MONTRÉAL – Été 1989. Pierre Vercheval se prépare pour sa deuxième saison dans la LCF avec les Eskimos d’Edmonton. Sa conjointe l’appelle pour prendre de ses nouvelles et elle lui demande ce qu’il pense de son nouveau colocataire. « Je ne suis vraiment pas inquiet pour lui, il va se rendre loin dans la vie. C’est un bright avec une belle personnalité ». Il avait vu juste, 28 ans plus tard, Randy Ambrosie a été nommé commissaire de la LCF.

 

Le courant s’est développé naturellement entre les deux hommes. Une belle preuve que l’amitié a eu le dessus sur une possible rivalité sportive.

 

« C’était ma deuxième année avec les Eskimos alors qu’il venait d’être échangé à Edmonton. Mon premier contact avec lui avait été correct, mais le truc c’est que je voulais être partant comme garde à droite et il venait d’aller le chercher, lui qui était un garde à droite. Ma première réaction avait été un peu de me dire qu’il allait prendre ma job. C’était un vétéran établi, un excellent joueur. Mais c’était avant d’apprendre à le connaître! », a noté Vercheval qui a été déplacé garde à gauche où il est resté pour le reste de sa carrière.

 

« J’ai conservé des souvenirs très clairs de cette année. C’était facile de devenir ami avec lui, Pierre est tellement authentique. Il a une si belle volonté de réussir et j’ai constaté que Pierre serait toujours là pour me supporter », s’est rappelé Ambrosie.

 

Le plaisir s’est installé entre les deux hommes qui aiment rire, travailler et … manger !

 

« On a tellement bien cliqué pendant le camp d’entraînement qu’il m’a demandé si je souhaitais partager un logement avec lui. Sa femme était à Calgary, il avait besoin d’un appartement.

 

« L’aventure a commencé comme ça. Sans le savoir au début, je venais de rencontrer un coéquipier, un cochambreur, un coloc et un ami pour la vie ! C’est quand même spécial quand j’y pense », avoue Vercheval à propos de celui qui a été son coéquipier de 1989 à 1992.

 

Durant cette année à partager un logement, Ambrosie a découvert un ami qui avait un appétit plus vorace que le sien. Du moins, selon ce qu’il dit.

 

« Il a un appétit fantastique. On a cuisiné des trucs étranges ensemble, ce n’était clairement pas de la gastronomie. Mais, même si ce n’était pas si extraordinaire, ça ne freinait pas l’ardeur de Pierre. Ça ne l’a jamais empêché de se prendre une deuxième ou une troisième assiette. C’est clairement lui qui mangeait le plus », a raconté Ambrosie en s’assurant d’agacer son copain.

 

« Parce que lui ne le faisait pas ? Ok, ça se peut que je mangeais un peu plus », a admis, en riant, l’analyste football à RDS.

 

De telles révélations ne sont pas étonnantes pour des joueurs de ligne offensive. Là où Ambrosie a été surpris, c’est par l’autre passion de Vercheval.

 

« Je n’avais jamais rencontré personne qui aimait autant regarder le sport que lui. Il aime tout ! À cette période de ma vie, je n’avais développé qu’un petit intérêt pour le tennis contrairement à lui. Il a regardé plus de sports pendant cette année que j’ai pu en regarder dans les cinq auparavant. C’est un amoureux du sport », a exposé Ambrosie en expliquant le cheminement suivi par Vercheval pour sa deuxième carrière.

 

Ambrosie pensait déjà à sa deuxième carrière

 

Si Vercheval s’est établi comme une référence dans son domaine d’analyste sportif, Ambrosie a excellé dans le monde des affaires. Il s’est retrouvé à la tête de plusieurs entreprises d’envergure qu’il a dirigées avec succès.

 

Ambrosie revient donc dans la famille au sein de laquelle il a disputé neuf saisons (1985 à 1993) en savourant un championnat de la coupe Grey à sa dernière année.

 

Mais le natif de Winnipeg n’a pas été choisi uniquement pour son passé de joueur, bien au contraire. Ambrosie a hérité de ce mandat puisqu’il a réussi une deuxième carrière encore plus impressionnante.

