Bergevin doit sacrifier des jeunes
Canadiens vendredi, 21 juin 2019. 10:40 jeudi, 12 déc. 2024. 15:40
VANCOUVER - Après avoir raté les séries trois fois lors des quatre dernières saisons et être menacé d’une troisième exclusion consécutive l’an prochain – un désastre que le Canadien a vécu deux fois seulement au cours de son histoire : entre 1920 et 1922 et entre 1998 et 2001 – Marc Bergevin n’a pas le droit à l’erreur.
Il le sait.
Comme il sait sans doute qu’il sera congédié si son équipe ne progresse pas suffisamment cette année pour enfin réaliser l’objectif minimum qui est d’accéder aux séries. Un objectif qui, en passant, sera aussi difficile à atteindre l’an prochain qu’il ne l’était l’an dernier et l’autre année avant.
La chose la plus facile à faire pour le DG du Tricolore serait donc de penser à sauver son job au lieu de bâtir son organisation. De satisfaire la soif de vedettes des partisans en vidant les coffres, en comblant la marge de manœuvre dont il bénéficie sous le plafond et en hypothéquant l’avenir du club pour obtenir un nom. Un gros nom. Un très gros nom. Peu importe que ce gros nom rapporte de bien petits dividendes.
Le récent vaudeville associé au fait qu’Erik Karlsson avait offert ses services au Canadien parce que son épouse voulait se rapprocher d’Ottawa et de sa famille en a fait la preuve par mille.
Pendant deux, voire trois semaines, on parlait de Karlsson comme du sauveur qui allait conduire le Canadien à sa 25e coupe Stanley. Parce que Karlsson voulait venir à Montréal, il fallait lui donner les clefs de la ville et au passage tous les millions $ qu’il réclamait parce qu’on ne pouvait rater pareil rendez-vous avec l’histoire.
Le temps a permis de confirmer que cette bombe n’était qu’un pétard. Mais je dois ici rendre hommage aux auteurs qui ont su attirer l’attention et « spinner » cette nouvelle à un rythme fou pendant trois semaines jusqu’à ce que la toujours bien plus plate réalité ne vienne tout calmer.
Car la seule bombe associée à cette histoire est le contrat de 92 millions $ que les Sharks lui ont offert dans un moment de panique. Une bombe qui sautera au visage du directeur général Doug Wilson – ou d’un éventuel successeur – d’ici 2027. Surtout si les Sharks n’arrivent pas d’ici là à se rendre à la coupe Stanley et à ainsi offrir une raison d’avoir donné autant à un défenseur qui, aussi bon soit-il, ne pourra jamais justifier pareil salaire. Pareil contrat.
Duchene n’est pas la solution
Maintenant qu’ils ne peuvent plus rêver à Karlsson, les partisans du Canadien se tournent vers Matt Duchene.
Mais pourquoi donc?
Après les contrats « irresponsables » qu’ont offerts les Sabres de Buffalo à Jeff Skinner et les Flyers de Philadelphie à Kevin Hayes, la surenchère est déjà commencée avant même que la LNH ait établi officiellement le plafond salarial. Un plafond qui sera d’un million, voire un million et demie, sous la barre des 83 millions $ qu’il devait atteindre.
À dix jours de l’ouverture du marché des joueurs autonomes, ça n’augure rien de bon.
Car si Skinner a obtenu 72 millions $ pour huit ans (9 millions $ par année) et que Kevin Hayes a obtenu 50 millions $ pour sept ans, Duchene peut se permettre de commander plus de 10 millions $ par saison... pendant plusieurs saisons.
Il ne vaut pas ça. Loin de ça même.
Matt Duchene est un bon joueur de hockey. Un bon deuxième joueur de centre. Pas un premier. Ou pas un vrai premier. Il ne représente pas une assez grande amélioration sur Max Domi – même s’il n’a qu’une année d’expérience au centre – pour justifier pareil investissement de la part du Canadien. Ou de n’importe quelle autre équipe cela dit.
À lire également
Vrai qu’avec Duchene au centre, le Canadien pourrait muter Domi sur l’aile et renforcer une de ses positions plus faibles. Mais Duchene n’est pas le centre numéro un dont le Canadien a besoin en attendant que Jesperi Kotkaniemi assume ce rôle qui lui est destiné.
