Il faut vraiment que les fantômes du Forum, furieux d'avoir vu leur temple changé de vocation, aient décidé eux aussi de faire connaître leur mécontentement en devenant les Démons du Centre Molson. Il faut qu'il en soit ainsi puisque Benoit Brunet vient de disputer deux semaines d'affilée avec les Stars de Dallas.

Et non seulement n'a-t-il subi aucune blessure mais il s'avère un homme à tout faire. Il joue en compagnie de Kirk Muller et Jamie Langenbrunner et ils sont constamment en mission défensive. Ou encore, il se retrouve parfois aux côtés de Mike Modano et de Jiri Lehtinen où l'attaque devient alors une priorité. Des responsabilités accrues et une fiche de deux buts et quatre mentions d'assistance en six matchs. Pas trop mauvais, n'est-ce pas.

L'ex-ailier du Canadien n'a cependant gardé aucune rancune pour les derniers moments difficiles qu'il a passés dans l'uniforme tricolore. Il avoue même avoir baissé les bras quand André Savard l'a rencontré, une semaine, avant d'être placé au ballottage pour une deuxième fois en moins de six semaines. " Je l'ai dit à André, je n'avais plus le goût de me battre comme à mes premières années pour grimper dans l'échelle des valeurs. On m'avait clairement dit que je ne figurais plus dans les plans, alors c'était clair qu'il me fallait changer d'air. "

Il lui fallait changer d'air mais, dans son for intérieur, Benoit Brunet ne voulait pas partir. Il a cru pendant quelques semaines que la situation s'améliorerait, sauf que c'est le contraire qui s'est produit. L'écart s'est creusé davantage entre le Canadien et lui. Même s'il voulait demeurer dans sa ville, près de son " petit monde " à lui, dans le fond, il avait peur de l'inconnu, il avait peur d'aller dans une autre ville, dans un autre pays. Il avait peur de ne pas pouvoir s'intégrer à un nouveau groupe, il craignait que sa famille ne puisse d'adapter à un nouveau milieu. " Je t'avoue que je me suis fais de la " bille " pour rien. Je suis heureux, il y a longtemps que je n'avais éprouvé autant de plaisir à sauter sur la patinoire. On m'utilise entre 13 et 17 minutes par match, on me confie des responsabilités, j'ai été bien accueilli ici et quelle vie différente. "
Plus d'argent grâce au fisc

Sur le chèque de paie, le montant est plus élevé, vous aurez deviné que le fisc est moins gourmand aux Etats-Unis et dans l'état du Texas. Il vient de faire l'achat d'une maison et " ma fille ira à l'école à trois coins de rue de notre demeure. Ma femme a passé quelques jours ici et elle a adoré. Et, la température… wow." Ce qui ne nuit pas non plus à l'adaptation à un nouveau groupe, c'est que les Stars, malgré leur défaite de 6-3, mercredi soir contre les Sénateurs d'Ottawa, ont retrouvé leur vitesse de croisière. Par conséquent, Brunet ne regrette rien, au contraire. Cette nouvelle expérience, il va la vivre pleinement, avec les impondérables qui y sont rattachés mais aussi avec le plaisir d'évoluer dans un nouvel environnement, avec une formation considérée comme l'une des meilleures de la Ligue nationale.

" Il y a une bonne atmosphère dans le vestiaire, possiblement parce que l'équipe joue beaucoup mieux et ce qui aide à améliorer la situation, Rosie (Martin Rucinsky) et moi avons contribué aux succès de l'équipe. "

Aujourd'hui, avec un peu de recul, un changement de décor était l'unique solution pour que sa carrière ne se termine pas sur une mauvaise note, en queue de poisson, si vous préférez. A Dallas, il aura la chance de retrouver sa confiance, de jouer plus souvent et de faire partie intégrante de la structure de jeu de l'entraineur Ken Hitchcock.

Au fait, comment il est ce Hitchcock, personnage tant redouté, surtout tant détesté.

" Euhh… disons que derrière le banc, il est chiâleux, il dit ce qu'il pense. Si tu connais une mauvaise présence sur la patinoire, tu vas le savoir. C'est correct comme ça, moi quelqu'un qui " gueule " pour les bonnes raisons, ça ne me dérange pas. Je ne te dis pas que je vais l'aimer à la fin de la saison mais pour l'instant, il m'accorde passablement de boulot, il me fait confiance et c'est tout ce que je demande dans les conditions actuelles. "

Avenir incertain

On comprendra que Brunet va profiter largement de la confiance que lui témoigne Hitchcock puisqu'il est à la recherche d'un contrat pour l'an prochain. Il deviendra joueur autonome sans restriction. Son passage à Dallas pourrait bien modifier l'opinion des directeurs généraux de la Ligue nationale qui n'ont pas voulu prendre une chance dans son cas. " Trop souvent blessé, disait encore, hier, Marshall Johnston, directeur général des Sénateurs d'Ottawa. Nous avons pensé à faire son acquisition mais nous avons eu peur d'investir $1.2 millions sur un patineur qui a passé plus de temps à l'infirmerie que sur la surface de jeu. "

Mais, ce n'est qu'au Centre Molson qu'on retrouve des Démons. Brunet disait hier qu'il ne s'est jamais senti aussi bien…

Touche à du bois mon cher Benoit