Quand je mets mon chapeau d'analyste et que je regarde, sur papier, les forces en présence en vue du Super Bowl XLVI, je ne vois pas beaucoup d'endroits où les Patriots de la Nouvelle-Angleterre ont le dessus sur les Giants de New York.

Mais vous savez ce que c'est! Au football, c'est une histoire d'un seul match et tout, mais absolument tout, peut arriver. Et il y a aussi les émotions qui peuvent nous faire prendre des décisions qui ne sont pas nécessairement rationnelles.

Voici donc quelques pistes de réflexion en vue du match de dimanche.

1. Des parcours différents. Ce n'est pas la première fois que vous l'entendez celle-là, mais les Giants ont le vent dans les voiles. Ils ont terminé la saison avec de grosses performances sous pression et ont continué de prendre de la vitesse en éliminatoires, écrasant les Falcons à la maison avant d'aller « surprendre » les Packers et les 49ers sur leur terrain.

La confiance est à son paroxysme, tout le monde est en santé. Vraiment, c'est la formule parfaite pour aller gagner un championnat.

La réalité est différente chez les Patriots. Ils ont clôturé leur calendrier régulier avec des performances inégales et sans vouloir enlever quoi que ce soit à Tim Tebow et Joe Flacco, ils n'ont pas été confrontés à des tests aussi difficiles que les Giants en éliminatoires.

Flacco, que je considère comme étant un quart-arrière moyen, a quand même lancé pour plus de 300 verges avec deux passes de touché en finale d'association. Alors est-ce que la défensive des Patriots pourra tenir le coup contre l'attaque beaucoup plus affutée des Giants?

2. Quarts-arrières : le monde à l'envers. La réputation de Tom Brady n'est plus à refaire. Sous son règne qui dure depuis déjà une décennie, l'attaque des Patriots a été l'une des plus puissantes de la NFL. Cet ancien choix de septième ronde a abattu de nombreux records et quand il arrive en ville, l'adversaire sait qu'il devra probablement mettre beaucoup de points au tableau pour espérer être dans le coup.

Mais en fin de semaine, j'ai l'impression que les rôles seront inversés. Sans dire que Brady arrive à Indianapolis avec des complexes devant Eli Manning, c'est certainement sur ses épaules que repose la pression de faire fonctionner son unité au même rythme que celle du frère de son éternel rival.

Je ne dis pas qu'on assistera à un carnage, mais Manning va faire avancer les chaînons contre la défensive des Patriots. C'est pratiquement une certitude et c'est à Brady que reviendra la tâche de répliquer coup pour coup lorsqu'il aura le ballon dans la paume de sa main.

Ne voyez pas cette affirmation comme un désaveu envers Brady, mais plutôt comme une preuve de l'immense progrès réalisé par Eli Manning au cours des dernières années.

3. Un buffet à volonté pour Manningham. Avec les nombreuses armes qu'il a à sa disposition, attendez-vous à ce que Kevin Gilbride, le coordonnateur offensif des Giants, bouge constamment ses pions pour tenter de créer des confrontations avantageuses. Et ne quittez pas Mario Manningham des yeux. S'il y en a un qui pourrait se retrouver sous les feux de la rampe, c'est lui.

Victor Cruz et Hakeem Nicks ont chacun amassé plus de 1000 verges par la voie des airs en saison régulière. Logiquement, ils devraient faire l'objet d'une couverture très hermétique dans l'évolution de leurs tracés. Mais la tertiaire des Pats est à court de ressources et Manningham, le troisième mousquetaire de leur groupe de receveurs, risque d'en profiter.

À la ligne d'engagement, les Giants tenteront de placer Manningham devant un maraudeur ou, mieux encore, face à Julian Edelman, un receveur de passes converti à des tâches défensives par mesure d'urgence. Et vous pouvez être certain que Manning ne se gênera pas pour punir les Pats chaque fois qu'ils commettront pareille imprudence.

Évidemment, les cerveaux défensifs des Patriots ne se laisseront pas manger la laine sur le dos dans cette bataille stratégique. Et n'oubliez pas que la mi-temps est plus longue qu'à l'habitude au Super Bowl, ce qui donnera à Bill Belichick de précieuses minutes supplémentaires pour apporter les ajustements qui s'imposent, si nécessaire.

Voilà un beau jeu d'échec que je surveillerai avec beaucoup d'attention.

4. Relâchez les fauves! Négligés devant l'éternel au Super Bowl XLII, les Giants étaient parvenus à causer la surprise grâce notamment à la férocité de leur front défensif, qui avait semé le chaos dans l'univers habituellement douillet de Brady.

Quatre ans plus tard, Michael Strahan est parti, Jason Pierre-Paul est arrivé, mais le reste du groupe qui s'était porté à l'assaut de Brady est sensiblement le même. Pourront-ils reproduire la formule qui leur avait permis d'obtenir autant de succès?

