au long de la prochaine semaine, je serai donc présent à toutes les pratiques et à toutes les rencontres d'équipe. La formation qui soulèvera la coupe Grey le 28 novembre prochain sera celle qui aura le mieux étudié son adversaire, et j'ai l'intention de faire partie intégrante de cette préparation.

La coupe Grey d'abord, le futur ensuite

Les questions concernant mon éventuel retrait du football professionnel ont refait surface au cours des derniers jours. En toute honnêteté, je n'ai pas vraiment la tête à penser à ce qui va se passer dans mon futur. La retraite? Y songer en ce moment me ferait passer à côté de toute la frénésie qui entoure la semaine de la coupe Grey, et ça, je sais que je le regretterais amèrement.

Il se peut que ce soit ma dernière saison dans la LCF, et si c'est le cas, et bien je veux pouvoir me dire avec un certain recul que j'aurai vécu chaque moment de la prochaine semaine comme il se doit, soit en tant que joueur et membre important des Alouettes de Montréal.

Et une fois que la coupe Grey aura été jouée, une fois que j'aurai eu l'occasion de discuter avec mes médecins, avec ma famille, avec mes proches et mes entraîneurs, alors je prendrai une décision. Pour l'instant, je ne pense qu'aux succès de mon équipe.

L'ambiance unique d'une semaine de la coupe Grey

Il y a une frénésie particulière qui entoure les activités organisées dans le cadre de la semaine de la coupe Grey. La ville hôtesse est imprégnée d'une ambiance festive où les partisans de toutes les équipes partagent leur passion envers le football, passion qui ne déborde pas les contours de l'esprit sportif. C'est un beau happening.

Évidemment, les partisans des Roughriders seront en grand nombre à Edmonton cette semaine. Ce sera finalement un match à la maison pour eux, encore une fois. Nous nous attendons donc à ce que la foule soit hostile, à ce qu'une véritable vague verte se déferle sur le stade du Commonwealth. Reste que cette situation nous est familière puisque nous l'avons vécu l'an dernier à Calgary.

Et ce public hostile aura une incidence sur notre équipe, cela changeant la dynamique avec laquelle Anthony Calvillo dirigera notre attaque. Lors de la finale de l'Est disputée devant un Stade olympique rempli à pleine capacité, nous avons vu toute la portée que peut avoir l'avantage du terrain.

Les 58 000 personnes qui ont assisté à cette rencontre ont été très bruyantes lors des séries offensives des Argonauts, et cela a déstabilisé le synchronisme et la cadence des receveurs torontois. Il faudra donc faire attention pour ne pas se faire jouer le même tour dimanche prochain, et c'est pourquoi Anthony devra utiliser beaucoup de signaux afin de s'assurer de bien communiquer avec son attaque.

Refroidir les ardeurs de Durant et du jeu aérien

Les Roughriders peuvent compter sur un très bon groupe de receveurs de passes. Si on porte une attention particulièrement à nos derniers affrontements contre les Riders, on réalise que leur attaque au sol n'a pas brillé de tous ses feux. D'ailleurs, peu d'équipes ont eu du succès au sol contre nous cette saison. À titre d'exemple, on n'a qu'à souligner la neutralisation complète de Cory Boyd la semaine dernière.

Par contre, s'il y a bien une facette du jeu où la Saskatchewan est parvenue à menotter notre unité défensive, c'est bien au chapitre de l'attaque aérienne.

Lorsque le quart-arrière Darian Durant se réchauffe, il peut devenir très dangereux, d'autant plus qu'il peut compter sur des receveurs intelligents qui connaissent bien les systèmes de jeu et qui savent comment trouver des trous rapidement lors des couvertures de zone. Nous devrons donc mettre l'emphase et travailler fort en ce sens afin de s'assurer de bien contrer la passe.

We no speak americano

Il y a de ces moments au sein d'une équipe professionnelle où une chanson, sans qu'elle ait de signification particulière, entraîne le groupe dans une bonne atmosphère. Pour les Alouettes de Montréal, édition 2010, cette chanson est We no speak americano, de Yolanda Be Cool et Marco Calliari.

Pour vous mettre en contexte, depuis trois ans, Coach Trestman a implanté dans notre vestiaire le «système iPod». Que ce soit après un entraînement ou avant un match, notre entraîneur-chef nous demande d'utiliser nos écouteurs parce qu'il considère comme offensante la musique écoutée par certains gars dans le vestiaire.

L'autre jour, j'ai décidé de mettre We no speak americano à plein volume afin de semer la bonne humeur au sein de notre vestiaire. Nous avions entendu cette chanson plus tôt cette saison lors d'un match à Hamilton et tout le monde s'était mis à rire et à danser. L'effet de relaxation avait été vraiment bénéfique, et je me suis dit qu'à l'aube des séries, ce genre d'atmosphère ne pouvait certainement pas nuire.

Et c'est cette même ambiance que j'ai retrouvée chez mes coéquipiers lorsque les haut-parleurs se sont mis à cracher les notes entraînantes de cette chanson. Ça m'a d'ailleurs rappelé une scène du film The Shawshank Redemption où le personnage interprété par Tim Robbins parvient à faire jouer de l'opéra partout dans la prison où il est détenu. Personne parmi les prisonniers ne comprend quoi que ce soit à cette mélodie, mais puisqu'ils n'ont jamais le droit d'écouter de la musique, ils apprécient la pièce musicale.

Coach Trestman a appuyé le geste. C'est un entraîneur très discipliné qui demande le respect et qui a des règles bien établies, mais il est ouvert aux compromis lorsque cela a du sens et que ça peut être justifié.

Nous n'avons donc sûrement pas fini d'entendre We no speak americano tout au long de la semaine de la coupe Grey...

*Propos recueillis par Guillaume Rivest