Surtout au salaire qu’il commandera. Un salaire ridiculement exagéré.
Mais Duchene obtiendra ce genre de contrat. Je mise d’ailleurs sur les Sénateurs d’Ottawa pour lui verser autant d’argent multiplié sur autant d’années.
Pourquoi? Parce que les Sénateurs l’aiment beaucoup. Peut-être même un peu trop. Parce que les Sénateurs ont payé beaucoup trop cher lorsqu’ils ont fait son acquisition dans le cadre de la transaction à trois clubs avec l’Avalanche et les Predators. Un retour de Duchene à Ottawa permettrait à Pierre Dorion de retrouver le joueur qu’il aime et d’avoir amorti un brin la facture avec ce qu’il a obtenu des Blue Jackets à la date limite des transactions le printemps dernier.
Et parce que les Sénateurs d’Ottawa sont plus loin encore de la coupe Stanley que ne l’est le Canadien, Pierre Dorion a moins à craindre les conséquences négatives d’un mauvais contrat comme celui qui sera offert à Duchene
Tant qu’à vider les coffres, le Canadien devrait viser plus haut : viser des Panarin ou mieux encore de courtiser et tenter de convaincre un des sensationnels jeunes joueurs autonomes avec restrictions qui sont disponibles cette année.
Oui ça coûterait une fortune en argent et en choix au repêchage d’obtenir un Mitch Marner, un Brayden Point, un Mikko Rantanen, un William Karlsson. Mais en raison de leur jeune âge, du fait qu’ils sont en encore en pleine progression, de tels joueurs pourraient justifier la perte de premiers choix.
Au lieu de rêver aux Erik Karlsson et Matt Duchene, j’aime mieux rêver à ces jeunes autonomes avec restriction qui ont bien plus à apporter.
Le temps est venu de sacrifier des jeunes
Mais bon! Des rêves demeurent des rêves. Et aussi colorés soient-ils, ces rêves ne règlent pas les problèmes immédiats et importants du Canadien.
Car pendant que Carey Price est au sommet de son art, avant que Shea Weber ne baisse trop de régime et en attendant que les jeunes qui offrent des signes intéressants pour un avenir meilleur, Bergevin doit donc trouver des solutions à court terme qui aideront son club sans hypothéquer le budget et compromettre l’avenir.
C’est possible?
Oui c’est possible.
Et contrairement aux prétentions du directeur général du Canadien qui a encore jeudi assuré qu’il était impossible de trouver des centres de premier plan par le biais des transactions, son homologue des Blues de St Louis Doug Armstrong a prouvé le contraire l’an dernier.
Deux fois plutôt qu’une d’ailleurs avec les acquisitions de Ryan O’Reilly et Brayden Schenn. Deux joueurs de centre de premier plan qui ont joué des rôles cruciaux dans la première conquête de la coupe Stanley de l’histoire des Blues. Deux joueurs de centre dans la force de l’âge qui quand on y regarde de plus près, n’ont pas coûté des fortunes aux Blues. Surtout quand on considère les bénéfices qu’ils ont offerts à leur nouvelle équipe.
Pour conclure une (ou des) transaction susceptible de lui permettre d’obtenir un Ryan O’Reilly, Marc Bergevin devra se résigner à sacrifier un ou des jeunes de son organisation. Un ou des choix au repêchage.
Bergevin répète qu’il ne veut pas sacrifier ses jeunes. C’est là où il commet sa plus grosse erreur à mes yeux.
Comme Jarmo Kekalainen, son homologue des Blue Jackets l’a fait à la date limite des transactions l’an dernier, le DG du Canadien doit identifier les espoirs auxquels il tient vraiment et ne pas avoir peur d’utiliser les autres.
Bergevin a perdu un joyau lorsqu’il a offert Mikhail Sergachev au Lightning en retour de Jonathan Drouin. Mais il a amélioré son club à l’attaque.
