MONTRÉAL – Et si on n’avait encore rien vu de ce que Sean Thomas-Erlington peut accomplir? Véritable révélation à travers la Ligue canadienne de football depuis le début de la saison, l’ancien de porteur de ballon des Carabins de l’Université de Montréal n’a fait qu’exposer une parcelle de son potentiel.

 

Il faut découvrir le parcours de Thomas-Erlington pour se dire que les recruteurs de la LCF n’ont sans doute pas aperçu un joyau qui était pourtant si près d’eux. Les Tiger-Cats de Hamilton ont fini par le sélectionner dans la huitième et dernière ronde en 2017 avec le 66e choix.

 

Le sympathique porteur de ballon a commencé à faire écarquiller les yeux l’an passé quand il a été l’homme de confiance des siens le temps d’un match. Sa récolte de 92 verges en 11 portées a révélé son talent au grand jour sans oublier son jeu spectaculaire qui a fait les manchettes à travers le pays.

 

Malgré tout, il a dû se contenter de 24 petites courses pour le reste des 15 autres parties de la saison régulière. L’entrée en scène d’Orlando Steinauer, le nouvel entraîneur-chef à Hamilton, a cependant catapulté sa carrière à un autre niveau.

 

C’est ainsi que Thomas-Erlington a été nommé le porteur de ballon partant, un exploit rarissime pour un Canadien, avant même le lancement du camp d’entraînement. Même le principal intéressé était très surpris de ce revirement de situation colossal.

 

« Je n’y croyais pas trop, je me disais qu’il allait sûrement embaucher un autre joueur d’ici le début des pratiques. Dès le lendemain, des joueurs et des entraîneurs venaient me voir pour me féliciter, mais je conservais un doute. Je me disais qu’il ne restait juste plus personne d’autre que moi (à la suite des transactions effectuées par l’équipe) et qu’ils pouvaient ajouter un joueur », a raconté Thomas-Erlington, mercredi, une vingtaine de minutes après son arrivée à Montréal en vue du match contre les Alouettes (dès 18h30 à RDS).

 

N’importe quel athlète ne voudrait pas bousiller une telle occasion. Lui, il a répondu en étant choisi parmi les trois joueurs par excellence du premier mois dans le circuit canadien. Cette mention lui revient grâce à une récolte de 224 verges (moyenne de 7 verges par course) et 193 verges aériennes (moyenne de 11 verges par attrapé).

 

Cette éclosion fascinante nous ramène à son cheminement au football. Lorsque les Carabins l’ont recruté au CÉGEP du Vieux-Montréal, Danny Maciocia nous a révélé que Thomas-Erlington était employé un peu comme un receveur dans une formation « wing t ». Il était le troisième porteur de ballon dans ce système, celui qui se positionne légèrement comme un ailier rapproché. Bref, ce n’est pas une surprise qu’il soit très doué pour capter des passes.

 

« Ça fait longtemps que je fais ça. Je ne dis pas que je suis rendu au sommet pour la passe, mais je pense que j’ai une aisance à attraper le ballon. Je deviens de plus en plus à l’aise à courir avec le ballon et je dois encore travailler sur mes blocs.

 

« On l’a recruté parce qu’on voyait tout un athlète, mais on se posait la question s’il était un receveur ou un porteur. On a décidé de le déplacer comme porteur et je peux te dire que c’était loin d’être évident au début », a avoué Maciocia, le pilote des Carabins.

 

L’athlète québécois de 26 ans est loin de lui contredire quand on le questionne sur cette période de transition.

 

« C’est sûr que ce n’était pas facile. Auparavant, je ne faisais pratiquement pas de protection de passe. Ce passage a été assez difficile. C’est compliqué et ultra technique de bloquer pour le quart-arrière. J’ai eu besoin de temps pour développer ça », a-t-il admis.

 

Le déclic le plus significatif de sa carrière s’est produit quand il a saisi comment attaquer les défenses adverses avec le ballon.  

 

« Un moment donné, on s’est assis dans mon bureau. J’ai décidé de l’aborder comme je l’avais fait avec Mike Pringle. Je lui ai demandé de courir avec ses yeux et non avec ses pieds. On a plongé dans plusieurs détails techniques et les choses ont cliqué au point que je n’avais même plus besoin de lui parler. On a vu les résultats en 2014 et 2015, il s’est vraiment éclaté », s’est rappelé Maciocia.

 

Avant ce moment charnière, Thomas-Erlington avait plutôt tendance à choisir où il allait orienter sa course trop hâtivement. Il prenait souvent sa décision alors qu’il n’avait pas encore obtenu la remise ce qui l’empêchait de s’adapter suffisamment au déploiement défensif qui finissait par survenir.

 

« Ça n’a pas pris beaucoup de temps pour qu’il comprenne et on a assisté à des matchs de plus de 200 verges au sol. Il se sentait tellement bien dans son élément et là je me disais que ça se pouvait que ça le mène à un autre niveau », a ajouté l’entraîneur des Bleus.  

 

« Je me souviens de ce moment, c’était après une partie contre Laval durant laquelle j’avais eu une bonne performance, mais que j’aurais pu avoir des résultats bien meilleurs si j’avais effectué correctement mes lectures », a réagi le numéro 31 des Tiger-Cats.

 

On découvre un autre élément fascinant de son parcours uniquement vers la fin de l’entrevue. Comment expliquer qu’il raffole de la dimension physique du football et qu’il ne recule pas devant ses adversaires plus imposants malgré un physique de cinq pieds neuf pouces et un peu plus de 200 livres ?

 

« Durant tout mon secondaire, j’ai joué en défense et je pense que ça vient de là. Ce n’est pas un côté qui m’inquiète de me faire frapper », a-t-il expliqué avec un sourire en coin révélateur.

 

« Quand il embarque sur le terrain, tu es mieux de savoir où il est situé. Tout le monde le regarde  en pensant que ça ne peut pas être si méchant un choc avec lui, mais il ne fait pas de cadeau quand il frappe », a insisté son ancien entraîneur sur la colline montréalaise.

 

Déjà une exception à cette position

 

Thomas-Erlington veut, bien sûr, s’accrocher à ce prestigieux poste de porteur de ballon partant. Les Canadiens qui y parviennent demeurent des exceptions.

 

« Je ne pourrais pas être plus heureux de la confiance que l’entraîneur m’accorde et je veux absolument lui rendre la pareille », a témoigné le porteur de ballon tout en soulevant une réalité inévitable.  

 

« C’est excitant, mais c’est aussi stressant parce que ça vient avec beaucoup de pression sur tes épaules. Sur le terrain, il y a plusieurs receveurs et joueurs de ligne offensive, mais il y a un seul quart-arrière et un seul porteur. Quand une erreur survient, tout le monde peut la voir. »

 

Mais toute cette expérience n’est que positive pour l’instant. Les Tiger-Cats se délectent de la décision de miser sur ce produit québécois. Puisqu’il a d’abord joué en défense et comme « receveur », le potentiel de développement demeure considérable.

 

« Oui, je le crois. Je suis 100% confiant que j’ai encore des choses à apprendre », a conclu Thomas-Erlington sans vouloir sonner arrogant.


« Ce qu’il commence à faire, c’est équivalent à un Jon Cornish, un Éric Lapointe ou bien à un Jesse Lumsden qui a été trop souvent blessé. S’il peut rester en santé, il a encore de belles choses qu’on n’a pas vues de sa part et qu’on verra dans les prochaines semaines ou années », a prédit Maciocia.