Par expérience, ce n'est pas évident pour un gardien de demeurer sur le banc pendant plusieurs matchs, de réaliser une bonne performance lorsqu'on fait appel à ses services et de ne pas avoir la chance de retrouver le filet lors du match suivant.

Je l'ai vécu à quelques occasions au cours de ma carrière et c'est ce qu'a vécu Carey Price la semaine dernière à Buffalo. Après six départs consécutifs de Jaroslav Halak, Price s'est dressé devant la cage du Tricolore, réalisant 40 arrêts contre les Sabres. Le jeune gardien du Canadien a joué tout un match et sa tenue a été presque la seule raison pour laquelle la formation montréalaise était en avance 2-0 après 58 minutes de jeu. C'est une mauvaise pénalité, une mauvaise réaction et un peu de malchance qui ont permis aux Sabres de réduire l'écart, sur un geste quand même audacieux de la part de Lindy Ruff, qui avait retiré son gardien à la faveur d'un sixième attaquant. Price n'a vraiment rien à se reprocher au cours de ce match. Et quand on arrive en tirs de barrage, c'est un coup de dés et, malheureusement, le CH n'a pas été capable de remporter le match. Et c'est Halak qui a obtenu le départ suivant contre les Panthers.

Par contre, le lendemain du match, j'étais super content d'entendre Jacques Martin dire que Price avait adopté une bonne attitude à la suite de cette défaite crève-cœur. Pour moi, c'est un signe de maturité. Si, cette saison-ci, les résultats ne semblent pas tourner à son avantage, Price va gagner de l'expérience et acquérir de la maturité. Tout le monde va être gagnant, pas seulement Price mais toute l'organisation du Canadien.

Pour les six matchs qui restent au calendrier régulier, Martin aura besoin de l'apport de ses deux gardiens, en raison des deux matchs en 24 heures. Lorsqu'on regarde la situation dans son ensemble, le Canadien est allé chercher trois points sur une possibilité de quatre la semaine dernière (avant le match contre les Devils), grâce à une bonne utilisation des gardiens.

Personnellement, lorsque mon temps d'utilisation était prévu d'avance, j'avais toujours plus de facilité à me concentrer strictement sur le match en question. Ce n'était plus une situation de cause à effet pour moi. Je pense que c'est comme ça pour plusieurs gardiens de but. Je me concentrais sur ma tâche à accomplir pour 60 minutes. On a quand même le sentiment du devoir accompli lorsqu'on termine le match en sachant qu'on a fait notre boulot. Malheureusement pour Price, l'équipe n'a pas été en mesure de bien terminer le match à Buffalo. Si le plan avait été établi d'avance et qu'il savait qu'il ne serait pas du prochain match, ça surement aidé Price à garder une bonne attitude.

J'ose croire que les deux gardiens du Tricolore savent ce qui les attendent au cours des prochaines semaines. Je voyais Martin discuter avec Price et ça, je trouve que c'est important. L'entraîneur-chef doit avoir de bonnes discussions avec ses gardiens. Et j'ose croire que si le plan n'est pas établi - sachant que pleins de situations peuvent survenir au hockey - on profitera des prochains jours avant le prochain match pour laisser savoir aux gardiens quelle sera leur utilisation respectif, advenant que les deux se comportent bien en demeurent en santé d'ici la fin de la saison.

Le fait qu'Halak soit l'homme de confiance présentement ne veut pas dire que la carrière de Price avec le Tricolore est compromise.

L'époque d'un seul gardien en séries est-elle révolue?

Outre Ryan Miller à Buffalo, Martin Brodeur au New Jersey et Marc-André Fleury à Pittsburgh, il est intéressant de constater que les gardiens numéro 1 en début de saison 2009-10 ont changé en cours de route, pour les équipes qui luttent pour une place en séries dans l'Est. À l'image du Canadien et à l'approche des séries, les équipes de la LNH ont sans doute établi un plan pour leurs cerbères.

À Boston, il semble clair que Tuukka Rask est maintenant le numéro un, lui qui a délogé le gagnant du Trophée Vézina la saison dernière, Tim Thomas. Mais la semaine dernière, Thomas y est allé d'une excellente performance, blanchissant les Flames. On remarque que n'importe laquelle des équipes qui possèdent deux bons gardiens de but améliorent leurs chances de gagner.

Du côté de Philadelphie, les blessures n'ont pas aidé cette saison. Brian Boucher est maintenant le gardien en qui les Flyers se sont tournés et celui qui a le plus d'expérience, contrairement aux autres de l'organisation. Malheureusement à Ottawa, les contre-performances de Pascal Leclaire ont ouvert la porte à Brian Elliott, qui sera vraisemblablement l'homme de confiance de Corey Clouston pour débuter le tournoi printanier. Même à Atlanta, Johan Hedberg obtient plus de temps de glace dernièrement qu'Ondrej Pavelec.