Brady a une tonne de qualités, mais on ne le confondra jamais avec Michael Vick dans une course à obstacles. Il est un quart statique qui n'est pas très difficile à trouver pour quiconque se lance à sa poursuite.

Les Patriots sauront-ils protéger adéquatement le leader de leur attaque? Je pense que oui. Ils se sont assez bien débrouillés à ce chapitre contre les Ravens - qui ne sont quand même pas piqués des vers - et je crois qu'ils parviendront à trouver des solutions aux problèmes proposés par les Giants.

Je crois que les Patriots utiliseront leurs deux gros ailiers rapprochés et leurs porteurs de ballon pour créer un prolongement de la ligne offensive et forcer les assaillants adverses à dévier de leur trajectoire pour toucher au butin. De cette façon, on pourra assurément éviter le gros de la tempête.

5. Un travail en tandem. Gronkowski. Hernandez. Welker. Des noms qui reviennent souvent quand on décortique le déploiement offensif des Patriots et qu'on risque d'entendre à maintes reprises pendant la télédiffusion du match ultime qu'ils s'apprêtent à disputer. Mais dans un match où l'importance des détails est décuplée, ce sont souvent les joueurs au rôle un peu plus effacé qui font la différence.

Évidemment, les porteurs de ballon sont une partie importante d'une attaque, sauf que chez les Pats, personne ne croyait que BenJarvus Green-Ellis et Danny Woodhead menaceraient les vieilles statistiques de Barry Sanders cette saison. Mais le succès de ce tandem risque de jouer gros dans la balance dimanche.

Quand notre quart-arrière a une cible dans le front, la meilleure façon de contrer la pression restera toujours une bonne attaque au sol. Si tu peux avoir assez de succès pour semer le doute dans la tête de l'adversaire, tu commandes le respect dans les corridors de course et tu crées la demi-seconde d'hésitation qui peut faire la différence entre une passe complétée ou rabattue.

Personne ne demande à Woodhead et Green-Ellis de connaître un match de 100 verges. Mais en leur donnant régulièrement le ballon et en obtenant une moyenne de trois ou quatre verges par portée, les Patriots joueraient soudainement avec un cahier de jeux beaucoup plus vaste.

6. Des paroles, des paroles, des paroles... Le lien avec le fameux match de 2008 est difficile à ignorer. Tout au long de la semaine, les journalistes dresseront des parallèles et tenteront d'obtenir des citations croustillantes des joueurs qui ont vécu ce mémorable soir de février.

Pour avoir joué pendant longtemps dans une ligue à huit équipes où les matchs revanches sont monnaie courante, je peux vous dire que les joueurs disent la vérité lorsqu'ils avancent qu'il n'y a pas grand-chose à retenir du duel d'il y a quatre ans. Regardez l'alignement des Pats : vous n'y retrouverez que cinq partants, sur une possibilité de 22, de l'édition 2008.

En fait, il y a tellement de blessures et de mouvements de personnel, année après année, que quatre ans dans la NFL, c'est comme une éternité. Hey! Les Pats n'ont même pas la même équipe aujourd'hui que celle qu'ils ont mise sur le terrain pour le premier match de la saison! Même chose pour les Giants, alors...

Sauf qu'il ne faut pas nous prendre pour des valises non plus. Tom Brady vous dira qu'il ne conserve pas une once de rancœur par rapport à la déception vécue en 2008. Ne le croyez pas, c'est un mensonge! Brady est un fier compétiteur, un gars extrêmement combattif. Il déteste perdre et je crois que c'est sa principale qualité. Alors personne ne me fera croire qu'il a oublié la fois où on a ruiné sa saison parfaite dans le dernier match de la saison.

Une déception comme celle-là te suivra jusque dans ta tombe. Brady voudra certainement se venger, mais ce ne sera quand même pas le mot d'ordre de son équipe.

7. Notions d'histoire. Dans le monde du sport, on est souvent vite sur la gâchette pour tenter de placer une performance exceptionnelle ou un accomplissement magistral dans un contexte historique. Si vous trouvez que les analystes sportifs y vont généralement un peu fort sur les superlatifs, passez votre tour pour les bulletins d'information lundi matin parce qu'il y aura matière à discussions!

Si les Patriots l'emportent et que Brady touche au trophée Lombardi pour la quatrième fois, doit-on l'élever au rang de meilleur quart-arrière de tous les temps? Meilleur que Joe Montana?

Si les Giants l'emportent et qu'Eli Manning vit la gloire pour la deuxième fois de sa carrière, doit-on le reconnaître comme un meilleur quart-arrière que son frère Peyton? Et doit-on lui préparer un buste en bronze pour son intronisation au Temple de la renommée?

Le débat est déjà lancé. Ne vous gênez pas pour y participer!

Je vous laisse avec ma prédiction : PATRIOTS 28, GIANTS 24

Bon Super Bowl à tous!

Propos recueillis par Nicolas Landry.