Tous les joueurs de football vous le diront, le camp d'entraînement n'est pas la période la plus trippante de la saison.

Je crois que je n'exagère pas en disant que tout le monde s'en passerait, mais si vous êtes un lecteur assidu de mes chroniques, que je suis d'ailleurs heureux de pouvoir vous offrir de nouveau cette année, vous commencez à me connaître. Je suis un gars qui réalise pleinement à quel point il est chanceux de pouvoir gagner sa vie en pratiquant son sport préféré et j'ai décidé de voir le bon côté des choses en me disant que le début du camp, c'est aussi l'occasion de renouer avec de bons amis et de replonger dans cet environnement de compétitivité que je chéris tant.

J'apprécie particulièrement le début de cette nouvelle saison puisqu'en raison du stage que j'ai effectué dans mon domaine d'études, le droit, j'ai passé l'hiver complètement à l'écart de tout ce qui est football. Même mes coéquipiers qui, comme moi, demeurent dans les environs de Montréal durant la saison morte ne m'ont pas vu très souvent en raison de mon horaire chargé.

Depuis mes débuts avec les Alouettes, j'avais pris l'habitude de m'entraîner avec quelques coéquipiers à 10h00 le matin dans l'entre-saison. Mais cette année, comme je devais arriver au bureau vers 8h30 et que je quittais régulièrement aussi tard que 19h30, j'ai dû briser cette tradition et commencer à m'entraîner en solitaire, plus tôt le matin. Mon horaire m'empêchait aussi de prendre part à autant d'activités communautaires que je l'aurais souhaité.

Pour ces raisons, je viens de passer l'hiver le plus difficile, côté entraînement, depuis que je joue au football. Parce que ce que je préfère par-dessus tout de ce sport, c'est l'esprit de groupe et la camaraderie duquel il nous permet de s'imprégner. Ensemble, on se motive mutuellement, on se force à repousser nos limites. Je n'avais plus ça quand j'arrivais au gymnase tout fin seul à 6h00 du matin. C'était assez rough!

Mais je le répète, je me considère choyé de pratiquer ce métier et c'est toujours aussi vrai à l'approche de ma cinquième année chez les professionnels. Même que je vous dirais que depuis que j'ai goûté à du "vrai" travail, avec un horaire de 9 à 5, une routine plus régulière et toutes les contraintes que ça impose, je ne vois plus les choses de la même façon. Maintenant, je peux vous dire que le football, c'est vraiment, mais vraiment une belle vie!

N'allez pas croire que je regrette mon choix d'avoir dirigé ma deuxième carrière vers le droit. Au contraire, mon stage m'a vraiment permis de confirmer que j'étais dans le bon domaine.

Le cabinet dans lequel j'ai travaillé- Marchand, Melançon, Forget - emploie une quarantaine d'avocats et se spécialise dans l'assurance, le litige commercial et le droit fiscal. C'est un bureau qui me représente beaucoup et j'ai vraiment apprécié mon expérience là-bas. J'y ai été accueilli à bras ouverts. Pour la première fois de ma vie, j'ai vécu ce que c'était que de pratiquer le droit.

C'était un gros test pour moi et j'étais très nerveux avant de commencer. J'espérais que tout se passe bien, mais je me demandais aussi si j'allais aimer ça. Mais mes inquiétudes se sont vite dissipées et j'ai vraiment apprécié qu'on me confie plusieurs responsabilités. On ne me demandait pas de faire le café et d'amener des beignes! J'ai plaidé dans des procès, j'ai présenté des requêtes quotidiennement, j'ai fait de la rédaction et de la recherche. J'ai adoré ça et à la fin, on m'a officiellement offert un poste au sein de l'entreprise! Ce qui veut dire qu'à la fin de la prochaine saison de football, je suis assuré d'avoir une job d'avocat! C'est un gros soulagement pour moi de savoir que je suis fixé, que j'ai un plan dans lequel je suis très confortable une fois que ma carrière au football sera terminée.

Le droit m'a fait du bien. Ça m'a permis de décrocher un peu du foot, de parler d'autre chose, de me stimuler d'une autre façon. J'adore le mélange que mon nouveau mode de vie me procurera au cours des prochaines années : six mois de travail physique et intense dans un monde de gars et six mois d'un défi plus intellectuel.

Je me considère comme un homme comblé présentement. En plus, je me suis marié le mois dernier avec la femme qui partage ma vie depuis huit ans. On s'est rencontré à la fin de mon cégep, juste avant que je commence mon séjour à l'Université Laval, et on a uni nos destinées le 16 mai pour ensuite partir deux semaines au Maroc. Ce voyage de noces a été pour moi la transition idéale entre la fin de mon stage et le début de la saison de football. J'ai enfin pu recharger mes batteries. Je sais que c'est un gros cliché, mais c'est exactement ce que j'ai fait, parce que j'étais complètement au bout du rouleau quand le printemps est arrivé.

En ce moment, je me sens revigoré, prêt à attaquer le camp. Ça fait trois jours qu'on pratique et ça va super bien. Mon corps et mon esprit ne pourraient pas mieux se porter.

Bon, assez parlé de ma vie privée!

La saison dernière, à notre arrivée au camp, tout le monde était un peu nerveux. Les membres de notre nouveau personnel d'entraîneurs ne savaient pas à qui ils avaient affaire et les joueurs se demandaient tous ce que les nouveaux patrons allaient présenter comme système.