À Washington, même si l'équipe est qualifiée depuis un certain temps, je pense que José Théodore mérite amplement le titre de gardien titulaire pour entreprendre les séries éliminatoires. On ne le retrouve pas parmi les meneurs pour le pourcentage d'arrêts ou la moyenne de buts alloués mais il a connu une incroyable séquence de 17-0-2 depuis le 13 janvier, séquence qui a pris fin dimanche face aux Flames.

Il vit un peu la même équation que celle présente à Montréal; les deux gardiens (l'autre est Varlamov) jouent bien mais celui qui gagne sur une base régulière, c'est Théo. Ses statistiques sont très respectables et ne mentent pas : 27 victoires et 7 défaites. Il a permis à son équipe d'obtenir au moins un point lors de 33 de ses 39 départs cette saison. C'est impressionnant, même si l'attaque des Capitals est redoutable.

La principale explication, selon moi, c'est en raison de la « nouvelle » philosophie d'y aller avec les gardiens qui offrent les meilleures performances du moment. Je pense que cette situation est tout à l'honneur de la confrérie des gardiens parce qu'il y en a de très bons dans la ligue. Ce n'est plus une question qu'un gardien est moins bon que l'autre. C'est qu'à un moment précis, un offre de meilleures performances lorsqu'il est appelé à le faire.

Cependant, je ne sais pas si l'époque du seul gardien qui évoluera en séries est révolue. C'est évident que si on se fie à la patience dont ont fait preuve les entraîneurs envers leurs gardiens en saison régulière, je prévois que ce sera la même chose pendant les séries éliminatoires. Selon moi, les entraîneurs ne laisseront pas certains gardiens connaitre deux matchs couci-couça consécutifs, mis à part les gardiens établis.

Il faut que les athlètes soient prêts à vivre à ce genre de situations parce que c'est la réalité. Bien souvent, la décision n'a rien à voir avec une situation négative envers un des gardiens. On croit fortement que les deux gardiens peuvent faire le boulot. Dans les faits, en utilisant l'autre gardien de but, on pense avoir une meilleure chance de gagner. Les joueurs ne doivent pas prendre les décisions des entraîneurs comme un affront. Ils doivent simplement s'ajuster.

Même situation à Montréal si le Tricolore se qualifie pour les séries; je ne suis pas certain que Halak travaillera confortablement, s'il est appelé à le faire, surtout si Price offre le même genre de performance qu'à Buffalo.

Les Saguenéens disputeront un septième match

Ces temps-ci, je passe beaucoup de temps avec les Saguenéens de Chicoutimi, qui disputeront leur septième match mardi face à l'Océanic à Rimouski. Notre jeune gardien de 17 ans Christopher Gibson aura la chance de disputer un premier match ultime dans la LHJMQ. Ce sont des moments excitants pour notre jeune équipe.

C'est ironique, car un peu à l'image de ce qui se passe dans certaines équipes de la LNH, c'est la recrue Robin Gusse, 16 ans, qui a débuté les cinq premiers matchs de la série. Alors qu'on tirait de l'arrière 3-0, faisant à l'élimination lors du cinquième match, Gibson est venu en relève et a remporté le match. Gibson était devant le filet dimanche, lors du sixième match, et c'est lui qui sera d'office pour la septième rencontre.

La situation qui prévaut en séries et un peu à l'image de la saison. On n'a pas été capable d'identifier un gardien de but numéro un clairement parce que les deux se sont bien comportés. La performance de l'équipe a été meilleure lorsque l'entraîneur a utilisé deux gardiens et une compétition saine s'est développée. On peut créer un parallèle entre la situation dans la LNH et celle qui se passe avec les Saguenéens. Je le vis maintenant de l'autre côté de la clôture, comme entraîneur des gardiens. Je suis consulté avant que la décision finale soit prise. La dualité fonctionne pour l'instant et on espère que ça fonctionnera lors du match #7.

Les deux jeunes veulent jouer à tous les jours, alors ca m'encourage et ça me dit que les deux connaitront une bonne carrière au niveau junior. Je pense que Gusse et Gibson vivent bien avec cette situation. Faisant preuve de caractère, Gibson a démontré qu'il avait accepté la situation en début de séries, sans nécessairement accepter les décisions de l'entraîneur. En relève à Gusse, il était prêt lorsque nous avons fait appel à ses services.

Maintenant, Robin doit rester prêt parce qu'on ne sait pas ce qui peut arriver pour la suite des choses. À 16 ans, le fait d'avoir débuté les cinq premiers matchs pour une équipe qui voulait remporter une première ronde éliminatoire, ça en dit beaucoup sur son talent. La situation va simplement le faire grandir.

Propos recueillis par Luc Dansereau