Parce que le flanc gauche de sa défensive est le maillon faible de son équipe et que la relève est très mince de ce côté dans la banque d’espoirs, Bergevin ne peut se permettre d’offrir Alexander Romanov à moins d’obtenir la lune en retour.
Mais sur le flanc droit : Bergevin pourrait facilement jongler avec les Josh Brook, Noah Juulsen, Cale Fleury et pourquoi pas Jeff Petry afin de renforcer son équipe.
Il pourrait aussi établir qui entre Ryan Poehling et Nick Suzuki a le plus de chances à ses yeux de faire du Canadien une meilleure équipe et sacrifier les projections associées à l’autre pour aider immédiatement son club.
Sans oublier les choix au repêchage auxquels Bergevin tient comme à des vestons les plus colorés, mais qui a un certain moment donné peuvent être plus rentables en monnaie d’échange qu’en ajout d’un candidat dans la banque d’espoirs.
Surtout qu’avec la marge dont il bénéficie sous le plafond, Bergevin pourrait encore voler au secours d’un club et accepter un très mauvais contrat pour ensuite le racheter – il l’a fait l’an dernier dans le cadre de l’acquisition de Joel Armia des Jets de Winnipeg – et acquérir des choix pour l’an prochain alors que le repêchage sera à Montréal.
Marc Bergevin a plusieurs moyens à sa disposition pour aider son équipe dès maintenant. Et il doit les utiliser.
Car le Canadien a besoin de renfort à gauche. Autant au sein de ses deux premiers trios qu’au sein de son premier duo de défenseurs. Et le temps est venu de cette aide ô combien nécessaire par le biais de transactions efficaces.
Il appert que des discussions ont cours entre le Canadien et les Flyers de Philadelphie. Des discussions entourant l’acquisition par le Tricolore de Shayne Gostisbehere.
Voilà une acquisition qui serait non seulement intéressante, mais qui est aussi et surtout intelligente. Gostisbehere a 26 ans. Il joue à gauche. Il est solide offensivement, surtout en avantage numérique où le Canadien doit se raplomber. Et prime, son contrat de 4,5 millions $ pour les quatre prochaines saisons fait de lui un joueur qui représente un bel investissement et non une dépense folle.
Le nom de Nick Leddy circule aussi. Il est bon. Il a de l’expérience. Il apporterait un plus à la ligne bleue du Canadien. Mais quel prix exigeront les Islanders?
C’est vers des Gostisbehere, des Leddy, vers des attaquants moins attrayants que les Matt Duchene et Artemi Panarin sur le plan des noms et des réputations que le Canadien doit se tourner pour améliorer son équipe. Si les Golden Knights ont réussi à faire coup double avec Reilly Smith et Jonathan Marchessault qu’ils ont « volés » aux Panthers de la Floride, et qu’ils ont obtenu William Karlsson « gratis » des Blue Jackets de Columbus, le Canadien doit bien être capable lui aussi d’identifier des joueurs qui ne coûtent pas chers, mais valent leur poids en or?
Marc Bergevin a beau dire qu’il parle moins à ses homologues qu’il ne le faisait lors des préparatifs entourant les repêchages des dernières années.
C’est peut-être vrai.
Mais si mes informations sont bonnes, il est passé près de réaliser une transaction pas plus tard que mercredi. Jeudi, c’était plus tranquille, semble-t-il. Mais ça doit s’activer à nouveau aujourd’hui et au cours des prochains jours.
Car le repêchage c’est bien beau. Mais les besoins de renfort du Tricolore sont immédiats. Pas dans deux, trois ou quatre ans. Et à moins que ses recruteurs lui dénichent une autre belle surprise cette année – je vous rappelle que le Canadien avait une projection d’automne 2020 pour l’arrivée de Kotkaniemi avec le grand club – Bergevin devrait laisser à ses recruteurs le soin de repêcher, et s’activer sur le plan des négociations pour conclure une ou des bonnes transactions.
Son club en a besoin. Lui aussi. Sans oublier les partisans qui étancheront leur soif de grosses vedettes si Bergevin leur offre des victoires, des chances réelles d’accéder aux séries et l’espoir d’une éventuelle 25e coupe Stanley avant la fin de leurs jours…
Bon repêchage!