Cette année, avec le nombre de vétérans qui sont de retour et la même équipes de coachs, on part déjà sur des bases très solides, des bases de respect et de connaissances mutuelles qui sont très importantes. L'angoisse de ne pas savoir de quoi les choses auront l'air est disparue, on sait tous à quoi s'en tenir. Le camp vient juste de commencer et tout roule comme sur des roulettes.

C'est rassurant pour tout le monde de compter sur le même groupe de joueurs que l'an dernier. Dans une ligue où il y a beaucoup de mouvement de personnel, où la majorité des équipes se ressemblent rarement d'une année à l'autre, c'est crucial d'avoir pu garder le même noyau, autant en attaque qu'en défensive. Personnellement, je crois que c'est garant de succès, qu'on peut seulement progresser.

Statistiquement, notre attaque a placé la barre très haute en 2008 et j'ignore si on sera capable de montrer des chiffres semblables cette année, mais l'idée maîtresse, c'est surtout de gagner des matchs et de se rendre le plus loin possible. Dans cette optique, je suis convaincu qu'on sera capable de faire quelque chose de bien.

Même si tout le monde a la tête remplie d'optimisme, personne n'a encore pris la parole une seule fois pour parler de nos objectifs. Marc Trestman est un homme qui fait bien attention pour ne pas parler des choses avant qu'elles n'arrivent. Il nous dit souvent qu'il ne voit pas la lumière au bout du tunnel... mais là, on ne voit même pas le tunnel!

Évidemment, pour nous tous, l'objectif est toujours le même. Dans une ligue à huit équipes où Montréal est une puissance depuis tant d‘années, c'est évident qu'on ne considérera pas notre saison comme un succès tant qu'on ne gagnera pas la coupe Grey.

Je me prépare à disputer une cinquième saison dans la LCF et en quatre ans, je me suis rendu trois fois à la coupe Grey. Trois défaites. Ça ne ferait donc pas du tout mon affaire de me rendre de nouveau en finale pour m'y incliner une fois de plus. Je veux aller la gagner, cette coupe. C'est mon objectif et celui de tout le monde dans l'organisation. Mais même si ce n'est un secret pour personne, ce n'est pas un objectif qu'on verbalise ou dont on parle ouvertement aujourd'hui. On va commencer par bâtir notre équipe et après on parlera de coupe Grey.

J'assume mon rôle de vétéran

Je n'oublierai jamais mon arrivée avec les Alouettes en 2005. Sylvain Girard et Éric Lapointe m'avaient alors pris sous leur aile et m'avaient aidé à faire ma place avec l'équipe. Aujourd'hui, je m'efforce d'apporter le même genre d'appui aux recrues qui tentent de se faire justice au camp d'entraînement.

Il faut réaliser à quel point la vie d'une recrue n'est pas rose. C'est difficile pour un jeune du Québec d'arriver ici où il y a plein d'Américains et d'anciens joueurs de la NFL. Tu pars de ton université, où tu étais un joueur vedette qui avait le respect de tout le monde, et tu arrives à un endroit où tu dois tout recommencer à zéro. J'avais trouvé ça très dur et je sais que c'est la même chose pour eux.

Parce que je sais à travers quoi ils doivent passer, ces joueurs savent que je suis disponible pour eux. Je parle beaucoup à Benoît Boulanger, un gars de Sherbrooke et à Nickolas Morin-Soucy et Martin Bédard. J'essaie de passer du temps avec eux, de m'assurer qu'ils ne soient pas trop stressés. J'essaie de leur faire comprendre que si leur but est de faire l'équipe et que ça ne fonctionne pas, ce n'est pas la fin du monde. L'expérience d'un camp professionnel, ce n'est jamais perdu. Ça leur servira assurément dans l'avenir.

Mais je souhaite vraiment de tout cœur à ces gars de pouvoir rester avec nous cette année parce que plus on est de Québécois, plus c'est plaisant!

Une bataille très médiatisée!

Vous n'êtes probablement pas sans savoir que je suis encore une fois impliqué dans une lutte avec mon bon ami Étienne Boulay pour le poste de maraudeur partant. C'est drôle, parce que je dois encore répondre aux mêmes questions que par les années passées, mais je comprends parfaitement la situation. C'est normal que les partisans de l'équipe s'intéressent à cet enjeu qui implique deux Québécois.

Ça fait trois ans qu'Étienne et moi nous battons pour le même poste. Je ne vous mentirai pas, cette situation commence sérieusement à nous tomber sur le système, surtout qu'on sait tous les deux qu'on possède le talent pour faire le travail sur le terrain. Malheureusement, il n'y a qu'une place disponible et tout ce qu'on peut faire, c'est arriver préparés aux entraînements, donner tout ce qu'on a et laisser la décision dans les mains des entraîneurs.

Le plus important, c'est qu'on soit capable de se livrer une belle compétition sans développer de jalousie malsaine. Je vous jure que tout est au beau fixe entre Étienne est moi. Il est même mon co-chambreur au camp! Il est l'un de mes très bons amis et je ne lui souhaite que du bien. De toute façon, je suis convaincu qu'avec ce qu'on a prouvé, il est possible de trouver une façon de nous placer en même temps sur le terrain lorsque l'occasion se présentera. Je ne suis pas inquiet pour notre temps de jeu et notre place au sein de l'équipe.

J'espère que vous avez aussi hâte que moi que ça commence!

On se reparle bientôt...

Propos recueillis par Nicolas Landry.