 

Les deux hommes sont donc parvenus à s’imposer sur le terrain et à l’extérieur de celui-ci après leur retraite d’athlète. Ambrosie comprend le parallèle, mais il tient à souligner une différence. Randy Ambrosie

 

« Pierre était beaucoup plus axé sur sa carrière de joueur et je le dis d’une manière positive. Ce n’est pas pour rien qu’il a été intronisé au Temple de la renommée du football canadien. Il avait une grande force de concentration et ça explique sans doute pourquoi il est aussi bon dans sa deuxième carrière. Ils ont été plusieurs à me dire que personne ne se prépare plus que lui pour analyser un match. C’est un grand étudiant, il investit le temps nécessaire », a témoigné le commissaire.  

 

« De mon côté, je pensais déjà à ce que je voulais faire à l’extérieur du terrain. Même si j’aimais être un joueur, tous ceux qui ont joué avec moi savaient que mes plans à long terme étaient plus importants à mes yeux que ceux à court terme comme joueur. Je suis très fier de ma carrière, mais elle ne se compare pas à celle de Pierre. Ça m’arrive d’avoir des regrets en y repensant. J’avais déjà en tête que ce qui allait suivre après serait autant sinon pas plus excitant que d’être un joueur », a avoué Ambrosie avec un discours qu’on entend rarement.

 

Vercheval ne contredit pas son camarade, sauf qu’il a voulu ajouter deux précisions.

 

« Randy dit ça, mais c’est le même gars qui s’est déboîté le genou très souvent et qui a subi plusieurs opérations. Quelque part, il aimait le football pour y revenir avec ce que ça implique surtout qu’il avait déjà un autre emploi en finances », a soulevé Vercheval.

 

« Pour mettre les choses en perspective, il faut se rappeler que les réunions d’équipe commençaient seulement à 16h à cette époque pour donner la chance aux joueurs d’avoir un autre travail dans le jour parce qu’on ne faisait pas de gros salaires. On finissait nos journées avec deux heures de réunion et deux heures sur le terrain. Dans mon cas, j’étais plus orienté football et mes heures supplémentaires, je les passais dans le gymnase. »

 

Une anecdote savoureuse

 

Au fil du temps, les deux coéquipiers ont emménagé, chacun de leur côté, avec leur femme quand celles-ci sont venues les rejoindre à Edmonton.

 

« Nos blondes étaient bien proches et elles sont encore en contact même si on se voit moins souvent en raison de la distance. Quand leur première fille est née, c’est moi qui gardais leur maison et leur chien quand ils étaient à l’hôpital », a illustré Vercheval.

 

Ses trois filles font d’ailleurs souvent référence à une savoureuse anecdote impliquant « oncle Pierre » pour taquiner leur père.   

 

Ambrosie avait invité la famille Vercheval à venir les visiter à leur résidence secondaire située en bordure d’un lac. Un soir, tout le groupe s’est déplacé en bateau pour aller souper à un restaurant. Les enfants ont fini par retourner s’amuser sur le quai pendant que les parents finissaient le repas. Mais, rapidement, ils sont revenus pour les interrompre.

 

« Papa, il y a des inconnus dans notre bateau », ont lancé les enfants d’Ambrosie.

 

Pierre VerchevalSans tarder, il a suivi la recommandation de Vercheval d’aller jeter un coup d’œil pendant qu’il payait la facture.

 

En arrivant sur les lieux, Ambrosie a constaté que trois jeunes de 19 ou 20 ans avaient consommé de l’alcool dans son bateau. Les intrus venaient d’en sortir pour ravir le vélo d’un garçon qui ne pouvait retenir ses larmes.

 

Voulant prêter main-forte au garçon en pleurs, Ambrosie est allé voir les jeunes hommes pour leur demander de lui redonner son vélo. À sa surprise, les trois hommes ont plutôt décidé de l’entourer avec de mauvaises intentions. Mais, tout d’un coup, ils ont changé d’idée pour commencer à s’éloigner.  

 

« Je me suis dit qu’ils avaient fini par comprendre avec qui ils avaient affaire », a raconté Ambrosie en croyant que sa charpente les avait calmés.   

 

« Mais c’est là que j’ai entendu la voix de Pierre : ‘Randy, as-tu besoin de mon aide ?’ »

 

« Ils n’ont eu besoin que d’apercevoir Pierre pendant une fraction de seconde pour me laisser en paix ! »  

 

« Depuis cette journée, mes filles me taquinent en me disant que je suis un homme très brave en autant qu’oncle Pierre soit dans les parages ! », a-t-il conclu en rigolant.

 

Mardi, un deuxième texte sera publié dans lequel le commissaire de la LCF donnera son avis sur des enjeux concernant le circuit canadien.